Si vous arpentez les Champs Elysées, entrez vite avant qu’il ne soit trop tard dans l’univers fantasmagorique de Nikoline Liv Andersen, jeune designer danoise de talent qui expose pour la première fois à Paris. Au second étage de La Maison du Danemark, au numéro 142 précisément de la célèbre artère, trois drôles d’anges en pied vous accueillent. Ils n’ont rien d’angélique malgré les longs cils blonds qui voilent leurs prunelles. L’un d’eux a même un regard d’adulte un peu faux derche et des oreilles pointues à la Méphisto. Diable de haie d’accueil ! D’autant que leur fait face une étrange divinité à tête de goupil. D’emblée vous voilà catapulté dans un autre univers.
L’angélique trio d’un hyperréalisme à la Ron Mueck est coiffé d’un bonnet de résille blanche et revêtu d’une sorte de cotte de maille. Les ailes ont la densité atrophiée des déchus du ciel. En s’approchant de plus près, on reste interdit. Ces élytres sont faits de pailles à siroter blanches de différentes longueurs ! Quant aux coiffes épousant la tête de ces séraphins, ce ne sont que fines découpes de ces mêmes pailles en plastique, tronçonnées au millimètre près avant d’être collées puis juxtaposées une par une à la pince à épiler.
Parvenu dans les pièces suivantes, la stupeur cède à l’admiration. Voici une tête de mannequin montée sur pique coiffée d’un simple calot hérissé de clous. Pointes tournées vers l’extérieur par chance pour qui porte le modèle… Des formes humaines flottent dans les airs. Leurs chaussures froufroutent d’une empeigne faite de ce qui ressemble fort à des napperons froissés. Plus loin, des mannequins portent des tuniques bariolées ou des robes mariant l’improbable : de l’organza de soie à des poils de vison ou de renard (l’animal est reconnaissable au toucher) ; du papier d’aluminium serti de cuir peint ou de rivets industriels. Sur l’un des modèles, on approche son nez du chas des aiguilles utilisées pour s’assurer qu’il s’agit bien de matériels à coudre ou à tricoter…
Apothéose de ce parcours d’extravagances vestimentaires féminines de la tête aux pieds, deux robes longues à l’ampleur ouvragée. Faites de pailles en plastique de taille et de couleurs différentes, matériau fétiche de l’artiste, elles sculptent ici un fourreau digne d’habiller la petite sirène du rocher, là un berlingot ventru plus impeccablement taillé qu’un topiaire du château de Versailles ! Les formes humaines arborent des chignons laineux façon Rococo tout droits sortis d’une boutique Phildar ! Dans leurs masses pelucheuses se cachent les commandements simiesques de la sagesse, ne rien voir, ne rien dire et ne rien entendre. Fantastiques, magiques, poétiques voire un brin sarcastiques, les marquises ainsi emperruquées vous embarquent dans une gavotte futuriste.
Théâtral, sculptural, haute couture, l’œuvre de Nikoline Liv Andersen marie avec audace l’art, la mode et l’artisanat. Son ingéniosité dans l’utilisation de matériaux non conventionnels, ses mariages de couleurs et de textures, sa maitrise de la finition en mettent plein la vue au visiteur. En peu d’exemplaires de son talent pourtant.
« La phase de montage et la construction textile sont les parties du processus qui nécessitent beaucoup de patience et qui sont très compliquées », confie-t-elle en explicatif de sa collection.
Il faut une infinie patience pour broyer, découper, chiffonner, transformer du coton en fourrure, façonner un volume par couches successives. Il faut l’acharnement d’une Pénélope pour déconstruire le textile qu’on a construit, déchirer le tissu en morceaux, y ajouter de la peinture ou du papier d’aluminium pour obtenir enfin l’ampleur, le chatoiement ou la profondeur souhaitée.
Les mannequins utilisés par la styliste et dessinatrice danoise sont retravaillés au pinceau pour en accentuer l’esthétique extranéité. Un peu de rouge aux pommettes saillantes, quelques ombres judicieusement portées, les voilà comme dépêchés d’un autre espace-temps. Même s’ils ont ce regard dédaigneux et cet air absent de nos mannequins (mal) en chair…
Guillemette de Fos
Nikoline Liv Andersen expose à La Maison du Danemark jusqu’au 15 mars 2015
Étonnant! Merci pour ce voyage insolite et plaisant.
Etrange portait d’un enfant d’Ailleurs… Pas un de nos petits de demain, j’espère…Quoique…
Celui-ci regarde vers … On ne sait pas ce qu’il regarde avec son regard sérieux d’ Enfant qui découvre le Monde…Tous ses sens sont en éveil… Ses yeux fixés et qui ne cillent pas, son oreille délicate tendue vers quelque onde et vibration à capter, pas une moue de dégoût et pas un petit nez fripé de répulsion… L’environnement ne demande juste qu’à être apprivoisé… Son épiderme a muté et présente une protection en une matière nacrée et transparente, à structure parfaite dite en nid d’abeille, légère et très résistante… Seule reste, au contact de l’air ambiant, la peau douce de sa petite frimousse en cours de transformation… Son front montre un afflux coloré de sang , l’aire frontale est hyper activée… A sa clavicule gauche, comme une fleur de cristal hérissée de prismes réguliers et agressifs… Là, juste au dessus du cœur qui bat la chamade… Un nouveau nénuphar parasite… ou une excroissance destinée à capter les sentiments de l’Autre… A droite, cette espèce d’Oreille nouvelle est décalée… Un fourreau pour une aile?… Mal placée… Mais peut-être qu’ une nouvelle loi physique s’applique pour cet envoyé d’un Demain inquiétant et pourtant pas si terrifiant… Sur la lèvre boudeuse de l’Enfant, une goutte de sang rouge, comme le tien ou le mien, que tu sois d’ici ou d’ailleurs… La chromoprotéine de l’Hémoglobine proche cousine de celle de la chlorophylle est donc universellement conservée dans le Temps des Millénaires qui défilent depuis…Au point, cette jolie structure qui fixe le fer de nos globules rouges ou le magnésium des végétaux… Je me perds… Il y a donc de l’espoir dans ce portrait surprenant et magique…
Bien vu ! Le visage méritait qu’on s’y arrête (comme tous les autres au demeurant).
Une précision qui manque dans l’article : la designer m’a confié qu’elle mettait « entre un et deux mois » à réaliser chaque oeuvre. Peinture et revêtement compris. C’est bien le moins pour vous expédier dans l’étrange.