Le bel essor photographique des années vingt au Jeu de Paume

Voici la championne olympique Marjorie Gestring parfaitement saisie au vol. Son corps semble en apesanteur. Elle a quitté le plongeoir. Elle n’a pas encore amorcé sa descente, elle plane. À l’aide de son objectif, le photographe John Gutmann a immortalisé l’instant. Ce cliché pris en 1936 ne pourrait être amélioré davantage. De toute évidence le tirage a bénéficié des plus grands soins. Plus de cent ans après l’invention de la photographie, les progrès techniques avaient libéré l’imagination, offert à qui voulait, la possibilité d’une expression jusqu’alors difficilement atteignable. Que ce soit pour les artistes (lesquels ne vont pas se priver de jouer les expérimentateurs) ou pour les photos-reporters qui vont donner ses lettres de noblesse au genre. Avec ses chefs-d’œuvre empruntés au MoMA, le Musée du Jeu de Paume nous offre en ce moment-même une exposition comme on les aime, à la fois exigeante, instructive et hautement divertissante. Continuer la lecture

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Reprise des Soirées de Paris le 3 janvier

Bonnes fêtes de fin d’année à tous nos lecteurs, contributeurs, commentateurs. Nous serons de retour le 3. PHB

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Les savoureuses histoires parisiennes de Georges Lenôtre

En ce 24 décembre 1677, madame de Sévigné avait, pour le dîner, fait au plus simple. Seulement huit services, pour l’après-messe de minuit, avaient été proposés aux convives au sein de l’hôtel Carnavalet. Potages, rouelles de viande, saucisses, daubes, fritures et courts-bouillons précédaient les premiers plats de résistance composés de langues de porc, langues de bœuf, farces, pâtés chauds, perdrix, faisans, dindonneaux, levrauts et chapons entourant l’agneau de Noël. La marquise s’était dit qu’après tant de viande il fallait songer à passer à un autre goût. Ce qui fait qu’elle avait fait suivre l’introduction déjà roborative par des saumons, des truites et des carpes cuites dans la pâte. Et par esprit de retour, elle avait conclu avant les desserts, par une proposition de viandes légères soit des petits oiseaux, grives, mauviettes, ortolans, cailles grasses que « l’on avale par pur amusement ». Cette diététique d’un autre âge a été précisément renseignée par Georges Lenôtre dans son livre « Paris qui disparaît » paru en 1937 chez Grasset. Au vu de ce que l’on mange aujourd’hui, le titre est pour le moins bien vu. Continuer la lecture

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Loustal s’invite à Matignon

Jacques (de) Loustal nous a habitués depuis longtemps, à aller bien au-delà des considérations figuratives, bien au-delà du simple copier-coller paysagiste. Son inspiration onirique, transposée en peinture, est garnie de mystères, de symboles. Les surréalistes l’auraient sûrement adoubé. Sa marque de fabrique est reconnaissable à dix pas. Comme en musique et notamment en jazz, genre qu’il affectionne, certains ont un « son », un style identifiable immédiatement.  Chez lui c’est pareil. Ainsi dans sa toile « Un livre remarquable » (ci-dessus), la femme qui est en train de lire le fait dans un univers de type psychanalytique. Elle est en robe bleue, ses épaules sont nues et son regard est un mélange subtil de concentration, de distinction et de dédain. Elle est assise sur une banquette rouge. Dans un décor épuré et par ordre d’éloignement, un chien domestique semble patienter à ses pieds, puis une table basse garnie d’une bouteille et de deux verres, une grande baie vitrée, un paon, une piscine, la mer et enfin une île. Tout l’univers de Loustal est bien là dans une succession de plans, d’arrière-plans et de détails qui n’en sont pas. L’auteur, tel le maître des horloges, sait arrêter le temps. Et nous avec. Continuer la lecture

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Kyoto : L’exquise maison du céramiste Kanjiro Kawai

À l’est de Kyoto, le quartier d’Higashiyama abrite une maison traditionnelle exquise qui ravira ceux qui apprécient l’architecture japonaise et, d’autant plus, s’ils sont également amateurs de céramique. C’est la maison de Kanjiro Kawai (1890-1966), un artiste qui fut à la fois sculpteur, calligraphe, poète et, avant tout, l’un des plus célèbres céramistes du XXe siècle. Il s’est d’ailleurs vu attribuer – et, c’est tout dire – le statut de Trésor national vivant que le Japon réserve aux personnes qui ont atteint la maîtrise supérieure d’un art ou artisanat. Le céramiste a refusé ce statut arguant que l’artiste doit s’effacer derrière ses créations. Un motif en conformité avec les théories du Mingei. Kanjiro Kawai est en effet – avec Yanagi Sôetsu, critique d’art et philosophe, et Shôji Hamada, autre potier célèbre – l’un des trois fondateurs du mouvement Mingei qui a vu le jour en 1925. Le terme « Mingei » est un mot valise, créé à partir de minshû (peuple) et kogei (artisanat). Continuer la lecture

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C’est déjà Noël à la Seine Musicale

Quel est donc cet étrange vaisseau de lumière brillant de mille facettes au bout de l’ile Seguin, dans la nuit de Boulogne-Billancourt ? On s’en approche en franchissant à petits pas la pente abrupte du pont le reliant à la terre ferme, saisis par la perspective immense baignée par les flots sombres de la Seine roulant au pied du vaisseau de lumière. Quelle approche spectaculaire ! Quelle belle mise en condition pour la soirée qui s’annonce ! Surtout quand c’est Bach qui nous a donné rendez-vous, en ce 9 décembre 2021… Continuer la lecture

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Dans l’intimité de la nuit des rois

Dans les librairies, les rayonnages théâtre, s’ils ne sont pas les plus volumineux, regorgent de mille récits d’expériences diverses, signés de metteurs en scène, d’acteurs, d’auteurs, de costumières – qui sont plus rarement des costumiers. Alors pourquoi s’enquérir de ce nouvel arrivé «Les nuits d’amour sont transparentes pendant la nuit des rois» signé de Denis Podalydès ? D’abord parce que le théâtre est une source d’inspiration qui ne s’épuisera pas et c’est tant mieux. Ensuite parce que Denis Podalydès n’est pas seulement un excellent acteur, c’est aussi un écrivain. Enfin, parce que pénétrer page après page dans les coulisses de la Comédie Française où, en 2018, Thomas Ostermeier montait «La nuit des rois» est une plongée par effraction dans une folle spirale de créativité, semée de doutes et d’enthousiasme, portée moins par des individus-acteurs que par une troupe qui fait corps avec le projet. Évidemment, tout au long de ces 250 pages, l’auteur de ces lignes s’est mordu les doigts de n’avoir pas vu le spectacle. Mais au bout de ces 250 pages, on a vu mille autres choses qui ne se voient pas depuis les fauteuils de la salle Richelieu. Continuer la lecture

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Daumier et Corot, en bon voisinage

À part un bouquet de fleurs récemment posé, la tombe de Honoré Daumier, souffrirait un petit entretien. De là on voit très bien celle bien plus large de Jean-Baptiste Corot (ci-contre), surmontée d’un buste, avec un jardinet fort négligé au pied. L’hiver qui s’approche accentue l’idée qu’une époque est bien révolue. Pour ces deux grands artistes, locataires à vie du Père Lachaise, il s’agit d’une bienheureuse proximité. Car leurs histoires sont liées. Et pas seulement via ce bon voisinage qui leur permet, la nuit, d’échanger des chuchotements. Lesquels d’ailleurs n’effraient pas les corneilles, grands-ducs et autres animaux variés du cimetière car ils en entendent bien d’autres. Dans un livre paru en 1953 aux éditions Aimery Somogy, l’historien d’art allemand Curt Schweicher, lève -trop peu- le voile sur l’amitié entretenue par les deux hommes. Continuer la lecture

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Almodovar à la peine

Le plus conciliant des programmateurs d’une chaîne de télévision n’aurait pas accepté un scénario aussi indigent, mais, on l’aura compris, c’est une façon de parler, car on a vu pire. Cependant, la signature de Pedro Almodovar valant -à juste titre- son pesant d’or, son dernier film a quand même débarqué dans les salles obscures. Que l’on juge du menu: deux mères qui accouchent en même temps suivi d’une inversion (oups) des bébés et l’on a à peu près tout dit. Jusqu’au moment où, ô surprise, grâce aux bienfaits des tests génétiques, l’une se rend compte que ce n’est pas le bon. Et l’autre qui entretemps est tombée amoureuse de la première, ce qui nous vaut au passage une petite scène saphique, récupère le sien. Avec d’autant plus d’énergie que celui qu’elle avait commencé à élever est mort rapidement. C’est donc l’histoire de Janis (Penélope Cruz) et Ana (Milena Smit). Cette trame fort peu originale, dépourvue de toute audace, nous devons la suivre deux heures durant. Comme le disait une spectatrice à la fin de la projection: « Le générique est bon ». Sur le plan strictement graphique, il faut être juste, c’est vrai. Continuer la lecture

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Noël en analyse

En ce temps là, en terres chrétiennes, les séquences étaient bien séparées : le 25 décembre, les fidèles célébraient la naissance du Christ; le 6 du même mois, sous les auspices de Saint-Nicolas, les enfants sages avaient reçu des cadeaux, les autres se trouvant sous la menace du Père Fouettard, l’acolyte inséparable de l’ancien évêque de Myre. L’époque moderne a chanstiqué ce bel ordonnancement. Le Père Noël, incarnation du matérialisme athée, porte un tort irrémédiable aux affaires du Petit Jésus. La crèche, l’âne et le bœuf, les bergers et les rois mages, le mystère de l’Incarnation, forment un segment trop restreint pour le potentiel commercial des fêtes de fin d’année. Le Père Noël, lui, a su développer un accélérateur économique adapté aux caractéristiques de la mondialisation. Sous toutes les latitudes. Continuer la lecture

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