Festival d’Avignon, coups de cœur 2022

Après un festival 2021 sous contraintes sanitaires, l’édition 2022 avait soudain des airs de retour à la normale, nous rappelant avec bonheur le bon vieux temps. Malgré la menace plus ou moins planante d’un variant inamical, l’ambiance était à la fête.  Il y avait bien quelques spectateurs portant encore le masque, mais c’était par choix et les visages n’en étaient pas moins sereins. Le tractage avait repris de plus belle, les affiches n’avaient jamais semblé aussi nombreuses… Avignon était redevenu Avignon. À l’ombre du majestueux Palais des Papes, où se tenait l’exposition Amazônia du photographe franco-brésilien Sebastião Salgado, de son éternel Prince, dont la Maison Jean Vilar célébrait le centenaire de la naissance avec celui de Maria Casarès (1), et du souvenir de son fondateur, il a de nouveau suscité de belles émotions artistiques. Retour sur quelques coups de cœur qui, espérons-le, seront bientôt partagés sous d’autres cieux par un plus large public encore. Continuer la lecture

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Aubrey Beardsley en délectables bribes

Il a suffi de feuilleter un vieux numéro de l’Œil traînant sur un étal de bouquiniste pour éveiller une curiosité de Parisien désœuvré. Car à l’été 1962, ce magazine offrit dans ses colonnes, un portrait d’un artiste depuis bien longtemps disparu, Aubrey Beardsley. Anglais, francophone, ce jeune homme n’avait pas atteint 26 ans lorsque frappé par la tuberculose, il décéda à Menton en 1898. Il se trouve que cela fait cent cinquante ans qu’il est né en ces derniers jours d’août et que renseignements pris, cela valait un petit mouvement de projecteur. Dandy, dessinateur, écrivain, Aubrey Beardsley a laissé une trace irrévérencieuse dans l’Angleterre victorienne, bien connue pour son ultra conformisme. Il avait notamment côtoyé Oscar Wilde (1854-1900) pour lequel il illustra la version anglaise de la pièce « Salomé ». Les deux hommes avaient en commun d’être des esthètes, un certain goût pour une décadence choisie et une homosexualité pas facile à assumer, celle qui devait valoir à Wilde la prison et les travaux forcés. Continuer la lecture

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Remettre Burnett à sa place

Le volumineux Quarto Gallimard consacré aux romans noirs de l’Américain William R. Burnett (1899-1982), sorti en 2019, n’a pas eu le retentissement qu’il mérite. Comme si malgré l’opulence de l’ouvrage (1120 pages), le manque de notoriété de l’écrivain de son vivant le poursuivait encore. Il s’agit pourtant d’un auteur yankee majeur, ayant toute sa place auprès de Dashiell Hammett, Raymond Chandler, James M. Cain, David Goodis, Chester Himes et autres. Écoutons John Huston dans son livre «An Open Book», publié en 1981 : «J’ai toujours admiré Burnett, qui me semble un des auteurs américains les plus négligés : Iron Man, Dark Hasard, Little Caesar, The Asphtalt Jungle et The Giant Swing- autant de romans considérables. Il y a des moments de réalité dans tous ces livres qui sont complètement écrasants.» Huston en sait quelque chose, lui qui connaissait bien Burnett et devait tourner l’adaptation de «The Asphalt Jungle» en 1950. Continuer la lecture

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Le verre en verve

Par définition, l’abstraction abolit le sujet, du moins sa représentation.  Bien malin celui qui pourrait discerner dans le détail du vitrail ci-contre, la symbolique des fonts baptismaux. Dans l’après-guerre, l’Église qui s’apprêtait à perdre son latin, était encore un peu frileuse à l’égard de la modernité. Ce qui fait que ce verre, peinture à la grisaille et plomb, n’a pas été retenu par l’église de Choye en Haute-Saône. Ce vitrail pourtant remarquable, réalisé par Jacques Bony en 1953, a depuis trouvé un musée tout neuf pour l’abriter. L’ancien hospice de Conches-en-Ouche (Eure), transformé en musée du verre, vient en effet d’ouvrir ses portes pour célébrer cette matière sous toutes ses formes. Bien qu’il ne soit pas vraiment facile d’accès à partir de la gare d’Évreux, le bâtiment mérite amplement l’effort d’une expédition, tant pour sa transformation impeccable en musée moderne que pour la richesse bien ordonnée de ses collections. Continuer la lecture

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Avec notre meilleur souvenir

L’entre deux-guerres, les congés payés et les premiers estivants, ont créé les marchands de souvenirs. Telle cette vue de Royan sur plaque de verre qu’un jour quelqu’un a accroché dans le salon au-dessus du buffet avant qu’elle ne finisse dans une brocante où elle a été cédée pour dix sous. Il paraît, selon un article du Parisien paru voici deux ans, que presque tous les vacanciers rapportent des souvenirs, en sus de leurs innombrables photos. Le mug, le porte-clés, le phare-baromètre, le magnet, les bols-prénoms, le galet peint, la carte postale, la boule à neige, tout y passe. Rien qu’en France, il s’en vendrait pour 3 milliards d’euros chaque année. Cependant, tout est souvenir dès lors qu’un objet rappelle quelque chose à son utilisateur. Le télescope James Webb vient même de nous rapporter des souvenirs du Big band, c’est dire. Continuer la lecture

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Ciel, un nouveau Pavarotti!

Alors, ce Pene Pati, né dans les îles Samoa, serait-ce le nouveau Pavarotti, comme le clame la critique? C’est toujours la même chose : quand un nouveau Caruso fait son apparition, on a l’impression qu’il surgit sur scène du jour au lendemain, né pour éblouir les foules. Mais quand on sait qu’il faut une bonne dizaine d’années, au minimum, pour former la voix et acquérir la technique, on sait bien que ce n’est pas possible. Demandez donc au tenorissimo Jonas Kaufmann, qui se produisait depuis quelque dix années sur les scènes européennes, pourquoi il est devenu une star du jour au lendemain dans «La Traviata» de Verdi auprès d’Angela Gheorghiu, au Metropolitan Opera, en 2006 ! La belle Angela à l’œil sûr avait remarqué le beau jeune homme, et l’avait demandé, mais avec son intelligence et sa modestie habituelles, lui trouvait qu’il avait chanté comme il le faisait depuis des années. Demandez donc au Yankee Michael Spyres, ayant quitté son Missouri natal pour se former à Vienne et fait des débuts dès 2006 au San Carlo de Naples, pourquoi il a dû attendre les années 2010 pour devenir une gloire rossinienne mondiale. Ou bien demandez à Roberto Alagna s’il se souvient de ses soirées de jeunesse passées dans les cabarets à gratter la guitare pour accompagner ses chansons. Il est vrai que dès qu’il a gagné le concours Pavarotti à 25 ans, il n’a plus arrêté depuis… Continuer la lecture

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Le jupon de Satie

Il a suffi de réécouter une valse lente de Erik Satie pour se replonger dans sa correspondance « presque complète », publiée en 2000 par Ornella Volta (1927-2020). Cette dernière raconte comment en 1903, la chanteuse Paulette Darty (1871-1939) reçut le compositeur. Satie s’était mis « sans façons » au piano, accompagné de monsieur Bellon au chant. Elle lui fit alors part de son « ravissement » pour le moins justifié. Tous ceux qui ont écouté un jour « Je te veux », par la voix des plus grandes interprètes comme Jessye Norman, partagent forcément ce point de vue. Et encore davantage peut-être, s’agissant de la version pour piano seul, laquelle prouve bien qu’un monde enchanté existe. Ce faisant, Satie avait fait concurrence à Dieu. Et lors de son enterrement au cimetière d’Arcueil (1) en 1925, le frère d’Erik, Conrad, crut entendre la voix de son frère après la mise en terre. Une apostrophe au Bon Dieu dont les termes étaient: « Le temps de passer un jupon et je suis à vous ». Moqueur y compris à l’égard de lui-même, Satie ne désarmait jamais, malgré les nombreuses vicissitudes de son existence. Continuer la lecture

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L’archipel du Cantal au cœur d’une mer de montagnes

L’artiste bourlingueur Thomas Tronel-Gauthier, est venu ce printemps ranimer les cendres de l’ancien volcan qui n’attendait que ça. Pour preuve les deux musées d’Aurillac ont eu la bonne idée d’accueillir en résidence le sculpteur plasticien qui auparavant avait posé ses valises, et surtout son regard, dans différentes régions de France et des contrées plus lointaines comme New York ou la Polynésie. Cette question du voyage est importante chez Thomas Tronel-Gauthier dont le travail interroge autant la nature en mouvement que les traces du temps et de l’action humaine sur les matériaux, tout en réfléchissant à leur devenir. Entre le Muséum des volcans et le Musée d’art et d’archéologie, dialoguent ses œuvres directement inspirées de sa parenthèse cantalienne avec ses créations plus anciennes réalisées au cours d’une quinzaine d’années. Il est d’ailleurs intéressant d’observer les constantes qui aiguisent son inspiration et les créations plus spécifiques liées à son séjour. Avec toujours un fil conducteur, le territoire, de ses fragments les plus modestes à ses paysages les plus vastes. Continuer la lecture

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Sous le signe du bikini

Comment évoquer la vie d’une petite française née en 1946 avec le bikini, «bombe anatomique» lancée cet été-là à la piscine Molitor, tandis que le 1er juillet, sur l’atoll de Bikini, «joyau des Iles Marschall», explose une première bombe A américaine, qui sera suivie de vingt-trois autres essais nucléaires ? C’est par cette interrogation que s’ouvre le livre «Bikini» de l’écrivaine-historienne- réalisatrice Danièle Rousselier : comment rendre compte de plus de cinquante ans d’un parcours intense, sinueux, la menant à enseigner l’histoire d’abord en Algérie puis vingt-cinq ans au lycée Voltaire à Paris, avant de passer à l’histoire de l’art et d’intégrer le Centre Pompidou, puis nouvelle bifurcation vers les Affaires étrangères et elle s’envole pour Naples (elle dirige l’Institut français de 2003 à 2007) puis vers le Mali (attachée culturelle à l’ambassade de France de 2007 à 2009) ? Autrement dit, en toile fond, la guerre d’Algérie ou du Vietnam, Mai 68 et les combats du féminisme, la pilule ou l’avortement légalisés, la condition des Noirs qui l’obsède depuis toujours. Continuer la lecture

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Quand le Néandertalien refait surface

Il y a environ quarante mille ans, dans le Périgord, une femme accoucha et pour une raison inconnue, partit après avoir enfoui le petit corps. Et puis tout au début du vingtième siècle, il fut exhumé par un préhistorien. Vertigineuse découverte succédant à quelques autres depuis le milieu du dix-neuvième siècle, laquelle mettait une fois de plus au jour les reliquats d’une population disparue, les Néandertaliens, appelés ainsi en raison du premier site de la première extraction du genre, en Allemagne. Depuis cent ans, les progrès techniques, notamment à partir d’analyses d’ADN mitochondrial, ont permis d’établir que 1,8 à 2,6% de notre génome actuel appartient à cette classe lointaine d’hominidés. Autant dire des cousins à partir desquels l’archéologue Rebecca Wragg Sykes, a remonté le fil d’une histoire fascinante, dont elle a écrit le roman. Publié en anglais, il vient d’être traduit et édité par la maison Delachaux et Niestlé. Un voyage dans le temps extraordinaire, savant, qu’elle a additionné en tête de chaque chapitre, d’une délectable prose poétique. Continuer la lecture

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