Le reportage de guerre aux sources

À partir du mois d’octobre 1853, sur les bords de la Mer Noire, les armes s’apprêtent à sortir des râteliers. Un conflit oppose la Russie impériale de Nicolas 1er à la Turquie Ottomane. Les premiers christianiseraient bien le secteur jusqu’à Constantinople, les seconds ne sont pas d’accord. La Crimée est russe depuis peu alors que cela faisait un long moment que les Ottomans l’occupaient. Pour des raisons stratégiques, la France de Napoléon III expédiera pas moins de 300.000 hommes à environ 2500 kilomètres de la Tour Eiffel. Les Anglais n’engageront que 25.000 hommes et les Turcs 7000. Aux aléas de cette guerre féroce, s’ajouteront des épidémies fatales comme le choléra. La France laissera sur le champ de bataille 90.000 de ses soldats. Ce qui est tout à fait nouveau pour l’époque, c’est que trente ans seulement après l’invention de la photographie, une maison d’édition anglaise dépêchera un photographe avec pour mission de couvrir l’événement. Roger Fenton (1819-1869) effectuera dans des conditions particulièrement difficiles l’un des tout premiers reportages de guerre de l’histoire. Cette conjonction va donner lieu dès le 13 novembre à une exposition qui s’annonce prometteuse au Château de Chantilly (Oise). Continuer la lecture

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Saint-Germain-des-Prés, plus couru que le Panthéon

On l’aimait bien, Jujube, alias Juliette Gréco. Grâce à elle, on découvrait de bien belles chansons. Gainsbourg, Brel, Ferré. Chantés par elle, les poètes nous devenaient familiers. Boris Vian bien sûr, mais aussi Mac Orlan, Queneau, Prévert. Même Sartre, son ami, qui écrivit pour elle «La rue des Blancs Manteaux». «C’est pour voir mes mots devenir des pierres précieuses que j’ai écrit des chansons» déclarait-il en 1951 avant le départ de la chanteuse pour le Brésil. Le philosophe lui céda la chambre 9 du mythique hôtel La Louisiane où Juliette coula des jours heureux en compagnie de Miles Davis. La muse nous a quittés il y a un an, à 93 ans. En près de 70 ans de carrière, sans avoir connu «le menton triplé, la pesante graisse, le muscle avachi», elle avait cueilli les roses de la vie, comme l’y incitait Raymond Queneau («Si tu t’imagines»). Personne n’a jamais remis en doute son titre de muse de Saint-Germain-des-Près. Personne ne protestera contre l’appellation toute nouvelle d’une partie de la célébrissime place à son nom. Trois plaques officielles délimitent la petite centaine de mètres carrés qui viennent d’être réservés à la chanteuse et actrice. Continuer la lecture

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Idylle ultime

Il n’est pas toujours simple de dénicher un roman original. « Double vitrage » fait exception à la règle. Il raconte l’histoire d’une femme de 78 ans qui se laisse séduire par un homme plus jeune de trois ans. Elle est veuve, lui est divorcé. Ensemble ils tentent une approche ultime dont la fin est logiquement inscrite à brève échéance. L’action se déroule en Islande ce qui donne au bout du compte un double dépaysement. D’abord parce que les histoires de vieux humains évoquent un monde de pensées agréablement périmées et d’autre part parce que l’Islande, brumeuse et volcanique, nous propose son décor si singulier. Néanmoins, disons tout de suite que si cette romance avait pris racine en France, cela n’aurait rien enlevé aux qualités de ce mince ouvrage tout en nuances. « Double vitrage » est sorti en 2015, mais sa traduction n’a fait l’objet que cette année d’une publication aux éditions Bleu et Jaune. Continuer la lecture

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De nacre et d’os

L’envers de ce coquillage a été percé de trous et, ce qu’il en est tombé comme autant de confettis, servira à faire des boutons à l’ancienne ne devant rien à la matière plastique. Auparavant il aura fallu meuler la croûte de façon à ce que les deux côtés du futur bouton se valent. L’une des visiteuses du musée de la Nacre et de la Tabletterie situé à Méru (Oise), assurait cette semaine que dans son enfance, en Nouvelle Calédonie, on pouvait aussi plonger le coquillage dans un verre de Coca ou de martini afin de débarrasser l’ensemble des agrégats marins. Sauf que dans ce vieux pays de Thelle, au début du 18e siècle, ces deux boissons n’existaient pas. Il fallait ouvrager à la main et, ce lent labeur occupait hommes, femmes et enfants, rémunérés par ordre décroissant. L’on traitait dans ces ateliers des coquillages venus du Pacifique mais pas seulement puisque, à partir d’os de vaches, il était également fabriqué des manches de brosse ou des pièces de dominos. Toute cette histoire à peu près disparue est concentrée dans ce bâtiment, extraordinaire à maints points de vue. Continuer la lecture

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Le Petit Palais réenchanté par Othoniel

Avec sa nouvelle exposition “Le Théorème de Narcisse”, l’artiste Jean-Michel Othoniel, né en 1964, réenchante le Petit Palais. Plus de 70 œuvres ont, de ce fait, investi les escaliers, le jardin, le sous-sol… de ce joyau historique construit par Charles Girault (1851-1932) pour l’Exposition universelle de 1900. Enchâssées dans le bâtiment, suspendues aux arbres ou posées sur l’eau des bassins, ces œuvres de perles et de briques viennent dialoguer avec les ors et l’architecture majestueuse du lieu. Une invitation au rêve pour un palais de conte de fées… De la rue s’aperçoit déjà au loin l’impressionnante “Rivière bleue” dévalant, telle une cascade de pierres précieuses, l’escalier d’honneur. Des briques aigue-marine réfléchissent la lumière du jour dans un scintillement féérique et font écho à la majesté de la grille en ferronnerie qui marque l’entrée du musée. Elles ne sont pas sans rappeler celles de la “Grotta Azzurra”, cette œuvre antérieure de l’artiste présentée il y a quelques années juste en face, dans l’autre Palais, le Grand celui-ci, au sein de l’exposition “Jardins” (2017), ou encore celles d’une autre “Rivière bleue”, long ruban de briques de verre soufflé qui semblait onduler, telle une longue vague sans fin, sur le sol de la Galerie Perrotin dans l’exposition “Oracles” (2019). Continuer la lecture

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Mille et une nuits à l’opéra

Que l’on prenne place dans l’écrin rouge et or du palais Garnier ou dans le vaste espace noir et blanc de l’opéra Bastille, dès que le «noir salle» se fait, les rumeurs se taisent brusquement, et la salle entière retient son souffle, vibrant d’attente. La vie au dehors est abolie, plus rien ne compte que ce qui nous attend. Le chef surgit des coulisses, le rideau se lève, et c’est parti pour un spectacle total où tous les arts se mêlent.  Mais que sait-on de tous ces artistes, tous ces corps de métier, toute cette machinerie infiniment complexe, tous ces moments qui font l’histoire secrète de chaque spectacle ? Que sait-on de ce «nid de serpents» comme disait Noureev, de cette «nef des fous», selon plusieurs directeurs ?
Deux hommes connaissant bien l’envers du décor ont convoqué leurs souvenirs pour nous en livrer quelques secrets : Jean-Philippe Saint-Geours, directeur général de l’Opéra de Paris de 1983 à 1989 (date de l’inauguration de l’Opéra Bastille), et Christophe Tardieu, lui ayant succédé de 2010 à 2014. Comme ils ont étayé leurs souvenirs et leur expérience par des faits rigoureux, cela donne finalement un dictionnaire commençant par «Abonnés» pour finir par «Zauberflôte (Die)», soit «La flûte enchantée» de Mozart. L’ouvrage s’intitule « L’Opéra de Paris- Coulisses et secrets du Garnier », puisque ce dernier existe depuis 1875 soit près de 150 ans, alors que le très moderne opéra Bastille fonctionne depuis un peu plus de trente ans. Continuer la lecture

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Haute résistance

Ce gai couloir restitue à la perfection l’atmosphère funèbre du film « L’armée des ombres » de Jean-Pierre Melville. Pour la première fois, le centre de commandement de la résistance parisienne est ouvert au public, sous le Musée de la Libération de Paris, place Denfert-Rochereau. C’est là, à vingt mètres sous terre, que le Colonel Rol-Tanguy avait établi son PC secret durant la seconde guerre mondiale. Outre son bureau à partir duquel il coordonnait les actions de la Résistance, on y trouve différentes pièces qui abritaient un secrétariat ou encore un central téléphonique clandestin. En marge de cette découverte, la collection permanente du musée montre également une carte des souterrains de l’arrondissement, établie par un interne en médecine, lesquels corridors permettaient de circuler au nez et à la barbe de l’occupant. Ce lieu fascinant n’est à vrai dire pas complètement le sujet du jour puisque c’est une exposition temporaire qui fait le haut de l’affiche avec les projets de statue à l’effigie du chef résistant Rol-Tanguy commandés par l’écrivain Aragon au sculpteur Giacometti. Continuer la lecture

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Cours élémentaire

Dans le passé, certains énoncés d’exercices arithmétiques, annonçaient le début de la souffrance. Lorsque par exemple un « marchand de vin du Midi » rendait « franco en gare de l’acheteur un fût de vin blanc pour 110 francs ». Sachant était-il écrit encore dans un ouvrage scolaire de 1921, « que le fût vide coûte à ce marchand 5 francs, le transport 8,55 francs, les frais divers 2,45 francs », il fallait en déduire à combien le marchand estimait le vin seul. Avec les diaboliques décimales, l’exécution était laborieuse. Mais c’est avec ce genre d’entraînement proprement élémentaire à l’arithmétique que la France arrivait à dénicher quelques futurs génies des mathématiques. C’est d’ailleurs pour cela que devrait ouvrir sous peu, au cœur du quartier Latin une maison des mathématiques honorant la mémoire de quelques figures du genre, passées et vivantes.  L’initiation aux maths rappelle sans doute quelques cauchemars à certains. Ce qui est étonnant dans ce « Nouveau cours d’arithmétique » publié il y a cent ans pile chez Armand Colin (ci-dessus), ce sont bien ces problèmes tordus que les écoliers se devaient de résoudre. Continuer la lecture

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Un rare Fidelio parisien

Coup d’envoi de la saison lyrique à l’Opéra Comique avec «Fidelio», unique opéra de Beethoven, rare à Paris, qui sera saisi sur le vif vendredi 1er octobre par Arte, lançant ainsi sa propre saison lyrique enrichie de nouveautés. On sait que Beethoven s’est directement inspiré du livret d’un opéra-comique français post révolutionnaire créé au théâtre Feydeau le 19 février 1798, signé par Bouilly musique de Gaveaux, intitulé «Léonore ou l’amour conjugal-Fait historique espagnol en deux actes et en prose mêlée de chant». L’unique opéra beethovénien s’inscrit dans cet idéal de liberté révolutionnaire et de dévotion conjugale bien dans l’air du temps, allant jusqu’à un certain féminisme (loi de septembre 1792 établissant le divorce «par le consentement mutuel des époux»). Toutes ces idées chères au compositeur lui donnèrent du fil à retordre, divers livrets se succédèrent, une première représentation date de 1805 mais fut suivie de constants remaniements
(avec notamment plusieurs ouvertures nommées Léonore I, II, III), jusqu’à la version finale donnée à Vienne en 1814. Continuer la lecture

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Au nom des autres

Le bureau des lecteurs de la Comédie-Française ne s’y était pas trompé lorsque, en 2017, parmi les centaines de textes reçus pour ses lectures d’auteurs contemporains, il avait retenu celui de Stefano Massini, “7 minutes”. Et le Groupe des Spectateurs Engagés (1) ne s’y était pas trompé non plus en lui décernant son coup de cœur du printemps. Écrite en 2013, publiée en France en 2018 chez L’Arche dans une traduction de Pietro Pizzuti, cette pièce se démarque par son originalité, la force de son propos et les champs de réflexion qu’elle ouvre. Tout à la fois pièce politique et thriller social, elle met, par ailleurs, en scène une merveilleuse palette de personnages féminins. Ce texte d’une terrible actualité dans un monde toujours plus libéral prend aujourd’hui vie sur le plateau du Vieux-Colombier, porté par onze admirables comédiennes. Continuer la lecture

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