Une minute d’arrêt en gare

En 1998 une partie de la gare de Limoges-Bénédictins a été calcinée par un incendie majeur. Elle a été remarquablement rénovée depuis. Et c’est tant mieux. Parce que les habitants de Limoges y tiennent beaucoup et que d’une façon générale, la plupart de ceux qui ont eu l’occasion de la découvrir à l’occasion d’un déplacement en Haute-Vienne ou d’y prendre l’heure à son campanile, restent marqués par le souvenir de sa masse imposante et de son style disons pluriel, fourré à l’Art-déco. Cette gare qui a vu passer le premier train vraiment rapide d’avant le TGV, soit le fameux Capitole, vient d’être désignée la plus belle de France. Depuis quatre ans en effet que ce singulier « beauty contest » est organisé par la SNCF, c’est la première fois que celle de Metz est détrônée, mais il faut dire qu’elle n’était plus en lice. Ce qui a permis à l’édifice de Limoges de gagner cette année devant Saint-Brieuc et Troyes. Continuer la lecture

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Une Seine très musicale

Ouverture de la saison à la Seine musicale, le vaisseau de lumière arrimé au bout de l’île Seguin à Boulogne-Billancourt, ancien fief de Renault. Laurence Equilbey, la grande dame en résidence depuis l’inauguration en 2017, était à la baguette avec son orchestre sur instruments anciens Insula orchestra, fondé en 2012. La patronne, comme dirait Proust, avait concocté un de ces programmes reflétant ses goûts obstinés : Beethoven (1770-1827) et Louise Farrenc (1804-1875). Son compagnonnage avec Beethoven est bien connu, tout comme son enthousiasme pour Louise Farenc, compositrice oubliée du XIXème siècle. Sans compter son désir de nous faire entendre de jeunes artistes, en l’occurrence Lucas Debargue, pianiste français de trente-deux ans déjà très célébré. Continuer la lecture

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Bouffée de protoxyde d’azote au Petit Palais

Lorsque le Ministère des Affaires étrangères voulut, au début du 20e siècle, redécorer son ambassade viennoise, il fit appel à de grandes signatures d’artistes. Ce bien bel édifice, élégant en diable, méritait à juste titre les plus grands soins ce qui fait que l’édifice peut aujourd’hui se vanter d’être « la seule représentation diplomatique au monde de style Art Nouveau ». Outre des noms remarquables comme Majorelle (pour l’escalier), une série de douze tableaux censés illustrer « la vie et les inventions modernes » avait été commandée à un certain André Devambez (1867-1944). Pourtant séduisantes (détail de l’une d’elles ci-dessus), ses illustrations ne furent pas au goût des commanditaires. Elles avaient même été renvoyées en France avant que dans les années quatre-vingt, quelqu’un se ravise, renvoyant les belles images à Vienne. Elles donnèrent même leur nom au salon où elles ont été accrochées pour de bon. Il se trouve que André Devambez est actuellement exposé au Petit Palais lequel musée a été bien inspiré d’honorer ce touche-à-tout aimant à l’évidence s’amuser en travaillant. Continuer la lecture

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De l’art d’être «Fluxus»

Ben est là et content d’être là, à Blois dans ce café de la «Fondation du doute» (1) qui est en grande  partie son œuvre : Il est celui qui a imaginé et conçu ce lieu original et singulier qu’il anime régulièrement. L’histoire entre l’artiste et la ville commence en 1985.  Suite à la commande publique de la mairie de Blois et du ministère de la Culture, son «Mur des mots» prend place sur la façade de l’école d’art de Blois (ci-contre). Soit une installation spectaculaire de 313 tableaux/écriture réalisés en plaque émaillée qui sont autant de sentences sur la vie. Les mots comme matière première de la création artistique. Ben est depuis toujours un passionné des mots et des langues et a fait sienne cette théorie de Benjamin Lee Whorf en 1956  «Chaque langue est une vision du monde». Après le « Mur des mots » viendra « la Fondation du doute ». Continuer la lecture

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Cologne (Allemagne), Kölsch et Kultur dans une ambiance conviviale

Pour les amoureux de musées et d’églises, Cologne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) à 3h20 de Paris en train direct, mérite quelques jours de visite. Et, si son architecture manque parfois d’harmonie, ses habitants cordiaux et ses cafés et brasseries conviviaux lui redonnent tout son lustre. Rappelons à son défendant que la ville a été détruite à 95 % au cours de la Seconde guerre mondiale. En arrivant à Cologne, le train traverse un beau pont à arcs métalliques, le pont Hohenzollern, reconstruit en 1959 (ci-contre). Bâti en 1910, il avait miraculeusement échappé aux bombardements alliés, mais a dû être implosé par les Allemands pour empêcher les alliés de traverser le Rhin. Et dès la sortie de la gare la cathédrale se dresse devant nous tel un immense geyser de dentelles de pierre et de verre. C’est l’une des plus belles et des plus vastes cathédrales gothiques européennes. Qu’on en juge : longue de 144 m, large de 45, sa nef atteint 43 m de hauteur et ses tours 157 m. Continuer la lecture

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Anna ou la sculpture voyageuse

Serait-on en train de redécouvrir Anna Quinquaud, fille de la Creuse et sculptrice célèbre depuis les années 30, mais dernièrement quelque peu oubliée bien que ses œuvres soient visibles un peu partout ? Pionnière entre les pionnières, elle était bien présente lors de l’exposition remarquée du Musée du Luxembourg intitulée «Pionnières», qui s’est déroulée du 2 mars au 10 juillet cette année. Et voilà qu’on lui consacre un beau livre auquel Les Ardents Éditeurs de Limoges ont donné un format original (23,5 sur 16,5 cm), et ordonné le texte autour de six cahiers de photographies très diverses, famille, œuvres, voyages, demeures. Le livre s’ouvre page 4 sur la statue sur socle du visage délicat et rosé d’une petite fille au chignon avec cette légende : «Portrait de Marie-Benoîte, 1954, pierre rose de Séfrou, près de Meknès, Maroc. Coll. part.» L’avant-propos, très personnel, de l’auteure Marie-Josèphe Conchon nous révèle le mystère : «Anna Quinquaud (1890-1984) était une amie de mes parents. Je la vois encore à Casablanca lors de son séjour en 1954, sculpter le visage de ma plus jeune sœur enfant.» 
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Toujours juste après

Peu après avoir débarqué à Paris en 1961, Hervé Télémaque réalise trois ans plus tard deux œuvres marquantes, « Banania III » (ci-contre) et « Petit célibataire un peu nègre et assez joyeux ». Installé dans la capitale française, d’origine haïtienne, il remarque alors que sa « couleur disparaît » à la lumière des grands boulevards. Car juste auparavant, il était à New York. Dans cette ville américaine, « artistiquement parlant, tout se passait bien ». Mais c’est le « racisme ordinaire » vécu là-bas qui le conduisit finalement à franchir l’océan, tout comme nombre d’artistes étrangers après la deuxième guerre. Et c’est ce transfert qui fait actuellement l’objet d’une exposition au Palais de la Porte Dorée. À Paris, Hervé Télémaque (1937-) a rencontré ses pairs français, « tous anti-colonialistes » selon lui. Il se souvient avoir fait « 68 » avec eux en leur tendant obligeamment les pavés de contestation mais sans aller plus loin en raison de son statut d’étranger. « Et à ceux, se souvient-il encore, qui disaient que de Gaulle était un dictateur, je leur conseillais d’aller voir en Haïti ce qu’était un vrai dictateur. » Continuer la lecture

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Bien-être animal

En ce temps-là, le 6 juin de l’an de grâce 2014, Sa Majesté Elisabeth II se rendit en visite officielle en Normandie, pour célébrer le soixante-dixième anniversaire du D-day. Un banquet d’État était prévu, en son honneur et celui de son époux. Le chef de l’Élysée Guillaume Gomez, présenta le menu qu’il envisageait à l’approbation de l’autorité compétente. En entrée, un foie gras des Landes à la gelée de Sauternes. Outre le fait que ce mets constitue un grand classique de la gastronomie française, on disposait, pour ce choix vis-à-vis de la Couronne britannique, d’une solide jurisprudence. Il avait été servi sous François Mitterrand le 25 octobre 1984, et par deux fois sous Jacques Chirac, les 16 mai 1996 et 11 novembre 1998. À la satisfaction de la Souveraine. Mais, entre temps, le Prince de Galles avait banni cette préparation de ses résidences comme constituant une inacceptable atteinte au bien-être animal. Ce, depuis 2008. Continuer la lecture

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Démence doctrinaire

C’est bien le moment le plus lourd du film de Oliver Hirschbiegel. Celui choisi par Magda Goebbels pour empoisonner méthodiquement les six enfants qu’elle a eus avec son mari Joseph. Dans « La chute », visible jusqu’au 1er octobre sur Arte en rediffusion, on la voit qui commence par les endormir en leur disant d’avaler ce qu’elle présente comme un médicament, en forcer une qui ne veut pas avaler le somnifère et puis revenir plus tard leur briser une capsule de cyanure dans la bouche. Nous sommes en avril 1945, le couple Goebbels sort dans le jardin qui entoure le bunker du führer et se suicide mutuellement. La démence doctrinaire du nazisme trouve ici son apogée, frappant ses acteurs, adeptes et théoriciens. Interprété par Bruno Ganz, Hitler a fait de même un peu auparavant. L’on voit aussi une autre sommité rejoindre sa femme et ses enfants à table et dégoupiller sur ses genoux les deux grenades qui mettront un terme précoce à leur vie de famille. Ce film sorti en 2004 est un cauchemar épouvantablement bien raconté. Continuer la lecture

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Au milieu de la vie nous sommes dans la mort…

… ainsi est-il écrit dans la liturgie catholique afin d’accompagner les défunts comme il sied. Ainsi était-il chanté pour les funérailles de la reine Mary II en 1694 avec une musique composée par Henry Purcell (1658-1695). Ce qui fait le lien avec la reine Elizabeth qui vient de mourir et en dehors du fait qu’il s’agissait de deux souveraines du même pays, c’est que la cérémonie a eu notamment lieu dans l’abbaye de Westminster, là où le musicien a été inhumé, près de l’orgue. Sa musique n’a pas été jouée sauf erreur mais cette relative coïncidence n’est pas sans nous rappeler l’album enregistré en 1977, « Music for Queen Mary » soit de la merveilleuse matière baroque pour célébrer le « jour triomphal » de l’anniversaire de Mary II. Et suivie comme de juste par l’accompagnement voué aux funérailles de la très jeune reine, morte de la variole à 32 ans. Le tout était dirigé par le toujours vivant John Eliot Gardiner (1943-) qui avait détaillé à l’intérieur de la pochette, le passionnant contexte de la composition jouée pour la souveraine. Continuer la lecture

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