Effusions

Le baiser consiste à toucher une personne avec les lèvres grâce aux muscles orbiculaires de la bouche. L’endroit cible du corps d’autrui reste à l’initiative du déposant. Soucieux de ne pas mélanger les torchons et les serviettes, les anciens Romains disposaient de trois termes distincts, fonctions des circonstances. Le premier, basium, s’adressait au cercle familial, le deuxième, osculum, visait l’environnement social, le troisième, suavium, avait une connotation sensuelle. Nous pourrions traduire basium par poutou, osculum par bise, suavium par patin. Le Kamasutra identifie le patin comme un classique de l’érotisme hindou. Certaines estampes de la période Edo attestent de son usage au Japon dans les ébats amoureux. Les stages au Royaume Uni ou les programmes Erasmus permettent aux étudiants ou aux étudiantes d’Europe de constater sa pratique dans l’ensemble du continent, et quiconque élargit son expérience de par le monde en vérifie l’universalité. On parle alors de séjours linguistiques, le patin classique se réalisant en préliminaire par entrecroisement des appendices linguaux des partenaires. Continuer la lecture

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Le jardin d’agronomie tropicale se désespère

Quoique bien défraîchie, cette porte chinoise fait encore bonne figure à l’entrée du Jardin d’agronomie tropicale, partie prenante du Bois de Vincennes. Elle n’est pas sans rappeler « Le Voyage de Chihiro » le film de Miyazaki, lequel racontait dès 2001 l’aventure fantastique d’une famille, au sein d’un parc d’attractions abandonné. C’est bien le sujet d’ailleurs. Hormis quelques pavillons bien traités, l’ancien jardin d’essai colonial, créé à la fin du 19e siècle, pleure misère. Bien que l’ensemble soit classé et inscrit aux monuments historiques, on ne peut que constater de nombreux désastres, depuis la dernière chronique parue dans ces colonnes (1). Des serres abandonnées, des pavillons en partie effondrés, des intérieurs tagués: la moitié de ce lieu, propriété de la Mairie de Paris (depuis 2003), souffre de délabrement. Négligence coupable tant cet espace pourrait n’être qu’émerveillement. Reliquat du colonialisme il n’est peut-être pas, pour cette raison, en odeur de sainteté. Continuer la lecture

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La voix de deux grandes plumes étrangères

Deux écrivains de grande envergure ont chacun publié récemment une tribune pleine page dans Le Monde au sujet de la guerre en Ukraine. Le premier, le 27 mars, Jonathan Littell (ci-contre), était attendu, car parfaitement légitime sur le sujet. Fils du maître du roman d’espionnage américain Robert Littell, né à New York mais élevé en France, Jonathan a reçu le prix Goncourt en 2006 pour «Les Bienveillantes», immense déflagration, pavé de plus de mille pages écrit en français donnant la parole à un officier SS œuvrant dans les camps. Avant d’en arriver là, il avait travaillé une dizaine d’années pour les ONG humanitaires MSF  et Action contre la faim  en Bosnie, Tchétchénie et Afghanistan. En 2008, à la demande du Monde 2, il a écrit un reportage en Géorgie (peu après le bref conflit ayant opposé ce pays à la Russie), puis tourné un documentaire sorti en salle en 2017 sur les enfants-soldats d’Ouganda (Wrong Elements). Continuer la lecture

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Le sens du trône, de l’art et du secret

Même dans nos sociétés modernes, la marque du chef perdure autour de son séant. Que l’on soit ministre, préfet, sous-préfet, un PDG ou simple chef de service, la position hiérarchique se caractérise par un siège distinct des subordonnés, des administrés, des sujets. Cette réflexion peut ainsi monter à l’esprit du visiteur devant la toute nouvelle exposition sur les chefferies du Cameroun au musée du Quai Branly. À l’instar de cet extraordinaire trône entièrement perlé du 19e siècle, représentant un roi assis avec une chevelure de plumes comme dressée par la foudre. Ce chef-d’œuvre (ci-contre) est considéré comme un « emblème de la force et de la vitalité de Notuégom, fondateur de Bandjoum ». Il a été exposé à Paris en 1962, à Dakar en 1966 et à Marseille en 1993. Sa rareté vaut à elle seule le déplacement. L’Afrique et incidemment le Cameroun, nous renvoient ainsi à nos propres symboles. Continuer la lecture

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Effets de styles

Si l’on veut traiter une énième fois d’un sujet, il faut soit de nouvelles informations, soit un nouvel angle. Comme les informations se font rares sur Serge Gainsbourg (1928-1991), sa vie ayant déjà été abondamment documentée, Marie-Christine Natta a choisi un angle: le dandysme. Auteur d’une thèse sur ce thème autour du personnage de l’écrivain Barbey d’Aurevilly (1808-1889), on peut supposer qu’elle disposait de quelques outils afin d’attaquer sur ce terrain le créateur de « La Javanaise ». Il est vrai que cette approche convient bien au personnage qui avait sur l’élégance en général et plus particulièrement sur sa façon de codifier son comportement, un style cochant la plupart des cases. « À l’instar de Baudelaire, dont il est un lecteur assidu, écrit-elle en avant-propos, il rejette la nature qui banalise, et choisit l’artifice qui distingue. » Selon elle, Gainsbourg étendait « le culte du beau à chaque élément de sa vie, qu’il soumet à sa loi esthétique ». C’est ainsi qu’avec ce prisme au bout de sa lunette, elle retrace l’existence de cet artiste polymathe, chanteur et poète-emprunteur. Continuer la lecture

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Retour au jardin des autochromes

Outre une exposition temporaire inaugurale, voilà si besoin, un triple alibi pour aller refaire sans attendre, un tour du côté de Boulogne-Billancourt, car le nouveau Musée Albert Kahn rouvre ses portes, demain samedi 2 avril, après six ans de travaux. D’une part l’édifice est signé par l’architecte Kengo Suma, lequel se flatte d’avoir flanqué le bâtiment d’un engawa dont le seul nom pique naturellement notre curiosité. D’autre part parce que les fameux et merveilleux autochromes sont disponibles en nombre jusqu’à en frôler l’extase. Et enfin parce que les auteurs du chantier ont eu la sagesse de ne pas toucher à la configuration du jardin extraordinaire ayant depuis longtemps, fait la réputation du lieu. On pourrait ajouter qu’il est aussi toujours bon, de s’intéresser régulièrement à Albert Kahn (1860- 1940) dont l’intelligence, l’humanisme et l’esprit d’aventure au sens le plus large possible, soulignent à quel point hélas, de telles qualités cumulées ne sont pas monnaie courante. Continuer la lecture

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Christophe Alévêque, libre et droit dans ses bottes !

Notre époque lui semblait déjà d’une monumentale aberration et les deux années qui viennent de s’écouler n’ont fait qu’en rajouter une couche.  Mais comment a-t-on pu en arriver à un tel degré d’absurdité et de soumission? Se demande l’humoriste Christophe Alévèque. Que se passe-t-il ? Cette crise sanitaire aurait-elle fini de nous retourner le cerveau ? Réveillons-nous ! En fin observateur de notre temps, le chroniqueur à l’humour ravageur nous livre aujourd’hui un spectacle hilarant sur un monde dans lequel il se sent totalement déphasé, et nous avec. Au qualificatif de “Super Rebelle” (2009), le quinquagénaire a aujourd’hui substitué celui de “Vieux con”.  Ce qui, au fond, revient au même puisque, comme il s’en explique “Aujourd’hui, le con, c’est un résistant. L’empire de la bien-pensance a fait basculer le résistant ordinaire, le libre penseur, dans le camp des vieux cons.” Plus rien à voir donc avec le conservateur réactionnaire d’usage. Et à l’heure de ce grand n’importe quoi, quel plaisir de rejoindre le club des vieux cons que nous propose Alévêque. Le rire que provoque ce spectacle n’en est que plus salvateur ! Continuer la lecture

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Une géographie bien singulière des célébrités, selon Matthias Debureaux

Ce petit guide, mais pas si petit que cela (688 pages), nous emmène sur les routes (et voies ferrées) de France pour découvrir qui a habité nos jolis villages. Son titre est trompeur : « Guide mondain des villages de France ». En fait de mondains, sur les 500 personnes répertoriées, il n’y en a pas tant que cela. Et certains auraient peut-être été gênés d’être ainsi qualifiés : tel le «Facteur Cheval» qui fit son palais dans «cette humble commune caillouteuse de la vallée de la Galaure» ou le Curé d’Ars, ou encore Fernand Reynaud. Et puis des villages, à part leur nom et leur localisation, il n’en est pas tant fait état. En fait le prétexte est de présenter une liste hétéroclite de personnages que l’on connaît bien, ou de nom seulement, ou pas du tout mais qui ont tous une personnalité intéressante, et qui y ont laissé une trace. Notamment dans ces villages. Continuer la lecture

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Hélas nos enfants ne lisent plus!

Quels pères et mères, quels grands-pères et grands-mères, quels oncles et tantes ne s’écrient pas, depuis des années, «Hélas, mes enfants, ou mes petits-enfants, ou mes neveux et nièces ne lisent plus !», en les voyant, dès leur plus jeune âge, l’œil vissé sur un téléphone portable, puis sur une tablette puis sur un ordinateur ? Il est vrai qu’à peine nés ou presque, nos rejetons apprennent très vite à appuyer sur les deux ou trois boutons leur permettant de se brancher sur des jeux vidéo, sur le smartphone de papa ou maman. Cela dit, plus tard, maman et papa ne sont-ils pas bien contents de pouvoir s’accorder quelque répit chez eux, au restaurant, ou en vacances en tendant leur portable ou leur tablette à leur progéniture afin d’avoir un peu la paix ? Certes, mais «Hélas, les nouvelles générations ne lisent plus !» se lamente-t-on cependant de tous côtés. Autrefois, la télévision était accusée d’abêtir nos enfants et les parents leur faisaient la guerre en s’efforçant de limiter leur temps quotidien devant la pas si petite lucarne les transformant en créatures «passives» (le grand mot !). Mais plus les écrans se sont miniaturisés, plus les créatures passives se sont transformées en créatures très actives sur les multiples écrans de l’Internet. Continuer la lecture

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Gabin le magnifique

La musique du Clan des Siciliens (celle de Ennio Morricone), nous revient inévitablement en tête devant l’affiche où Gabin était entouré de deux autres stars, Alain Delon et Lino Ventura. Plus étonnante est la déclinaison de cette même affiche, en version américaine, japonaise et tchèque. C’est là le grand intérêt de cette exposition sur Jean Moncorgé alias Gabin (1904-1976), organisée au sein de l’Espace Landowski à Boulogne-Billancourt. Elle n’épuise pas le sujet mais tout de même, on peut dire qu’elle l’essore, et pas seulement avec des affiches. Pour qui voudrait en « bouffer », il y a là, au quatrième étage et sur 700 mètres carrés, l’équivalent d’un buffet de fête. Ses chapeaux, ses pipes, ses briquets, sa malle militaire, ses effets de soldat, certains costumes usés par le temps, ses photos de prime jeunesse, des extraits de films: à coup sûr, le visiteur sortira rassasié. Et en conclura vite qu’il nous manque, démentant l’adage idiot selon lequel personne n’est irremplaçable. Continuer la lecture

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