Yves Klein, la vie en bleu

L’International Klein Blue (IKB), ce bleu profond et lumineux qu’il a fait breveter, l’a rendu célèbre bien au-delà du cercle des amateurs d’art, faisant de lui l’un des artistes français les plus connus de la seconde moitié du XXe siècle. Mais Yves Klein (1928-1962), disparu prématurément à l’âge de 34 ans, n’est pas seulement l’artiste qui inventa une couleur. Son œuvre, élaborée en seulement huit ans, se révèle tout aussi spectaculaire que variée et audacieuse : Monochromes, Sculptures éponges, peintures dorées Monogolds, Anthropométries, Peintures de Feu… Dépassant la figuration et l’abstraction, les deux courants alors existant dans les années 50, elle préfigure les tendances les plus novatrices de l’art contemporain, telles que la performance, le happening, l’art conceptuel ou encore le body art. Médiatisée, destinée à toucher un large public, elle n’en est pas moins le fruit de réflexions intellectuelles et spirituelles. “Yves Klein intime”, l’exposition que consacre actuellement l’Hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence à l’artiste niçois, en explorant son travail sous le prisme de sa dimension personnelle, permet ainsi de mieux comprendre la démarche artistique d’Yves Klein. Dans un parcours chronologique et thématique d’une belle limpidité, prolixe en explications, une soixantaine d’œuvres, emblématiques ou moins connues, nous plongent avec ravissement dans le processus créatif d’une des grandes figures de l’art. Continuer la lecture

Publié dans Exposition | 3 commentaires

Des tanins mûrs mais très doux, enveloppés, pas fatigants

En automne, les feuilles tombaient des arbres… et s’épanouissaient les Foires aux vins. L’idée naquit à la Scarmor, centrale d’achat historique du mouvement Leclerc. Son président, François-Paul Bordais, et deux membres, l’un de Saint-Pol-de-Léon, l’autre de Vannes, réalisaient un coup commercial inédit. En octobre 1973, un camion se place à la porte de leur entreprise respective, pour proposer en solde des bouteilles à peu près convenables et quelques belles étiquettes à prix cassé. La plupart des négociants contactés pour l’opération leur avaient opposé un refus dédaigneux. Ils n’avaient pas envie de compromettre leur image de marque dans ce genre de démarche mercantile. Mais deux d’entre eux s’y étaient risqué, à leur grand bénéfice. Il s’avérait possible de démocratiser la consommation de vins de qualité. La clientèle répondait présent. Il fallut toutefois, dans les premières opérations, éviter que certains restaurateurs viennent acheter en masse, à des prix serrés que leurs fournisseurs ne pratiquaient pas.  Mais il y avait là un filon ne demandant qu’à être exploité. Dame, au moment des vendanges, il convient de faire du vide dans les chais, d’écouler les stocks encombrant les entrepôts. Continuer la lecture

Publié dans Anecdotique | Un commentaire

Kimono ma maison

C’est étonnamment grâce au musée du Quai Branly que nous disposons enfin d’informations supplémentaires sur un album de rock paru en en 1974, « Kimono my house ». Et cela bien que la couverture de cet album ne constitue qu’un point scénographique mineur de l’exposition en cours autour du kimono, vêtement phare de la culture japonaise. Ce disque magique, glamour, inspiré, étincelant, électrique en diable, était le fait du groupe Sparks, apparu en 1968 et essentiellement composé de Ron et Russell Mael. Lâchons enfin l’information, les deux dames figurant sur la pochette étaient Hirota Michi et Okamura Kuniko membres du groupe d’avant-garde japonais, Red Buddha Theater. Le moins que l’on puisse dire était qu’elles ne se tenaient pas correctement, participant en cela et en cohérence, au charme extravagant de l’album. Il y a donc eu quelqu’un au sein de ce musée pour intégrer cette couverture culte sur un parcours de bonne tenue, au même titre que le personnage de Ziggy Stardust, double de David Bowie (toujours en 1974), dont l’habit pour l’affiche avait été conçue en 1974 par un designer japonais (Kansai Yamamoto) s’inspirant également du kimono. Continuer la lecture

Publié dans Exposition | 12 commentaires

Grande révision

Depuis 12 ans précisément que le site des Soirées de Paris a réanimé le titre d’une revue associée en son temps à une révolution artistique, il était temps d’ouvrir un chantier de révision et de sortir (moralement) les grues. Les Soirées de Paris vont donc connaître un temps de repos visant à réaménager peu ou prou la formule et réétudier la périodicité. Dans l’attente d’une date de redémarrage non fixée encore à ce jour, on peut livrer quelques éléments de bilan, comme les 2859 articles publiés jusqu’à hier lundi. Par ordre d’importance, ce sont les expositions qui ont le plus été couvertes (631),  les livres (482), le théâtre (268), la musique (195) et sans oublier de mentionner Apollinaire notre saint-patron (241). L’article le plus lu a hypnotisé 20.506 lecteurs ce qui ne veut pas dire que c’était le plus intéressant tandis que certains n’ont pas dépassé 200 ce qui ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas intéressants. D’autant que les vertus du web font que plus une chronique a de l’ancienneté plus elle est susceptible de glaner des nouveaux lecteurs. Continuer la lecture

Publié dans Anecdotique | 24 commentaires

L’ami Jean-Claude Brialy

Acteur, metteur en scène, réalisateur, directeur de théâtre et de festivals, chroniqueur radio…, Jean-Claude Brialy (1933-2007) occupait une place de premier plan dans la vie culturelle et le paysage médiatique français. Premier ou second rôle au cinéma, il a joué dans plus de deux cents films et côtoyé les plus grands réalisateurs, à commencer par ceux de la Nouvelle Vague. Personnage aux multiples talents et à l’activité débordante, il était connu de tous. Sa disparition a laissé un vide immense, d’autant que l’homme avait le goût de l’amitié et portait haut et fort l’acte de mémoire. Ses idoles, ses amis continuaient à vivre à travers lui. Aujourd’hui, 15 ans après sa mort, ce sont eux qui se souviennent… “L’Ami Brialy, Prince des Dandys”, signé de la créatrice de costumes Pascale Bordet et du journaliste et écrivain Guillaume Evin, raconte le parcours exceptionnel de ce fils de militaire, travailleur acharné, qui marqua le monde du spectacle de son incroyable prestance. Grand esthète, il avait le goût du beau, comme le rappellent les merveilleux croquis de Pascale Bordet, et son élégance vestimentaire n’avait d’égales que sa distinction naturelle et sa droiture. Ce livre vient fort à propos lui rendre un hommage bien mérité. Continuer la lecture

Publié dans Cinéma, Livres | Un commentaire

Paradis artificiels

Trop tôt pour déterminer s’il s’agit de bonnes ou de mauvaises nouvelles, mais elles s’accumulent. Les ventes d’œuvres d’art conçues par des algorithmes sont régulièrement signalées. Quelques ingrédients programmatiques, quelques suggestions traduites en langage numérique et la machine (ou l’ordinateur comme l’on voudra), pond, accouche. En 2018 une peinture artificielle avait déjà été adjugée aux enchères 400.000 dollars. En 2021, le robot Sophia avait collaboré avec un artiste humain pour, si l’on a bien compris un article du journal Vingt Minutes de l’époque, faire l’autoportrait du premier et le portrait du second. Le but en général reste de faire en sorte que le robot gagne en autonomie et devienne polyvalent. C’est-à-dire capable d’intervenir dans n’importe quelle discipline culturelle. Et de surcroît, il débarque actuellement des applications comme Dall-E permettant à tout un chacun de créer ses propres images, y compris les plus farfelues (une tortue à tête de chien par exemple), en livrant des indications (aléatoires ou réfléchies) à un algorithme. Comme un genre de logiciel de traitement  d’image ou de texte, mais en bien moins fatigant pour le cerveau. Continuer la lecture

Publié dans Anecdotique | Commentaires fermés sur Paradis artificiels

Celle qui y était

Lorsqu’en 1910 Picasso s’inspire une fois encore de sa compagne, il saigne sa veine cubiste et obtient une métamorphose pour le moins anticonformiste. Alors que sur certaines photographies noir et blanc, l’on peut discerner des ressemblances troublantes entre le visage de Pablo Picasso (1881-1973) et celui de Fernande Olivier (1881-1966), cette fois la fragmentation a fait son œuvre destructrice. Sa muse est en effet méconnaissable dans cette « Femme assise dans un fauteuil », en raison d’un découpage puisant dans les lois de la géométrie. Mais bien qu’il soit omniprésent, le peintre malaguène n’est pas le sujet de l’exposition qui vient de débuter au musée de Montmartre. Certes Fernande Olivier  n’aurait sans doute pas connu la notoriété sans lui, mais l’accolage des deux noms pour composer l’intitulé de l’exposition n’est évidemment pas un hasard. C’est bien la première fois que l’on braque les projecteurs sur elle, ce qui suffit en soi à déplacer nos pas sur cette colline du Sacré Cœur où le plus vétéran des Parisiens se sent tout de même touriste. Continuer la lecture

Publié dans Exposition | Commentaires fermés sur Celle qui y était

En deux mots

Les spécialistes des vieux papiers le savent, il est bien rare de retrouver un authentique télégramme, fût-ce le plus commun des « bleus », comme un faire-part ou des félicitations. Celui présenté aujourd’hui ci-contre est le fruit d’une heureuse conjoncture puisqu’il est signé Georges Clemenceau, « tigre » et homme d’État (1841-1929). En outre il est adressé à cet autre homme d’État qu’était André Tardieu (1876-1945). Et pour dire quelque chose de très banal, comme quoi le premier sera à Paris le samedi de treize heures à dix-sept heures et que si rien ne se fait durant ce laps de temps, il faudra laisser un petit mot. Daté du 6 octobre 1922, il montre que Clemenceau, en répétant deux fois « chez moi » ne faisait pas trop dans la synthèse en vue d’épargner ses sous, car ce genre de missive était payée au mot, ce qui en conduisait d’autres à faire plus court. On se souviendra peut-être de Gabin dans le « Baron de l’écluse » (1960), ajustant au guichet de la Poste un message d’ultimatum assorti d’une menace de duel, avec les quelques sous qu’il lui restait en poche. Continuer la lecture

Publié dans Anecdotique | Un commentaire

Copies confidentielles

Où l’on apprend par la voix d’une certaine Jeanne Anger qu’une efficace façon d’attirer Apollinaire était d’évoquer la perspective d’une bonne pâtisserie. Cette amie de Marie Laurencin (artiste et amante d’Apollinaire durant un certain temps) écrivait au poète. En post-scriptum et dans une autre missive de mars 1913, elle ajoutait avec une gaie légèreté: « Je suis plongée dans vos bouquins, j’en suis au troisième. Je regrette seulement de ne pas avoir un amant bien portant en ce moment. » C’est tout un volume de correspondance féminine avec l’auteur de « Alcools » qui vient d’être publié chez Honoré Champion. Cet ensemble intéressant à plus d’un titre, provient d’un fonds localisé à la Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier. Les photocopies de lettres reçues ont été inventoriées par Victor Martin-Schmets, à l’origine de cette précieuse édition. Laquelle contient des correspondances signées par des femmes ayant compté dans la vie d’Apollinaire et enregistrées comme telles (Annie Playden, Marie Laurencin) et d’autres moins conséquentes, moins connues, mais c’est ce qui fait tout la rareté et tout le sel de cette édition. Continuer la lecture

Publié dans Apollinaire, Livres | Un commentaire

C’est dans cette «bicoque» qu’est né le Boléro de Ravel

En 1921, Maurice Ravel a 45 ans. C’est un compositeur connu et reconnu, mais il ne jouit pas encore de la célébrité mondiale que lui conférera quelques années plus tard le fameux « Boléro ». Avec son frère Édouard, dont il est très proche, il doit quitter l’appartement parisien de l’avenue Carnot où est décédée sa mère en 1917, disparition dont il ne se consolera jamais vraiment. Par ailleurs, les médecins lui recommandent de s’éloigner de Paris pour raisons de santé, afin d’échapper aux miasmes de la grande ville et retrouver l’air sain de la campagne. Il demande alors à la fille d’un ami critique musical, Georgette Marnold, de lui trouver «une bicoque, à 30 kilomètres au moins de Paris» en ajoutant, sans doute avec une pointe d’humour : «Je pense quelquefois à un admirable couvent en Espagne, mais, sans la foi, ce serait complément idiot.» Le choix s’arrête sur une villa assez originale de Montfort l’Amaury, en Seine et Oise (aujourd’hui Yvelines) à une cinquantaine de kilomètres de Paris, petite ville déjà fréquentée par le beau monde de l’époque. Continuer la lecture

Publié dans Découverte, Musique | Un commentaire