Le paradis en un clic

Le bonheur n’est plus dans le pré. Il est au bout du doigt. Un seul clic peut vous conduire aux portes du paradis. Peu importe que vous n’ayez rien sollicité et que l’envie ne vous ait même pas effleuré, un rêve inavoué a pris forme sur votre écran d’ordinateur géré par de mystérieux algorithmes. Le tour-operator vous connaît, il connaît vos désirs secrets. L’hydre de l’“All inclusive“ vous menace. Défilent alors sur l’écran autant de destinées paradisiaques que de descriptions mirifiques. Comme on ne peut se dédoubler et que, par ailleurs, il semblerait qu’on ne vive qu’une fois, le supplice du choix va commencer. Préférez-vous un «écrin confidentiel» ou une «luxueuse escapade» ? Une « parenthèse prestigieuse » ou une «divine idylle» ? Êtes-vous tenté par «un magnifique bijou oriental» ou par un «sublime palazzo florentin»? Voici un «cadre magnifique sur l’océan à l‘ile Maurice» et un «séjour inoubliable devant les eaux turquoise à Punta Cana». Vous pouvez encore vivre une «expérience magique et gastronomique à Valence» à moins d’opter pour une « immersion culturelle étoilée à Zanzibar ». Continuer la lecture

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Relire l’avenir

C’était le 21 février 2023. De bonne heure dans un café parisien, une femme commentait son horoscope, dans le bien nommé journal, Le Parisien. Sur un ton qui n’appartient qu’aux vieux habitants de l’île de France, elle raillait la prédiction du jour selon laquelle elle « supporterait mal les reproches » que son conjoint lui ferait. S’il y a bien une chose prévisible chez lui remarquait-elle en substance, c’est bien son « côté jamais content de moi ». De derrière ses lunettes rondes elle lut aussi qu’à la rubrique Réussite, il fallait qu’elle ne prenne pas mal « les remarques au travail » car susceptibles d’être « très constructives ». Décidément « c’est ma journée » semblaient exprimer les plis de son visage, lesquels s’accentuèrent encore en lisant au chapitre forme que son « stress » irait progressant. « À un jour près, souligna-t-elle amère, j’étais poissons avec une harmonie qui règne et une vie familiale sereine ». L’un des clients accoudés au bar déclara que lui était précisément du signe des poissons mais déclina d’un geste de la main la proposition d’offrir sa tournée. Continuer la lecture

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Bruxelles, quelques pépites architecturales

Si Bruxelles est avant tout connu pour son style architectural Art nouveau, dont Victor Horta et Paul Hanka sont les dignes représentants, quelques pépites moins courues méritent elles aussi l’attention. Sur l’avenue Tervueren de Bruxelles, une immense et luxueuse propriété, entièrement revêtue de marbre encadré de cornières de bronze, attire immanquablement le regard. C’est le palais Stoclet, du nom du banquier belge commanditaire de cet ouvrage auquel il avait alloué un budget illimité. Une construction aux lignes épurées, unique en son genre, conçue entre 1905 et 1911 par le grand architecte de la Sécession Viennoise, Joseph Hoffmann. Continuer la lecture

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Compétitions perdues

Le 18 décembre dernier, dans le stade de Lusail, au Qatar, les équipes de France et d’Argentine s’affrontent pour la coupe du monde de football. La multitude des amateurs s’est rassemblée devant le petit écran, comme en témoigne les indices de consommation de bière en boîte et de pizzas à livrer. Les réfractaires ont dû courber l’échine sous le matraquage médiatique, en attendant le coup de sifflet final. Impossible d’y échapper, sauf à vivre en anachorète. Un score insuffisant des Bleus aux tirs au but leur épargnèrent cette déferlante populaire qui aurait nécessairement accompagné leur victoire. Le phénomène n’est pas nouveau. Dans la Rome antique, le peuple entrait en transes, lors des courses de chars au Circus maximus. La popularité de Flavius Scorpus, un aurige resté fameux, et ses revenus, valaient bien ceux de Kylian M’Bappé. Il n’eut pas trop le temps d’en profiter, car, dans cette compétition, tous les coups étaient permis, et les accidents fréquents. Ce qui, d’ailleurs, faisait partie de l’attraction. Continuer la lecture

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Un palais épiscopal pour un musée d’art moderne

Juste au dessus de ce portrait de femme exécuté par Jean Metzinger, figure une phrase de Guillaume Apollinaire disant que le « cubisme est l’art de peindre des ensembles nouveaux avec des éléments empruntés non à la réalité de la vision mais à la réalité de conception ». Jean Metzinger (1883-1956) était un ami d’Apollinaire et il avait écrit comme lui, en collaboration avec un autre ami tiers Albert Gleizes, une définition du cubisme. Ce qui est marquant lorsque l’on parcourt la partie rénovée du musée d’Art Moderne de Troyes, c’est qu’Apollinaire est partout, suivant une trajectoire complexe comparable à une boule de billard. C’est l’une des bonnes surprises de cette réouverture partielle après quatre années de travaux. Les visiteurs peuvent à nouveau pousser les portes de ce palais épiscopal au charme implacable. Il est toujours réconfortant de constater qu’une ville de province sait mettre les moyens afin de proposer à ses habitants comme aux touristes, une offre culturelle substantielle venant s’ajouter à un patrimoine local déjà bien consistant. Continuer la lecture

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In vitraux

Dieu sait que le champagne est fait, plus que n’importe quel autre vin, pour célébrer la vie. Autour de la ville de Troyes dans l’Aube, l’on y compte même quelques maisons fameuses. Et donc rien de plus naturel si la Cité du Vitrail, au sein de la même ville, honore en ce sens une œuvre verrière de Henri de Faucigny-Lucinge datée de 1874. Elle emprunte paraît-il aux codes de la peinture hollandaise, du rictus sarcastique du personnage jusqu’à la forme de la flûte à champagne et en passant par l’ensemble des vêtements. Elle a cependant un avantage technique par rapport à une peinture, c’est la translucidité naturelle due à l’emploi du verre, matériau conçu afin que transite la lumière et qu’étincellent les couleurs. C’est une des plus jolies choses parmi celles repérées au sein de ce beau musée inauguré en décembre. Il est situé dans l’ancien Hôtel Dieu-le-Comte de Troyes sur la rive gauche de la Seine. La mince largeur du fleuve à ce niveau de la géographie, permettrait presque de passer sur l’autre rive à pieds joints, en aplomb de l’antique maison du préposé aux ponts tournants. Continuer la lecture

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L’énigme Kundera

Bonne idée de commencer un documentaire sur l’énigmatique Milan Kundera en nous montrant son beau visage avec une voix off (pas la sienne) énonçant «Je ne suis attaché à rien sauf à l’héritage décrié de Cervantes». On verra pourquoi plus tard… Puis lors d’une interview filmée, il déclare être inspiré de façon irréconciliable «par la fantaisie déchaînée» et «par son contraire, l’analyse froide, la description cruelle de la réalité». Aucun contexte à ces propos, mais il semble que sur ces images, l’écrivain soit alors dans le mitan de sa vie, probablement après son exil français datant de 1975 (à 46 ans). Et naturellement on en vient à l’évocation, par d’anciens amis et diverses sommités, de ces fameuses années 1960 où la culture tchèque s’émancipe comme par miracle des oppresseurs russes à travers la «nouvelle vague tchèque», celle de Milos Forman, Ivan Passer et autres, savourée à Paris.
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Pas poli n’est pas français

Il paraît que l’écrivain allemand Heinrich Heine, quand il se rendait en France, se plaisait à heurter les passants uniquement «pour entendre la musique de leurs excuses». Depuis la mort de Heine en 1856, les conventions sociales se sont quelque peu émoussées et en ville, les invectives ont tendance à remplacer les mots d’excuse. Mais, malgré les apparences, et si l’on se réfère à l’opinion d’observateurs étrangers, nous serions prodigues en formules toute faites et en expressions convenues pour se concilier les bonnes grâces d’un interlocuteur. Nous les emploierions même à tout bout de champ ! «On se bouscule toujours à Paris… et on n’arrête pas de se dire pardon»,  faisait récemment remarquer un habitant de Tokyo pourtant habitué aux foules compactes. Il est vrai que notre conversation est émaillée en permanence de ces petits mots dont l’absence choquerait immédiatement. «S’il vous plaît, pardon, merci, je vous en prie, excusez-moi…» : autant de formules que l’on prononce un nombre incalculable de fois dans une journée. Continuer la lecture

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Au bonheur d’Anouilh

Qui de nos jours se souvient de Jean Anouilh (1910-1987) ? Si son “Antigone” (1944) revient de temps à autre sur les planches et fait toujours plus ou moins partie des programmes scolaires, force est de constater que son théâtre est aujourd’hui tombé dans l’oubli. Qui connaît encore “Le rendez-vous de Senlis ?” (1937), “L’Invitation au château” (1947) ou encore “Becket ou l’Honneur de Dieu” (1959) ? Leur auteur connut pourtant une carrière extrêmement prolifique, couronnée de nombreux succès, avec pas moins d’une cinquantaine de pièces à son actif qu’il prit soin, par ailleurs, de classer selon leur genre: Pièces roses, Pièces noires, Pièces brillantes, Pièces grinçantes, Pièces costumées, Pièces baroques… Sa collaboration au long cours avec le metteur en scène André Barsacq marqua l’histoire du théâtre et Michel Bouquet fut l’un de ses plus fidèles interprètes. Parmi les Pièces roses, ces comédies pleines de fantaisie, figure une petite merveille : “Léocadia” (1939). Elle se donne actuellement sur la scène du Funambule, à Montmartre, dans une mise en scène délicieusement féérique signée David Legras (1). L’occasion rêvée de (re)découvrir Anouilh… Continuer la lecture

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La face cachée de la caisse-enregistreuse

L’époque en avait vu d’autres. Mais en février 1973, lorsque le groupe Pink Floyd lâche sa bombe intitulée « The dark side of the moon », le moins que l’on puisse c’est que l’album fait un tabac. L’intégration d’une caisse-enregistreuse au milieu de tous les instruments sollicités, tous les sons et voix mobilisés, fut également le signe annonciateur d’un enrichissement inédit pour les membres du groupe. Bien que, des années plus tard, l’opéra-rock  « The wall » allait encore faire mieux « en termes de dollars » comme devait l’expliquer en mars 1993 dans une interview à l’Observer magazine,‎ le guitariste en chef, David Gilmour. Oui cette chanson « Money », celle qui ouvrait la face 2, devait préfigurer un succès toujours plus grand mais il est aussi possible de dire avec un recul de pile cinquante aujourd’hui, que l’album serait l’un des grands emblèmes d’une période musicale passionnante, jamais retrouvée depuis en intensité. Continuer la lecture

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