Beau parleur

Placé dans le dictionnaire entre porte-parapluie et porte-plume, le porte-parole se range, par nature, dans la catégorie des ustensiles. Son usage, en notre monde particulièrement sensible à l’information, consiste à séduire les médias, et, au travers d’eux, à toucher l’opinion. Porte-parole s’écrit au singulier, même s’il peut pratiquer le double langage. De la nature de ses commettants dépendra la tonalité de son expression verbale. Ainsi, le porte-parole du comité de grève s’exprimera en langue de granit, et son vis-à-vis représentant le patronat lui opposera la langue de béton. Du moins jusqu’à la fin du conflit, avant que chacun reprenne son usuelle langue de caoutchouc. Le porte-parole des nos seigneurs les évêques parle la langue de buis (béni), celui du Front d’Action prolétarienne la langue de plomb, leur homologue mandaté par les écologistes la langue de bois vert. Toutefois, n’exposant jamais un point de vue personnel, le porte-parole proscrira la langue de vipère, la langue de guimauve comme la langue de pute. Continuer la lecture

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Des héroïnes à l’ombre de la Grande Guerre

On se souvient de Marthe, le personnage principal du roman de Radiguet “Le Diable au corps” (1923). Son mari parti au front, celle-ci, comme nombre de femmes de la petite bourgeoisie, rejoint le corps des infirmières bénévoles dans un hôpital improvisé au sein d’une école où elle rencontre le jeune François. On se souvient également de la princesse de Bormes dans “Thomas l’Imposteur” (1923) de Cocteau qui se fait ambulancière et héberge les soldats blessés dans son hôtel particulier reconverti en hôpital. La littérature et le cinéma regorgent de ces exemples de femmes, contraintes par les circonstances à revêtir la tenue d’infirmière sans y avoir été préparées. “Infirmières, héroïnes silencieuses de la Grande Guerre”, l’exposition en cours au Musée de la Grande Guerre de Meaux, s’intéresse à ces figures dans toute leur diversité : bénévoles ou salariées, religieuses ou laïques, qualifiées ou formées sur le terrain à la va-vite… Un hommage bien mérité pour ces héroïnes de l’ombre. Continuer la lecture

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Un chapeau de clarté à Orsay

Il y a au moins deux portraits de Berthe Morisot qui ne manqueront pas de frapper les visiteurs du musée d’Orsay. Sur l’un, Édouard Manet (1832-1883) a saisi une artiste dans toute la fraîcheur de son âge en 1872. Ce n’est rien de dire qu’il en a figé toute la beauté. Encore que « figé » soit un terme impropre car le mouvement du visage est sous-jacent. Il est réconfortant de noter que notre cerveau est encore capable de ressentir cette vitalité alors qu’une intelligence artificielle serait à même de sortir le personnage de la toile et de l’inclure en trois dimensions parmi les très nombreux amateurs de Manet et Degas qui se pressaient la semaine dernière au sein de l’exposition qui leur est consacrée. Pas d’inquiétude de ce point de vue-là, les impressionnistes font toujours le plein au détriment malheureusement du confort visuel. On se croirait dans le métro. Sur le deuxième portrait de Berthe Morisot (1841-1895), celui qui s’oppose au premier, Manet semble avoir transformé son modèle en dame fripée alors qu’en 1874 elle n’avait que 33 ans. Ce n’était peut-être pas le bon jour, mais le résultat fait mal tant sa réalité désappointe. Continuer la lecture

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Du rififi à Anvers

La nouvelle série sur Netflix «Diamants bruts» («Rough Diamonds») se situe dans le milieu des diamantaires à Anvers, au sein de la communauté juive hassidique. Si l’on sait que le hassidisme représente un courant mystique du judaïsme fondé au 18e siècle en Pologne et que des juifs d’Europe de l’Est sont arrivés massivement à Anvers au lendemain de la Shoah, cette histoire demeure entourée de mystère. On ne s’étonnera pas de savoir que des transfuges de la célèbre série israélienne «Fauda», Rotem Shamir et Yuval Yefet, sont à l’origine de la série anversoise, et bien heureusement, le contexte ne se prête pas à la même politisation ni à la même violence. Les auteurs israéliens nous content les heurts et malheurs des Wolfson, illustre famille ultraorthodoxe de diamantaires, luttant pour préserver leur statut «dans l’honneur» alors que les dangers s’accumulent, à l’intérieur du clan comme à l’extérieur. Continuer la lecture

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Les musées de Nîmes mis en abyme

Même s’il n’est qu’attribué à Antonio Canaletto (c’est à dire qu’il subsiste un doute) il est toujours bon pour un musée d’en afficher un. Et pour le visiteur de passage, cette vue (vedute) du Rialto à Venise (détail) aimante irrésistiblement le regard. À l’examiner attentivement, cette toile ressemble bien à du Canaletto (1697-1768) c’est tout ce que l’on peut rajouter, hormis bien sûr qu’elle est belle dans son ensemble et jusque dans chaque micro-scène qu’elle contient, comme souvent chez l’artiste italien. Elle se trouve au musée des Beaux-Arts de Nîmes (Gard). C’est de loin le moins visité de la ville en comparaison de la fréquentation du musée de la Romanité aux allures de hub aéroportuaire et du non moins tendance Carré d’Art voué à l’art contemporain. Comme ce dernier fête ses trente ans, un lien de circonstance s’est tissé entre les trois musées. Et c’est même une sorte de mise en abyme, à tout le moins une chambre d’échos, puisque la Maison Carrée, ancien temple romain, non seulement se mire dans les vitres du Carré d’Art juste en face, mais c’est aussi ce vestige qui, après moult usages, abrita en 1821 la première collection du musée des Beaux-Arts. Avant qu’elle ne soit transférée dans l’édifice actuel non loin de la gare. Cette Maison Carrée totalisant environ 1900 ans, il faudra sans doute attendre le chiffre rond des deux mille pour organiser la bamboula de son deuxième millénaire. Continuer la lecture

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Couleurs de la vie

Espoir et résignation, joie et peine, calme et tempête, fortune et misère, union et déchirements, … la vie, en somme. Elle bouscule la bande d’artistes réunie sous nos yeux. Ils sont véritablement là devant nous, des comédiens devenus leurs personnages, leur cercle s’est juste un peu élargi pour nous laisser entrer dans leur intimité, nous laisser partager un moment d’histoire. Plongée au 19e siècle, à Montmartre. Nous sommes chez Auguste Renoir, en 1877. « Un soir chez Renoir », c’est tout sobrement le titre de cette pièce présentée du 3 mai au 11 juin par l’impeccable Lucernaire. Une réussite, un moment simple et efficace. Une rencontre avec les femmes et les hommes derrière les artistes, une immersion dans la bohème artistique avant le culte mondial voué à l’impressionnisme. Continuer la lecture

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En compagnie de Juliette Gréco

Elle fut à la chanson à textes ce que Sarah Bernhardt fut au théâtre. Juliette Gréco (1927-2020), l’éternelle muse de Saint-Germain-des-Prés… Immortalisée après-guerre sous l’objectif de Robert Doisneau, vêtue d’un long manteau sombre, accroupie et caressant un chien, l’église en arrière-plan … “La Gréco”, chanteuse et comédienne, femme libre et rebelle, reine des Bacchantes chez Cocteau (1) et interprète des poètes de son temps. Toujours présente puisqu’immortalisée par ses enregistrements, les films dans lesquels elle a tourné (2) ou encore les archives de l’INA… N’empêche, nous aimerions bien l’avoir là, sur scène, devant nous. Et, quitte à rêver un peu, pourquoi pas sur une scène grande comme un mouchoir de poche, rappelant le temps de La Rose rouge? Une intimité avec le public que l’artiste-interprète appréciait au point de s’y produire encore, le succès venu. C’est donc au Théâtre de la Contrescarpe qu’Annadré Vanier, qui a indéniablement “Un petit air de Juliette Gréco”, nous propose un hommage des plus réussis au répertoire et à la vie de la grande Juliette. Continuer la lecture

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Parmi les troupes de méduses violettes

« Belle chairs de cristal les joyaux les squelettes/Tombent au fond des mers où surnagèrent tant/De fleurs de cheveux roux et de rames flottant/Parmi les troupes de méduses violettes/Cortège de ta fuite ou floraison d’effroi/Et des gemmes tombaient du manteau du vieux roi »

Extrait de « L’enfant d’or », Guillaume Apollinaire

En congés jusqu’au premier mai, reprise des publications le 2. Merci de votre fidélité et de votre compréhension. PHB
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Basquiat vital et captivant à la Philharmonie

De toutes les expositions que l’on peut voir en ce moment à Paris il en est une qui revivifie à coup sûr le métabolisme des visiteurs. Afin d’honorer le musicien qu’il fut d’abord et l’artiste  qu’il devint par la suite, la Philharmonie accueille en effet dans ses murs Jean-Michel Basquiat (1960-1988), un des meilleurs événements venus au monde de l’art ces dernières décennies. Son passé musical singularisé par la no wave, genre sonique déstructuré s’opposant ironiquement à la new wave, justifiait à l’aise cette exposition réalisée en collaboration avec le Musée des Beaux-Arts de Montréal. Si la manifestation s’intitule « Basquiat Soundtracks » il fallait donc qu’elle soit littéralement accompagnée d’une bande sonore. Disposition qui n’est pas pour rien dans l’effet réveil-matin qu’elle occasionne. L’ambiance sonore qui accompagne le visiteur, pour le moins réjouissante, est inédite pour chacun d’entre eux. Ce qui fait que cela change un peu et même beaucoup des expositions compassées ou chaque gardien de salle a l’air de porter sur son visage le masque mortifère de l’ennui. Continuer la lecture

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Un dollar pour une asperge à la Monnaie de Paris

C’est presque à chaque fois pareil. On se rend à l’Hôtel de la Monnaie afin de profiter de la dernière exposition et finalement, c’est l’édifice si raffiné du 18e siècle, œuvre de l’architecte Denis Antoine (1733-1801) sur le quai Conti, qui emporte le match. Le dollar de Andy Warhol, peint en 1981 à l’acrylique (ci-contre), a beau occuper toute une pièce et même au delà grâce à un effet de miroir, le regard ne peut s’empêcher de glisser vers les magnifiques lambris, les portes, les fenêtres, les planchers de bois ou de pierre, les fenêtres ou encore la vue sur la Seine finement filtrée par des rideaux blancs. C’est sans conteste un lieu merveilleux où il ferait bon habiter, où l’on passerait au gré de nos humeurs de pièce en pièce, d’une chambre à une autre chambre, d’une grande réception à l’un des salons cosy. C’est donc presque facile d’y réussir une exposition tellement les aîtres invitent à la bienveillance. Y compris devant l’œuvre de Bertrand Lavier consistant à superposer un coffre-fort et un réfrigérateur, ensemble censé faire référence au « geste duchampien du ready-made » et, aussi pour faire bonne mesure, « à la réflexion de Constantin Brancusi sur une continuité formelle entre la sculpture et son socle ». Continuer la lecture

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