Drôle de visa pour Katmandou

L’inquiétude climatique ne date pas d’hier ni même d’avant-hier. Quelque part au milieu du 17e siècle, très loin de chez nous au Népal, la sécheresse désespérait tout un royaume. Au point que le roi Pratap Malla (1624-1674) mobilisa son courage et entreprit de descendre dans les profondeurs maléfiques d’un temple à Shantipour, sur la colline de Swayambhou. Il fallait descendre des caves en étages jusqu’au niveau d’un lac souterrain. Là vivaient des démons. Afin de les amadouer, le roi avait apporté un poisson, des graines de soja et du lait de vache. La démarche, rythmée par force mantras et dévotions fut, si l’on peut dire couronnée de succès et il plut. Le prestige du jeune souverain en fut renforcé. C’est l’un des épisodes étonnants racontés par Eric Chazot, spécialiste du Népal, dans un livre qui vient de paraître aux éditions El Viso. Continuer la lecture

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Funérailles en variétés

Une fois le de cujus parti ad patres, il convient de régler le sort de sa dépouille (pour peu gratifiant qu’il soit, le terme n’en est pas moins approprié). La forme classique de l’inhumation se présente comme l’introduction du cercueil en chêne massif aux six poignées argentées, orné, sur le couvercle, d’un symbole religieux, dans le caveau de famille. Ce qui présuppose une certaine assise sociale. D’autres variations existent, emballages plus modestes, en sapin, bambou, carton, papier mâché, pour une tombe de rencontre. Mais, notable ou purotin, le défunt réintégrera le Grand Cycle de l’Azote,
seule perspective d’éternité scientifiquement validée. Sous l’action de la décarboxylation bactérienne, et de huit escouades d’insectes qui, de Caliphora vomitaria à Tenebrio obscurus, se succéderont sur le cadavre. Continuer la lecture

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Festival d’Avignon, bonheurs 2021

Un été 2020 privé de festivals, une année culturelle en berne, autant dire que les retrouvailles avec Avignon étaient aussi attendues qu’inespérées. Sous la menace planante d’un variant inamical et l’instauration d’un passe sanitaire qui n’était pas pour simplifier les choses, le festival d’Avignon a  néanmoins tenu bon. À l’ombre du majestueux Palais des Papes, de son éternel Prince, et du souvenir de Jean Vilar, il a de nouveau suscité de belles émotions artistiques. Retour sur quelques bonheurs qui, espérons-le, seront bientôt partagés sous d’autres cieux par un large public. Continuer la lecture

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En Bourgogne de la «Guerre des Gaules» à «L’histoire amoureuse des Gaules»

Pour les parisiens à qui le nom d’«Alésia» évoque une station de métro dans le 14ème, il vaut la peine de pousser jusqu’à la station Gare de Lyon direction Montbard à 1h de TGV de Paris. Là, vous avez rendez vous avec nos ancêtres les gaulois, les vrais, pas ceux d’une célèbre BD. Vous avez rendez vous avec un évènement historique majeur, sans doute et malgré la défaite, le premier évènement constitutif de la Gaule en tant que nation.
C’est là, sur une surface de 7000 hectares, sur les lieux mêmes de la bataille d’Alésia -dont la localisation ne fait plus vraiment débat- en-52 avant notre ère, que s’est déroulé l’épisode final de la «Guerre des Gaules» tel que César l’a relaté -tout à sa gloire-. Et c’est bien le problème car nos ancêtres, contrairement aux romains, n’ont pas laissé d’écrits. Fort heureusement les recherches archéologiques et historiques sur site ont permis d’établir d’autres vérités. Continuer la lecture

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Dans la famille vélo je voudrais… le grand-père

Et quoi de mieux en effet, afin de signifier à nos lecteurs la mise en pause des Soirées de Paris pour l’été, que cette image issue d’un vieux jeu des sept familles. Et plus précisément ce grand-père qui nous salue avec une courtoisie surannée. Ce que ne font pas vraiment les cyclistes d’aujourd’hui, tandis que le vélo ne cesse d’être à la mode depuis sa lointaine apparition. Déjà le 10 août 1901, dans la revue Tabarin, Guillaume Apollinaire rappelait tout ce que l’industrie du vélo devait à Pierre Michaux (1813-1883), l’inventeur de la pédale. Au point que les bicyclettes produites par ce serrurier d’origine, s’appelaient les Michaudines. L’invention de Michaux, poursuivait Apollinaire, avait « donné des ailes aux hommes » et il ajoutait que ce mérite insigne s’était notamment traduit par l’édification d’une sculpture à sa gloire dans sa ville natale de Bar-le-Duc. Continuer la lecture

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Eugène Atget, le photographe de Paris

Eugène Atget (1857-1927), artiste autodidacte et précurseur, qui a marqué des générations de photographes malgré une notoriété posthume, a consacré la majeure partie de son existence à photographier Paris. Pendant trois décennies, il s’est évertué à constituer une collection des plus complètes sur ce paysage urbain de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, produisant des milliers de clichés qu’il organisait en séries, numérotait et légendait avec minutie : “Paris Pittoresque”, “Art dans le Vieux Paris”, “Environs de Paris”, “Topographie du Vieux Paris”, “Intérieurs parisiens”… À partir des 9.164 tirages d’Atget que contiennent les archives du musée Carnavalet – Histoire de Paris, la Fondation Henri Cartier-Bresson présente actuellement une impressionnante exposition de l’artiste. Près de 150 épreuves originales, tirées par Atget lui-même, attestent ainsi de la singularité d’une œuvre tout aussi moderne que poétique qui va bien au-delà de la simple documentation, aussi intéressante soit-elle. Des images d’une réelle beauté et une exposition incontournable. Continuer la lecture

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L’allié intestin

C’était peut-être un faux mais non car le serpent a fini par ouvrir un œil. Et Martin, quoique stupéfait, constata que le reptile qui lui faisait face n’en avait plus qu’un. L’autre avait l’air comme suturé, collé, en tout cas fermé par une méchante conjonctivite qui ne devait pas dater d’hier. Il était naturellement lové en spirale avec le bout de la queue qui oscillait comme sous l’effet d’un mol courant d’air. Martin prenait possession de l’appartement de son jeune frère, brutalement mort avant lui. Et il venait de comprendre qu’il n’y vivait pas tout à fait seul. Appuyé d’une main sur sa canne, il chaussa de l’autre ses lunettes et tira de sa poche, la lettre testamentaire qu’il n’avait pas pris la peine de lire. Elle contenait un post-scriptum assez bref, intitulé « à propos de Léon ». Il était écrit que Léon ne dévorait plus depuis longtemps de proies vivantes et qu’il se contentait de pâté en boîte sans dédaigner, de temps à autre, une sucrerie. Continuer la lecture

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L’heure bleue danoise

«L’Heure bleue», nom si poétique d’un parfum de chez Guerlain, est aussi celui de l’exposition parisienne consacrée au peintre danois Kroyer au musée Marmottan Monet. Peder Severin Kroyer (1851-1909) était trop jeune pour figurer au sein de «L’âge d’or de la peinture danoise» (1801-1864) au Petit Palais en septembre dernier, et si on y ajoute l’exposition «Hammershoi, le maître de la peinture danoise» au musée Jacquemart-André au printemps 2019 (voir mon article du 20 mai 2019), le voilà qui prend enfin sa place avec cette première exposition personnelle parisienne. Avec Hammershoi, maître des intérieurs et de l’intimité à la Dreyer, Kroyer, poète de la lumière et des bords de mer, est le plus célèbre artiste danois de la fin du XIXème siècle.
En soixante-sept tableaux, nous faisons le tour de sa courte trajectoire, puisqu’il meurt à soixante-trois ans, au cours desquels il sillonnera une bonne partie de l’Europe, à commencer par la France. Après être passé en Allemagne et aux Pays-Bas, il arrive à Paris et entre dans l’atelier de Léon Bonnat (1833-1923) en 1877. De cette époque, figurent notamment quelques grands tableaux mettant en scène la vie des marins-pêcheurs hâlant leur bateau sur les rives du petit village de Skagen, dans le Jutland, à l’extrême pointe nord du Danemark, où s’affrontent les courants de la Baltique et la mer du Nord sous une lumière indicible. Continuer la lecture

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Brève rencontre sur la ligne 3b

La porte s’est ouverte pour livrer son flux de voyageurs au quai fébrile qui l’absorbe goulument. Chassé-croisé. A peine les derniers usagers engouffrés dans la rame de la ligne 3b que déjà la sonnerie retentit. La porte se referme en un claquement sec tassant les derniers entrés à l’avant. Lutin furtif, elle est montée in extremis à la Porte d’Aubervilliers. Se faisant toute petite, elle s’est coulée incognito dans la foule compacte pour ne pas payer son trajet. Le tram reparti, le nœud humain formé près du conducteur s’est étiré en une vague ondoyante partie s’immobiliser dans l’allée centrale. Le conducteur ne l’a pas repérée. Confiante, elle a déplié son buste et a suivi le mouvement. Elle est grande. Continuer la lecture

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Deux frères pour la vie

Partis de Pologne pour fuir la répression russe succédant à l’insurrection de 1848, l’ingénieur Aleksander Babinski et son épouse se réfugient à Paris. Le couple y donnera naissance à deux enfants, Henri (1855-1931), et Joseph (1857-1932/ci-contre), qui deviendront célèbres, chacun dans un genre différent. Joseph est évoqué par tout praticien chaque fois que, gratouillant avec une pointe la plante du pied d’un patient, il constate la lente ascension du gros orteil dénommée signe de Babinski. Ce réflexe cutané plantaire traduit l’atteinte du faisceau pyramidal de la moelle épinière en un endroit quelconque de son trajet. Joseph, donc, entreprend des études de médecine. À la fin de son internat, il cherche son avenir. Suite à un décès, un poste se libère dans l’équipe Charcot. Il postule, est accepté comme chef de clinique, et devient rapidement le disciple favori du patron. Continuer la lecture

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