Une aquarelle de Folon « stellée de gemmes pâles »

Voilà une vente aux enchères qui aura lieu après-demain et valant d’être signalée. Car en 1983, l’artiste belge Jean-Michel Folon, intégrait dans une aquarelle encre et papier, un fragment de poème d’Apollinaire. L’usage de l’aquarelle n’est pas sans rappeler aux spécialistes du poète que lui-même avait quelque peu tâté de la technique. Concernant Jean-Michel Folon c’est une découverte. Le poème emprunté s’intitule « Mardi-gras » et, associé à Folon sous forme d’un extrait, ce n’est sans doute pas la première fois qu’il passe à l’encan. Avant de le publier aujourd’hui car nous tenons la rare occasion de le faire, rappelons que Folon né en mars 1934 à Uccle (Belgique), expatrié en France en 1955 à Bougival et terminant ses jours à Monaco, est surtout connu des Français par un générique de fin de soirée sur Antenne Deux, lequel hypnotisait les téléspectateurs afin de les envoyer, de 1975 à 1983, dans un sommeil sans angoisse quoique teinté d’une mélancolie ineffable. À l’abominable musique des Dossiers de l’écran, anxiogène jusqu’à la tentative de suicide, on préférait les petits bonhommes de Folon planant avec délicatesse dans l’espace interplanétaire sur une musique de Michel Colombier. Entre autres faits d’armes, Folon, acteur quelquefois, fut aussi retenu puis écarté, pour créer le logo de l’ordinateur Macintosh, l’aïeul des Macs actuels. Continuer la lecture

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Pâtisserie littéraire

La madeleine est un gâteau en forme de coquille, fait de farine, de sucre, d’œufs, de beurre fondu, avec une pincée de levure chimique. La bosse caractérisant son apparence constitue un exemple de physique amusante. Le secret consiste à réaliser, au moment du début de cuisson, un choc thermique, entre la pâte, préalablement conservée au réfrigérateur, et le four, chauffé à 220°C. Dès lors, dans le moule propre à la confection, la pâte en contact avec les bords chauffe en premier, gonfle sous l’action de la levure et de la vapeur d’eau. Elle remonte le long du moule pour recouvrir le centre de la préparation. Ce dessus cuit rapidement, formant couvercle. Lorsque le centre sous-jacent, plus épais, commence à gonfler, il pousse ce couvercle et provoque l’apparition d’un petit monticule. Le tour est joué. L’histoire de cette pâtisserie relève, comme souvent, de l’improbable. On y retrouverait Stanislas Leczinski, passé roi de Pologne, beau père de Louis XV, présentement duc de Lorraine, de 1737 à sa mort, en 1766. Il reçoit, ce jour là, en son château de Commercy. Une dispute a éclaté, à l’office, entre son intendant (d’autres prétendent son bouffon, Nicolas Ferry) et le maître-queux. Celui-ci, furieux, rend son tablier, et s’en va, avant d’avoir réalisé les desserts.. Embarras de l’Altesse, exposée à un repas raté. Continuer la lecture

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La neige des profondeurs

C’est le seul endroit de la Terre où il neige tous les jours. Sous la surface des océans et au moins jusqu’à 5000 mètres de profondeur, là où n’y voit goutte sans une lampe de poche: les particules organiques descendent lentement vers le sol, faisant le déjeuner des gourmets à l’esthétisme maudit. Malheureusement, ces particules ne sont pas les seules à jouer les parachutistes subaquatiques. Les déchets plastiques sont désormais partie prenante de ce ballet muet. Ceux qui ont quitté la surface, ceux que l’on ne récupérera pas autrement qu’à une station quelconque de la chaîne alimentaire. Matière inventée par l’homme au début du 20e siècle, elle n’a pas fini de nous empoisonner. Ces deux aspects des profondeurs marines figurent au sein d’une exposition ayant lieu depuis l’automne au musée des Arts et Métiers sur l’exploration des infinis. L’un des chapitres de la scénographie est, on l’aura compris, la mer. Un joystick placé devant un grand écran permet au visiteur de descendre par paliers d’environ mille mètres à chaque impulsion, afin de voir ce que l’on peut y trouver. L’homme ayant été le plus bas s’appelle Ahmed Gamal Gabr. En 2014 il a réussi à palmer jusqu’à 332 mètres (luminosité zéro, température 7 degrés), aux limites de l’implosion. Si on veut aller plus loin il faut monter à bord d’engins de descente. Ce qui n’est pas vraiment une promenade de santé. Continuer la lecture

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La princesse de glace

Disons sans faiblir que la célébration du centenaire de la disparition de Puccini cette année a commencé dès l’an dernier avec un enregistrement de « Turandot » qu’on ne peut pas ignorer. La distribution aligne une pléiade de chanteurs à faire frémir les fans: Sandra Radvanovsky et Jonas Kaufmann dans les rôles titres, et dans les seconds rôles, Ermonela Jaho, Michele Pertusi et Michael Spyres en guest star. Ce qu’on appelle une distribution de légende, sous la direction d’Antonio Pappano, maestro de légende lui aussi. Pas très connu du public français, car il ne vient pas diriger chez nous, il est une référence mondiale : la liste de ses CD et DVD pucciniens et verdiens s’allonge depuis 25 ans, lorsqu’il a pris la fonction de directeur musical du Royal Opera House (ROH) à Covent Garden (Londres) en 2002. Son autre titre, tout aussi royal, est celui de chef musical de l’Académie de Sainte-Cécile de Rome, qu’il assume parallèlement depuis 2005.
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Salut Blaise Cendrars !

La couverture, qui reprend un projet d’affiche de 1913, est de Sonia Delaunay. Son texte n’a pas de rapport avec le contenu de la revue. Il faudra se référer au bandeau (s’il est encore présent) qui indique: « Salut Blaise Cendrars », suivi d’une bonne vingtaine de noms d’écrivains ou d’artistes connus comme Jean Cocteau, André Malraux, René Char, Jules Romains ou Fernand Léger. Publié il y a tout juste soixante-dix ans (1954), cet hommage à Cendrars constitue aujourd’hui encore un document d’importance quant à la place de l’écrivain suisse dans la littérature du XXe siècle. Il s’agissait du numéro 9-10 de la modeste revue littéraire « Risques », créée en 1950 dans la région lilloise par trois jeunes journalistes passionnés de littérature: Jean Wagner qui sera par la suit un critique de jazz réputé; le jeune poète Roger Quesnoy, dont l’œuvre est aujourd’hui reconnue et qui deviendra rédacteur en chef adjoint du quotidien La Voix du Nord; et un autre journaliste Michel Salès. Avec les moyens du bord mais aussi avec l’audace de la jeunesse, ils décident de consacrer un numéro spécial à l’auteur de « La Prose du Transsibérien » alors âgé de 67 ans. Ils envoient par courrier un questionnaire aux écrivains ou artistes renommés de l’époque. Eux-mêmes parviennent à obtenir un rendez-vous avec l’écrivain suisse. Ce fut une passionnante soirée de discussions …et de franches libations. Roger Quesnoy se souviendra longtemps de la dextérité avec laquelle Cendrars qui, comme chacun sait, avait perdu un bras à la guerre, parvenait à déboucher les bouteilles d’une seule main. Continuer la lecture

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À nous les créatures de rêve

Il y a toujours quelque chose de sombre dans les films de Hayao Miyazaki. Des forces obscures qui viennent ternir le rêve, l’essence du mal infusant son venin dans les coins. Dans l’avant-dernier film, « Le vent se lève », les prémices de la guerre mondiale étaient constitutifs de la trame principale. La présence de bombardiers au vol lourd et sonore faisait que ce n’était pas vraiment pour les enfants. Après « Mon voisin Totoro » (1988), tabac planétaire, bienveillant et bienfaisant, les films de Miyazaki sont devenus plus manichéens et plus réalistes par voie de conséquence. Il y a le rêve et le cauchemar, ce dernier suintant par les interstices d’un mur comme une muqueuse noire, surgissant tout à coup en escadrille de derrière un gros cumulo-nimbus. L’enchantement est dominateur heureusement, mais au milieu des fleurs et des bons sentiments, Miyazaki disperse des panneaux d’avertissement. Ce faisant il colle à son époque et s’il n’oublie pas de rappeler que le totalitarisme est toujours tapi, il se sert aussi de sa caméra et de ses dessins pour cultiver la veine féministe. Comme dans « Porco rosso » (1992), film dont on parle moins que les « Chihiro » et autres « Princesse Mononoké ». Continuer la lecture

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En mode Paolo Roversi

Il n’y a que quelques pas à faire, juste une rue à traverser: lorsque l’on quitte le musée d’Art moderne afin de se rendre en face, au palais Galliera. Où l’on peut voir actuellement une belle autant que sensible exposition sur le travail du photographe de mode Paolo Roversi. Le tirage qui a été choisi pour orner l’affiche de l’exposition, bénéficie à l’intérieur d’un endroit à part, tout en rouge et noir, comme un écrin, tel un boudoir de luxe. Elle est titrée « Molly, Chanel, Vogue Italia ». Le talent du photographe s’exprime ici devant une silhouette complexe, riche, extravagante. Mais l’exposition contient aussi des photographies de femmes aux corps entièrement dépouillés qui montrent que l’artiste italien a quoiqu’il arrive la main fiable et le regard inspiré. Ce sont souvent des clichés verticaux ce qui s’explique par le fait qu’ils doivent figurer sur la couverture de magazines dont le format de base est la hauteur. Et donc le plus souvent nous sommes face ici à de la verticalité, comme la photo qu’il prit de la princesse Kate Middelton en 2022 et qui constitue si l’on peut dire, une sorte de trophée (de plus) dans sa carrière. Continuer la lecture

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Hélion à cent quatre-vingt degrés

Comme dans la vie, comme dans un film et comme dans une vie d’artiste, il arrive un jour un point de bascule, un changement du rapport de force, quelque chose qui fait que tout va changer. Dans le parcours de Jean Hélion (1904-1987), ce type d’événement s’est également produit. L’exposition qui lui est consacrée en ce moment-même au Musée d’Art Moderne de Paris a été conçue de façon chronologique, méthode banale mais efficace permettant de situer cette rupture. Son existence d’artiste a donc été scindée en deux. Voilà un homme qui a commencé par l’abstraction la plus pure et qui, à un moment donné, a basculé dans le figuratif hyperréel. Dans un genre qui n’est pas sans faire penser à de la bande dessinée, comme cet « Allumeur » ci-contre, réalisé en 1944. C’est à partir de 1939 qu’il accomplit son virage à cent quatre-vingt degrés avec une période d’abstinence due successivement à sa mobilisation, sa captivité, son évasion et ce que l’on pourrait appeler une forme de résurrection, a minima de changement de cap. Une évolution radicale qui n’a pas été forcément bien perçue par le public, par ses pairs, un peu comme un musicien qui passerait du classique au free jazz sans préavis. Continuer la lecture

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Apollinaire à l’heure du Soupault

Malgré l’étroitesse et la modestie des lieux on se serait cru paraît-il dans le « palais d’un roi ». Chez lui boulevard Saint-Germain, sous les toits, Apollinaire se livrait à l’une de ses occupations favorites: manger. Comme la lumière était basse, ainsi que le racontait l’écrivain Philippe Soupault en 1936, « on ne voyait plus que sa joie, son sourire et son appétit ». Il aimait dans le désordre, les escargots, les caramels, les glaces, les concombres, avec une préférence pour les tripes et les petits fours glacés. Peu de temps après André Billy (1), Philippe Soupault lui aussi, ira de son ode au poète disparu en 1918. Qui fut publiée en 1926 (1923 pour Billy) dans un mince ouvrage tiré à seulement 548 exemplaires et contenant quelques poèmes à l’époque inédits. Hormis deux coups de griffes dus aux positions quelque nationalistes d’Apollinaire lorsque celui-ci revint de la guerre, il faut constater que page après page tout n’est qu’affection, avec cette écriture délibérément abordable, sans vocabulaire compliqué, que pratiquait Soupault. Il faut dire qu’ils avaient 17 ans d’écart de leur vivant. L’un périt de la grippe espagnole après avoir été blessé par un éclat d’obus, l’autre faillit y passer après avoir sur le front, été désigné comme cobaye pour un vaccin expérimental. Continuer la lecture

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Le Clos de Vougeot : « Jamais en vain, toujours en vin »

Au-dessus de la route qui mène de Dijon à Beaune, au cœur de la prestigieuse Côte de Nuits, on ne peut le manquer. Le château du Clos de Vougeot surgit, souverain, au milieu d’un clos de vignes de 50 hectares, soit la plus grande zone bourguignonne classée Grand cru. S’il ne possède aujourd’hui plus de vignes et ne commercialise plus de vin, le château se visite. En février, alors que la Bourgogne sommeille en attendant que la vigne se réveille, la visite du château sans aucun touriste laisse une impression intense. Depuis le cellier du XIIe s, ce sont 9 siècles d’Histoire que l’on traverse dans les arômes d’un des crus les plus prisés au monde. L’histoire du Clos de Vougeot commence en 1098, quand, à quelques kilomètres de l’actuel château, Robert de Molesmes, fonde l’Abbaye de Cîteaux, berceau de l’Ordre Cistercien. Pour les moines convers, il s’agit de concilier deux exigences de la règle de Saint Benoît: vivre du travail de ses mains et dans l’enceinte du monastère. Si les moines doivent faire vœu d’obéissance, pauvreté et chasteté, l’abstinence vinicole n’est, dieu merci, pas requise. Pas de monastère sans vin. Dans une région aux sols propices à la viticulture, le choix est donc tout fait. Continuer la lecture

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