Paul Klee, quasiment primitif

S’il laissa sa trace dans la plupart des mouvements artistiques de la première moitié du XXe siècle (même les surréalistes le revendiquèrent comme un des leurs), Paul Klee se prétendait «libre comme la musique». La musique, chez lui, c’est une affaire de famille. Fils de musiciens professionnels, il fut lui-même violoniste dans l’orchestre de Berne, et son épouse Lily, rencontrée à l’âge de 20 ans, était connue comme excellente pianiste. Si, selon ses propres mots, cette musique joua tout au long de sa vie le rôle d’une «amante», ce sont pourtant les arts plastiques qui l’emportèrent. Continuer la lecture

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« Compartiment n°6 », une perle rare qui nous entraîne au bout du monde

« Compartiment n°6 », le film du finlandais Juho Kuosmanen a remporté le grand prix de Cannes 2021. Bien que ce petit bijou nous emmène au bout du monde, dans les froideurs de l’Oblast de Mourmansk, le voyage est avant tout initiatique. Ce film drôle et intelligent repose sur la rencontre improbable de deux êtres de culture et de classe sociale totalement différentes. Dans l’espace clos de leur compartiment couchette, ils vont se confronter, s’affronter pour apprendre à se connaître et à s’apprécier. Ils ont tous deux les émotions à fleur de peau et portent en étendard la curiosité de l’autre et de l’ailleurs qui va les connecter jusque dans les situations les plus cocasses. Continuer la lecture

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Algues en rade

Une cuisine avec vue sur mer, voilà l’entrée choisie par l’Aquarium de la Porte Dorée, afin d’illustrer son exposition sur les algues. Façon de démontrer aussi que ces plantes subaquatiques peuvent jouer un rôle dans notre alimentation, y compris pour parfumer la bière comme en témoigne un pack de trois bouteilles posé en évidence à droite. Le tout se situant dans une annexe car il ne pouvait à l’évidence être question de déranger le merveilleux aquarium proprement dit, juste à côté. À vrai dire tous les prétextes sont bons pour se rendre dans les sous-sols du palais où depuis 1931, la vie sous-marine enchante l’œil. Le spectacle y est bidirectionnel dans la mesure où l’on peut supposer que les pensionnaires à nageoires, alligators albinos et autres écrevisses, sont également spectateurs des humains qui pressent leur nez sur les vitres. Les algues étaient donc un bon motif de déplacement, peut-être meilleur que l’exposition Picasso dans les étages, car Picasso étant toujours partout, il peut bien attendre une prochaine visite. Continuer la lecture

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Au bloc

Tous les dimanches c’était la même chose. Sous prétexte qu’il avait été chirurgien, il lui incombait de découper le poulet ou le gigot, et jusqu’à la tarte aux fruits précédant les liqueurs. Il était pour ce faire, ce qu’il était convenu d’appeler l’homme idoine. Marc-Antoine se prêtait au jeu d’autant plus facilement qu’il appréciait plus que tout les repas dominicaux en famille. Y compris lorsqu’ils étaient troublés par des discussions politiques ou des différends de toutes sortes en plein milieu de la partie de bridge qui suivait traditionnellement le déjeuner. Tous les sujets étaient assez librement abordés. S’il s’agissait d’un problème d’héritage ou de divorce c’était le cousin Bernard, l’avocat, qui se voyait sollicité. Et concernant les questions de santé, de la vaccination du petit dernier aux varices de la vieille tante, c’était à lui Marc-Antoine que l’on s’adressait, pour donner un avis faisant autorité. Le tout sans que rien ne puisse vraiment tirer à conséquence, un dimanche chassant l’autre avec cette régularité exemplaire qui entretenait le plaisir des retrouvailles hebdomadaires. Continuer la lecture

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Léger cameraman

Lorsque qu’il a vu la possibilité de mettre au service d’un cinéma balbutiant son génie créatif, Fernand Léger ne s’est pas gêné, il a foncé. Conçu en 1924, « Ballet mécanique » est un film purement artistique, expérimental, avec des personnages mais sans comédiens, clairement revendiqué sans scénario traditionnel et faisant notamment appel à des photogrammes, c’est-à-dire des images photographiques réalisées sans objectif. Il s’achève au bout de dix-huit minutes sur une figure de Charlot en pantin désarticulé. Comment le peintre Fernand Léger, acteur majeur de l’art moderne, s’est-il frotté au monde du cinéma est une question qui a fait cette année l’objet d’un petit livre passionnant rédigé par François Albera, professeur honoraire à l’université de Lausanne et également rédacteur en chef de « 1895 Revue d’histoire du cinéma ». Continuer la lecture

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Un poème plane dans le plan

La séduction des anciennes peintures chinoises est due aux textes variés qu’elles contiennent, de l’indication pratique aux annotations poétiques. Sur deux au moins, présentées actuellement au musée Cernuschi via une animation féérique qui nous attend dès le vestibule, on peut en découvrir la simple et merveilleuse traduction. L’une dit: « Libres comme si nous chevauchions le vent. » Et sur l’autre il est écrit « Aussi légers que si nous avions quitté le monde des hommes. » Cette exposition, qui vient de débuter, s’intitule « Peintres hors du monde, moines et lettrés des dynasties Ming et Qing ». Soit cent chefs-d’œuvre venant de Hong Kong et collectés en son temps par l’amateur Ho lu-kwong (1907-2006). Il avait baptisé sa collection du nom de « Chih Lo Lou » soit en français, « Le pavillon de la félicité parfaite ». Ce qui laisse supposer qu’il est des félicités imparfaites, mais c’était sans doute une façon de mieux communiquer son enthousiasme. Sur ce plan-là, c’est réussi et le musée nous fait entrer de plain-pied dans un monde de raffinement dont nous ne nous soupçonnions pas privés à ce point. Continuer la lecture

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Folie et sagesse en royaume shakespearien

Georges Lavaudant monte aujourd’hui pour la troisième fois “Le Roi Lear”.  “Pièce monde” par excellence, selon les propres termes du metteur en scène, en cela qu’elle semble contenir le monde entier entre ses lignes, par la grande variété des thèmes qu’elle aborde, il semble, par conséquent, impossible de ne pas y revenir. Pour porter une pièce d’une telle dimension, rendre la richesse d’une telle écriture, il faut bien évidemment une traduction à la hauteur du texte original et des interprètes d’une belle trempe. C’est ici le cas. Jacques Weber, dans le rôle-titre, est tout simplement époustouflant. Un acteur monstre pour une pièce monde. Comédien au sommet de son art, il nous livre ici une de ces interprétations qui font date et donnent à ce moment de théâtre une rare grandeur. Continuer la lecture

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Echos de la Grande Guerre

La main qui a laissé échapper ce pistolet rouillé n’est plus là. Peut-être qu’elle a fait le repas des rats qui se pressaient autour des cadavres abandonnés. Dessous il y a des munitions altérées par le temps, de même qu’un improbable flacon. Après 10 ans d’existence, le Musée de la Grande Guerre, à Meaux, expose 10 ans de donations issues de familles ou de collectionneurs, sans compter les achats (1). Remarquable établissement qui a voulu situer sa scénographie à hauteur des hommes et des femmes ayant été les acteurs, sur ce qu’il est justement convenu d’appeler le théâtre des opérations. Cet immense musée de béton, le plus grand d’Europe sur ce thème, a recueilli et restauré des milliers d’objets, du plus petit comme un briquet à un impressionnant char Renault biplace, modèle 1918. Sur la dernière décennie 30.500 pièces ont été déposées par quelque 2000 donateurs. Accentuée par quelques effets sonores et images animées, la guerre de 14/18 est ici restituée au point de déciller nos yeux, imprudemment blasés par un long temps de paix. Continuer la lecture

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L’art, l’homme et la nature

La BnF expose actuellement Giuseppe Penone. Figure majeure de l’art contemporain dont l’œuvre est connue pour interroger la relation entre l’homme et la nature, l’artiste italien, né en 1947 dans le Piémont, et associé à l’Arte Povera (1), nous livre ici sa pensée autour de la trace, de la mémoire et de l’écriture. Une œuvre en particulier est au cœur de cette exposition, à laquelle elle a donné son titre : “Pensieri e linfa” (Sève et pensée). Réalisée spécialement pour l’occasion, il s’agit d’une spectaculaire installation formée de l’empreinte d’un acacia de 30 mètres de long et d’un texte manuscrit de l’artiste courant de part et d’autre de cette empreinte, une “œuvre-somme” en quelque sorte qui donne à voir la grande poésie qui caractérise la production artistique de Penone depuis plus de 50 ans. Continuer la lecture

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Apollinaire, listé parmi les grands immigrés de ces 230 dernières années

En cette date anniversaire de la mort de l’écrivain-poète, il fait bon annoncer que Guillaume Apollinaire fera bien partie d’une liste de « Portraits de France » au Musée de l’Homme, à partir du premier décembre. Cependant, l’image ci-contre, réalisée par Jacques Floret, laissait entendre en illustration d’un communiqué, qu’il y serait en vedette au milieu des vedettes, de même que son voisin à moustaches Salvador Dali. Mais non. De fait, nous a-t-il été dit, le visuel sera corrigé. Car l’expo est divisée en deux, ceux qui feront l’objet d’un développement et les autres. Cinquante-huit personnalités retenues au titre des hommes et femmes issus de l’immigration feront partie des personnages mis en avant. Eux-mêmes étant exfiltrés d’un rapport sur la question, remis à Emmanuel Macron en mars 2021 et qui contenait 318 noms, à la notoriété vivace ou périmée. Apollinaire figurera parmi ces derniers, avec juste une image et un nom, de même que Dali. Un choix a donc été fait. Sur la période de référence qui aurait pu le concerner (1889-1914), on note Émile Zola, Marie Curie, Chocolat (Raphaël de Lejos ou Raphaël Padilla), Isadora Duncan, Olga Preobrajenska mais pas lui, dommage. Continuer la lecture

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