De l’art japonais de l’étrier à celui de la bonbonnière au Musée Liang Yi

Nous invitant à un voyage au Pays du soleil levant hors des sentiers battus, le Musée Liang Yi de Hong Kong nous étonne et c’est pour notre plus grand plaisir. Comme le sous-entend le titre de l’exposition en cours, «L’autre Japon, au-delà des kimonos et des sabres», point de vêtements traditionnels brodés aux manches longues ni de lames étincelantes. À la place, le visiteur contemple l’art de l’Abumi (autrement dit de l’étrier de samouraïs), de l’accessoire pour thé, du nécessaire de voyage ou de pique-nique en laque, du Kanzashi (c’est-à-dire de l’ornement de coiffure féminin), de la cosmétique, du Kiseru (soit de la pipe longue et fine) mais aussi de la bonbonnière (ci-dessus). En tout, 260 objets d’art décoratif, tous issus de la collection privée japonaise du musée, elle-même composée d’environ 4.000 œuvres d’art, intriguent autant qu’ils émerveillent. Nous restons un peu sur notre faim toutefois. La visite, en compagnie de guides, narrant avec ferveur l’histoire des objets les plus représentatifs de chacune des sections de l’exposition, ne dure qu’un peu plus d’une heure. C’est trop court pour laisser le temps de rendre complètement hommage à tous ces chefs d’œuvre en s’imprégnant pleinement leur majesté. Continuer la lecture

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Carré magique

L’exploit est gratuit. Mais il est toujours tentant de s’amuser à créer un « carré magique » empli de chiffres, lesquels additionnés en ligne, en colonne ou en diagonale, donnent toujours le même résultat. Sur la façade de la Sagrada Familia de Gaudi, il en existe un de ce type sculpté en 1987 par Joseph Maria Subirachs. Et si l’on additionne les nombres à la file on tombe toujours sur le chiffre 33, ce qui ressemble fort à un labyrinthe infernal puisqu’il n’y a pas d’issue. Cette anecdote au carré figure dans un très étonnant hors série du journal Le Monde qui vient de sortir sur les nombres premiers et sous-titré en guise d’invitation par la mention, « un long chemin vers l’infini ». Un tel sujet tient du défi mais il nous permet de nous extraire, comme une racine carrée, d’une actualité bien affligeante. Le pire c’est qu’il se lit presque facilement, sachant que le profane est averti dès le départ qu’un nombre premier est l’inverse d’un nombre composé. Le chiffre six fait partie de la seconde catégorie puisqu’il s’obtient en multipliant deux par trois. En revanche, à cette aune, deux et trois sont des nombres premiers et le tableau de Gaudi contient en l’occurrence des intrus. Continuer la lecture

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Souvenir lunaire

Le 27 novembre dernier, à 14h45, se répandait sur le réseau X (ex-Twitter) l’annonce de la mort d’Edwin Eugen Aldwin Jr. Une heure plus tard, un nouveau message prétendait à la confirmation de ce décès par ses proches, avec un lien renvoyant sur le site Necropedia. Reprise par quelques radios, puis par des médias du monde entier, la rumeur sera démentie par le porte parole de l’intéressé. Fausse nouvelle, fake news, comme disent la plupart, de nos jours. À 93 ans, le héros paraît se porter comme un charme. Au début de cette année, il a épousé en quatrième noce Anica Faur, la directrice de son institut, de 30 ans sa cadette. Preuve qu’il sait joindre l’utile à l’agréable. La seule lune l’intéressant désormais est la lune de miel. Mais effectuons pour notre belle jeunesse une remontée dans le temps: qui est donc cet Edwin Aldrin, surnommé Buzz, à l’américaine ? Il reste le dernier vivant d’une épopée légendaire, un personnage illustre des États Unis modernes, l’auteur d’une grande première. Donc, le dimanche 20 juillet 1969, à 20h17 UTC, dans le cadre du programme Apollo 11, le module lunaire Eagle se posait dans la mer de la Tranquillité. À bord, les astronautes Neil Armstrong et «Buzz» Aldrin. Le troisième de l’équipe, Michael Collins, est demeuré dans le module de commande Columbia. Continuer la lecture

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Réservé aux noirs et blancs

Longtemps, depuis l’art pariétal, les artistes-peintres avaient gardé l’avantage de la couleur. Pour ce qui était de capter les subtilités chromatiques d’un paysage, ils étaient les plus forts. Y compris dans les premiers temps de la photographie, au 19e siècle, où on ne faisait au mieux que du sépia ou de la coloration artificielle. Mais les progrès de la chimie, au siècle suivant, ont eu raison de cet handicap. Surtout à partir des années soixante, la photographie en couleur s’est popularisée. Suivant qu’il s’agissait de polaroids ou de films plus ou moins sensibles nécessitant un développement ultérieur, on obtenait en outre des résultats intéressants et même typés. Pourtant le noir et blanc, autrefois ghetto technique, est revenu en force. La BnF a décidé de dégarnir massivement son stock exceptionnel afin de réaliser une vaste exposition uniquement sur le thème du noir et du blanc. Un déballage si volumineux que l’on si perd un peu. D’autant que l’organisation de la scénographie mélange les époques et les genres. Mais abondance de trésors n’a jamais nui. Et cette exposition mise auparavant sous le boisseau à cause de la pandémie de coronavirus, prend aujourd’hui sa revanche en bord de Seine dans ce quadrilatère géant qu’est la Bibliothèque Mitterrand. Continuer la lecture

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Ragots de cuisine

Le temps d’une guerre, il était raconté dans la revue ci-contre, que Victorien Sardou avait enfilé une tenue d’artilleur. Durant le conflit de 1870 il opérait ainsi à la batterie du Moulin-Joli, situé sur la rive gauche de la Seine. Dans la capitale c’était la disette, en raison du siège tenu par les Allemands. De surcroît il faisait froid car c’était Noël. Et Victorien Sardou avait fini par rentrer chez lui après une journée de canonnade bilingue. Avec l’objectif d’aller dîner dans un restaurant à la mode où, compte tenu des circonstances, on se nourrissait en fonction d’arrivages souvent fantaisistes. C’est alors qu’en sortant de chez lui, il tomba sur un inconnu qui lui présenta « avec un air de mystère », un « panier recouvert d’une serviette ». L’homme ôta le tissu et apparut alors une tête de veau, bien fraîche « sur son lit de persil », une véritable aubaine en ces temps où l’on pouvait manger des rats ou les animaux du zoo. Même le prix était abordable ce qui fit que le grand homme accepta, avec en tête l’idée de faire une bonne surprise à ses amis qui l’attendaient au restaurant Brébant, boulevard Poissonnière. En toute discrétion, Sardou confia la tête de veau au cuisinier avec pour mission de la servir au milieu du repas. Continuer la lecture

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Bronze massif

Les collectionneurs de timbres ont cet insigne avantage sur les amateurs de bronzes: ils peuvent ramener leurs acquisitions dans leur poche ou leur mallette. Henri Cernuschi (1821-1896) quant à lui, appartenait aux chercheurs de bronze et plus exactement aux objets d’arts faits de cet alliage de cuivre et d’étain. Issu d’une famille juive milanaise, cet exilé politique puis Français naturalisé en 1871, fit un jour un voyage extraordinaire en Asie et ramena de quoi constituer une collection, actuellement visible au musée Cernuschi, dans le cadre d’une exposition temporaire. Il était parti avec le critique d’art Théodore Duret (1838-1927) et les deux revinrent avec un butin tout à la fois étonnant et autrement plus pondéral qu’un album de timbres. Ami des impressionnistes, Théodore Duret avait écrit à ce propos à son ami Édouard Manet (1832-1883), depuis Pondichéry: « Cernuschi rapporte du Japon et de la Chine une collection de bronzes telle qu’on n’a jamais rien vu de pareil nulle part. Il y a des pièces qui vous renverseront, je vous dis que cela! » Comme cet assez exceptionnel brûle-parfum du 18e siècle (ci-dessus) de la dynastie Qing (1644-1912) couvert d’émaux cloisonnés sur cuivre. Continuer la lecture

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Hitchcok avait tout faux

Après avoir démontré subtilement que Conan Doyle, Agatha Christie, Shakespeare ou Sophocle se sont trompés de coupable dans certaines de leurs œuvres, Pierre Bayard s’attaque cette fois au maître du grand écran Alfred Hitchcock, dit «Hitch» pour les intimes. Il faut dire que ce professeur de littérature doublé d’un psychanalyste, publié aux éditions de Minuit, possède un flair policier exceptionnel lui permettant de passer cette fois de la littérature au cinéma. Dans son dernier opus «Hitchcock s’est trompé», « Fenêtre sur cour-Contre-enquête », il prétend même qu’au fond, les films se prêtent particulièrement bien à des contre-enquêtes, car les plans cinématographiques laissent une plus grande marge d’interprétation que l’écriture d’un livre. Ce qu’il nous prouve avec son habituel brio, mêlant analyse méticuleuse, paradoxes psychologiques en tout genre, sens du timing et humour, beaucoup d’humour. Ainsi met-il en exergue de son dernier ouvrage une réplique du film «Le crime était presque parfait», autre chef d’œuvre hitchcockien : «On critique la nullité de la police, mais que Dieu nous protège des brillants détectives amateurs !» Continuer la lecture

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Les princes de l’amour au musée Guimet

Afin de présenter ses vœux, le Commandant Suave, autrement appelé Kaoru dans sa version originale, se rendait à la résidence de Tama-kazura. Profitant qu’il était installé devant la porte, des dames de compagnie cherchaient à lui faire perdre son sérieux. C’était le printemps et sur la branche d’un prunier, une fauvette illustrait la scène de son chant. Ce personnage suave avait un rival, le Prince parfumé, soit Niyou Miya en japonais. Rivaux car tous deux cherchaient l’amour. Ils étaient les protagonistes d’un roman écrit par une femme voici plus de mille ans et dont le Musée Guimet a fait le thème central de son exposition actuelle. Le « Dit du Genji » nous est vendu comme le premier roman psychologique de l’Histoire, c’est possible, mais l’argument n’était pas nécessaire car la magie de ce qui est montré, opère sans peine. On ne peut que recommander aux visiteurs de faire l’acquisition du beau catalogue tant il éclaire cette époque et cette culture, un peu lointaines tout de même, détaillant les raffinements de la cour impériale à l’époque de Heian (794-1185) via l’épopée amoureuse du prince Hikaru Genji. La plupart des interventions écrites y sont confondantes d’érudition, du moins est-ce l’impression qu’il laisse et laissera probablement aux profanes. Continuer la lecture

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La sortie au cirque

Dans “Portraits-Souvenir” (1935), évoquant son enfance, Jean Cocteau (1889-1963) chante “la grande odeur merveilleuse” du cirque, indissociable de ses jeunes années. “Certes, on la savait faite de crottin de cheval, de tapis-brosse, d’écuries, de sueurs bien portantes, mais elle contenait, en outre, quelque chose d’indescriptible, un mélange qui échappe à l’analyse, mélange d’attente et d’allégresse qui vous saisissait à la gorge, que l’habitude levait en quelque sorte sur le spectacle et qui tenait lieu de rideau. Et la richesse profonde du fumier d’enfance, poursuit-il, m’aide à comprendre que cette odeur de cirque est un fumier léger qui vole, une poudre de fumier dorée qui monte sous le dôme (…), irise les globes de lumière, met une gloire autour du travail des acrobates, et retombe, aidant puissamment les clowns multicolores à fleurir.” Cette belle odeur de cirque à l’ancienne se retrouve aujourd’hui encore sous le chapiteau de la famille Gruss. Ici pas de clowns, pas de Foottit et Chocolat, mais des numéros spectaculaires autour de l’art équestre et de la haute-voltige. Sur la piste ronde, chevaux, écuyers, acrobates et jongleurs réalisent des prodiges pour émerveiller petits et grands. Et, en ces temps troublés, quel meilleur moyen de préserver chez les enfants la magie de Noël et d’oublier, pour quelques heures, les horreurs du monde que de céder aux joies du cirque ? Continuer la lecture

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Nancy derrière le brisoir

D’une certaine façon, Louis Aragon a tenté de se suicider deux fois. D’une part en réel à Venise mais l’opération fit long feu, d’autre part en publiant un recueil poétique, modèle extrême d’auto-démolition, chez Gallimard en 1929. Il y a cinquante ans précisément, en 1973, l’homme quelque peu âgé qu’il était devenu avait écrit une sorte de post-scriptum à son œuvre. Concernant « La grande gaîté », le fameux recueil joliment maquetté en rouge et noir, c’était plutôt une forme d’addendum qu’il inséra sous le titre « Tout ne finit pas par des chansons ». Mais le livre que l’on trouve facilement en rayon chez Gallimard est encadré dès le début par une longue préface de Marie-Thérèse Eychart qui apporte ainsi une mise en contexte historique indispensable. Et donc à la fin par l’auteur lui-même, lequel donne en quelque sorte sa version des faits. Il s’agit d’un ouvrage où la poésie telle que la pourraient concevoir les esprits les plus larges, est quasi absente: pas plus d’étoiles à rallumer que de pinsons sur les branches. Cette « Grande Gaîté » procède surtout d’un « jeu de massacre » ainsi que l’écrit assez justement Marie-Thérèse Eychart. Le cœur du sujet est fait d’une histoire sentimentale durant l’entre-deux guerres et si violente qu’elle amena plus tard Aragon à écrire qu’il avait dû « porter le mot amour et le reste au brisoir ». Continuer la lecture

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