Ballonnements planétaires

Si l’on pousse le bouchon un peu loin, le ballon-espion détruit par les États Unis ne venait point de Chine mais de France et plus exactement de Paris dans le 11e arrondissement. Là où fut expérimentée pour la première fois une élévation de montgolfière le 17 octobre 1783. Le scientifique Jean-François Pilâtre de Rozier (1754-1785) avait pris place dans la nacelle  ainsi que le rappelle une plaque commémorative au 31 bis rue de Montreuil (dessin ci-contre). Adresse qui jouxte un peu plus loin le jardin de la Folie Titon, là où les montgolfières furent assemblées dans la manufacture royale de papier. Continuer la lecture

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Délit d’offense

La loi du 29 juillet 1881 s’est construite sur un schéma classique: elle proclame notamment un principe, la liberté de la presse, puis en fixe les limites. Seront sanctionnés l’injure, la diffamation, les cris séditieux, qu’ils soient rendus publics par un journal, ou tout autre moyen de diffusion. Son article 26 définit un délit très particulier, l’offense au Président de la République, à charge pour le Ministère public d’en assurer la répression. Bien qu’à l’époque, le locataire de l’Élysée exerce une fonction d’arbitre sans réel pouvoir, il symbolise un régime encore fragile. Lequel attire naturellement le quolibet, comme la statue du monarque la fiente de pigeon. En ces temps d’apprentissage de la démocratie, la presse satirique se montre déjà d’une particulière férocité. Toutefois, de 1881 à 1940, l’offense semble la règle et le procès l’exception. La police signale, le parquet examine et transmet, la Chancellerie classe de façon systématique. En dépit de crises profondes, affaire Dreyfus, scandale de Panama, séparation de l’Église et de l’État, guerre mondiale… à la 18e chambre, spécialisée en affaires de presse, végètent seulement quatre malheureux dossiers. Continuer la lecture

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Figurines pour l’Histoire

Anecdotique, cette image n’existe pas telle quelle dans un manuel d’histoire. En trois dimensions, elle est entrée récemment au musée de la Figurine Historique à Compiègne (Oise). Cette maquette ultra-réaliste (dont on voit ici un détail) est frappante en ce qu’elle illustre le jour du dernier vol effectué par le capitaine Georges Guynemer. La réalisation signée de Adrien Desmullier fige une action datée du 11 septembre 1917, à 8h25 précisément. Ce jour-là, la bataille des Flandres débutée en juillet n’est toujours pas terminée. L’action se déroule à Saint-Pol-sur-mer où est stationnée l’escadrille de chasse des Cigognes. Impatient d’en découdre, Georges Guynemer fait décoller son Spad 13, baptisé le « Vieux Charles ». Il n’a que 23 ans. Et se fait abattre peu après le départ au-dessus de Poelkapelle en Belgique. Sa devise, « faire face », restera dans les annales. La maquette ainsi déployée commet l’exploit de nous situer au seuil de cette action, on en sentirait presque le parfum de l’air qui flottait sur le camp à ce moment, effluves de carburant compris. Continuer la lecture

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La main à la poche

Dans « Pierrot le fou », le film de Jean-Luc Godard sorti en 1965, on peut voir voir Belmondo traîner devant la librairie Le Meilleur des Mondes (Médicis 27-43) face aux tourniquets présentant des livres de poche. Quelques instants plus tard il est dans sa baignoire, une cigarette aux lèvres, lisant « L’histoire de l’art » de Élie Faure dans la collection justement nommée Le Livre de Poche. Dans ce format abordable, le volume premier qui nous intéresse a été imprimé en 1965, alors que cette marque emblématique des livres ordinaires, passée dans le langage commun, a été créée en février 1953, il y a donc soixante-dix ans en ce moment. Les livres économiques existaient depuis longtemps mais cette fois, une étape industrielle avait été franchie, donnant naissance logiquement à d’autres labels pratiques comme 10/18, Folio, Marabout et autres J’ai Lu. L’Institut National de l’Audiovisuel (INA), organisation patrimoniale qui ne loupe pratiquement jamais aucun anniversaire important, a sorti ces jours derniers, à partir de ses archives, un petit documentaire fort instructif (1) sur le thème pocket en deux minutes trente chrono. Continuer la lecture

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Mystérieuse transmission

Quel mystère que Christoph et Julian Prégardien père et fils, ténors lyriques allemands de même pointure, comme on a pu le vérifier, une fois de plus, le 9 février dernier au Théâtre des Champs-Élysées (TCE) ! À se demander pourquoi il est si rare -plus que rare- qu’une diva ou un divo transmette ses gènes à sa progéniture. Pas de Caruso ou de Placido Domingo juniors marchant sur les traces de papa, pas plus que de petite Montserrat Caballé à l’assaut de la gloire maternelle. Prégardien père est pourtant convaincu d’avoir transmis ses gènes à son fils, depuis que le petit de 5 ans, écoutant «Don Giovanni», a déclaré qu’il serait baryton. Continuer la lecture

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Nana, portrait d’une cocotte sous le Second Empire

Fille de Gervaise (1), Nana est l’héroïne du neuvième des vingt romans que comprend la série des Rougon-Macquart d’Émile Zola (1840-1902) auquel elle donne son nom. Le peintre Édouard Manet l’immortalisa simplement vêtue d’un corset et d’une chemise, se maquillant devant un miroir. D’aucuns, selon les générations, lui prêtent les traits de Catherine Hessling, Martine Carol ou Véronique Genest tant, par la suite, elle rencontra de succès sur le grand comme le petit écran (2). Et il y a fort à parier que, de nos jours encore, la lecture de “Nana” (1880) suscite chez les collégiens plus d’enthousiasme que celle de “Germinal”. Aujourd’hui, c’est sur la petite scène du Théâtre de Nesle que Catherine Sauval, 483e sociétaire de la Comédie-Française, nous conte les débuts retentissants et l’apogée de cette demi-mondaine au pouvoir de séduction ravageur. Un spectacle qui nous plonge avec délice dans la société décadente du Second Empire, avec ses courtisanes et ses noceurs, et où la plume naturaliste de Zola fait une fois de plus merveille ! Continuer la lecture

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Noir c’est noir

Non seulement Arte est la meilleure chaîne télévisée culturelle française, non seulement elle propose sur son site des centaines de films, concerts, opéras, documentaires, émissions, mais elle est aussi une grande pourvoyeuse de séries, plaisir coupable chez nous alors que s’y concentre la créativité depuis une quinzaine d’années au détriment du grand écran. La chaîne hautement culturelle n’a pas raté le tournant des séries scandinaves, qu’on appelle le «Nordic Noir». Comme le savent les amateurs, le «Nordic Noir» fut précédé par la grande vague d’auteurs de polars scandinaves : le norvégien Jo Nesbo et son inspecteur Harry Hole, le suédois Henning Mankel et son inspecteur Kurt Wallander, et bien d’autres. La loi est la même sur le grand comme sur les petits écrans : tout commence par la qualité du scénario. Leçon retenue pour les scénaristes télévisés, attachés comme leurs confrères écrivains à révéler l’envers du rêve suédois, norvégien, islandais, et autres régions nordiques. Continuer la lecture

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Lumière tamisée

No Lorsque l’on a inhumé Éléonore Frick en 1925, le cimetière parisien des Batignolles était encore sur toute sa surface, un bel endroit pour les cérémonies de fin de parcours. En 1958, quand Louis de Gonzague Frick, grand ami de Guillaume Apollinaire, fut descendu sous terre, c’était toujours le cas. La sépulture de la famille More était en outre équipée sur sa stèle d’un récipient destiné à accueillir des fleurs. Mais dix ans plus tard, à la toute fin des années soixante, le boulevard périphérique a été construit pile au-dessus. La nuit est alors tombée sur la 22e division. Plus rien n’y pousse. Les tombes sont recouvertes de poussière et les voitures qui passent en haut font tant de bruit que l’on croirait avoir affaire à un passage de chars d’assaut. Coreligionnaire de Apollinaire au collège Saint-Charles de Monaco, on a dit que le poète Louis de Gonzague Frick était mort « dans l’oubli ». La construction du périphérique a de surcroît plongé sa dernière demeure dans une lumière tamisée où ne s’aventurent que des vieux chats. Continuer la lecture

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Danton, un héros romantique

C’est une pièce complexe et singulière qui vient de faire son entrée au Répertoire de la Comédie-Française : “La Mort de Danton” de Georg Büchner (1813-1837). Écrite, qui plus est, en quelques semaines à peine, de janvier à février 1835, et par un personnage lui aussi peu commun : un scientifique et révolutionnaire allemand, auteur de trois pièces de théâtre seulement et d’une nouvelle (1) car mort prématurément du typhus à 23 ans. “Images dramatiques de la Terreur en France”, ainsi Büchner avait-il sous-titré sa pièce, manifestant ainsi le vœu d’alerter ses contemporains sur les dérives de la Révolution. Ce drame en quatre actes, rarement monté (2) car considéré comme injouable, au vu du nombre de personnages et de lieux qu’il comporte, est mis en scène à Richelieu par Simon Delétang. Ancien directeur du Peuple à Bussang  (Vosges) et aujourd’hui directeur du Théâtre de Lorient, Delétang est un familier du théâtre de Büchner pour avoir interprété “Lenz” de nombreuses fois, de village en village, dans les montagnes vosgiennes où se déroule le récit, et mis en scène “Woyzeck” en 2004. Continuer la lecture

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À la recherche de l’arpeggione perdu

L’instrument a vu le jour il y a tout juste deux cents ans, à Vienne. Il porte le joli nom d’arpeggione, terme qui a supplanté «guitare violoncelle», «guitare à archet» ou encore «guitare d’amour», dénominations auxquelles on avait d’abord pensé. Son existence fut on ne peut plus brève : on ne connaît en tout et pour tout qu’une seule page écrite pour lui. Mais comme il s’agit d’une sonate de Schubert et que cette composition lumineuse a toutes les qualités d’un chef-d’œuvre, elle a suffi à inscrire définitivement le nom de l’arpeggione dans l’histoire de la musique. Compromis entre la guitare et le violoncelle, cet instrument à cordes frottées est le fruit des recherches du luthier viennois Johann Georg Stauffer, considéré comme le plus important fabricant de guitares de son époque. Schubert possédait une de ses guitares et c’est à la demande de cet artisan-inventeur qu’il écrivit en 1823 une sonate en trois mouvements, dont la première audition eut lieu un an plus tard. Continuer la lecture

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