Voyage dans l’ancienne Russie, un voyage haut en couleurs

Aspect de l'exposition "Voyage dans l'ancienne russie". Photo: Lottie BrickertMagnificence d’un orme sacré dans les steppes d’Asie Centrale, vendeur de melon à Samarkand, bureaucrate de Boukhara, cabanons de l’Oural, travailleurs à la mine de BaKalsk, paysages de Russie Blanche, monastère de Smolensk…, grâce à une centaine de vue trichromes d’une qualité exceptionnelle, le musée Zadkine nous offre aujourd’hui un voyage inoubliable. Il nous entraîne sur les traces de Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky (1863-1944), premier grand reporter « en couleurs » de l’ancienne Russie qu’il a parcourue de 1905 à 1916.

Ce photographe de talent était aussi un chimiste reconnu dès le début du XXe siècle. S’il n’est pas l’inventeur du procédé de projection de photos en couleurs par superposition de trois positifs de verre aux couleurs primaires, il a mis au point une émulsion aux étonnantes propriétés photosensibles permettant de retrouver la tonalité et l’éclat des couleurs naturelles et débouchant sur des projections de qualité. Pionnier et artiste, il a pressenti immédiatement les applications possibles de son procédé, à même d’immortaliser les trésors de son pays. Dont acte. Armé d’un appareil de prises de vues, réalisé à sa demande en Allemagne, il a traversé la Russie dont il a rapporté des centaines de « vues optiques en couleurs » comme il les nommait. Il organisait ensuite des projections pour faire état de ses recherches et convaincre de l’utilité de son procédé.

C’est au cours de l’une d’elles que le tsar Nicolas II, amateur de photographie, découvrit en 1909 ses vues avec des yeux émerveillés. Une occasion unique pour Procoudine-Gorsky de le faire adhérer à son projet. Des lettres de mission avec liberté de circuler dans tout l’Empire lui sont alors délivrées et un wagon aménagé en laboratoire est mis à sa disposition. Soutenu par le tsar, il peut maintenant parcourir l’Empire pour mener à bien l’ambitieux travail de reportage qu’il s’était fixé : réaliser 10 000 images sur 10 ans pour saisir la beauté de la nature ainsi que du patrimoine culturel et artistique de la Russie et opérer un recensement de ses richesses. Son projet ayant été contrarié par la Révolution et la Première Guerre Mondiale, il ne fixera que 3500 clichés.

Le bureaucrate de Boukhara. Photo: Lottie Brickert

Le bureaucrate de Boukhara. Photo: Lottie Brickert

Rendons grâce à la Bibliothèque du Congrès de Washington qui eut l’excellente idée d’en racheter environ 2000 en 1948. Comment ces photos sont-elles sorties du pays ? Mystère ! Toujours est-il que sans son intervention, ces plaques de verre fragiles seraient sans doute perdues. Au-delà de leur conservation, la Bibliothèque du Congrès a permis leur conversion numérique par digichromatographie, et c’est pourquoi nous pouvons aujourd’hui découvrir au musée Zadkine « les vues optiques en couleurs »,  présentées sur caissons lumineux, comme s’il s’agissait toujours des plaques de verre colorées projetées sur un écran qui émerveillèrent Nicolas II en 1909. Elles sont splendides et constituent un documentaire rare sur les petits métiers de l’époque en Russie.

Rendons également grâce au musée Zadkine dont le cadre intime se prête parfaitement à ce voyage inoubliable. Au-delà du mariage harmonieux des sculptures de Zadkine et des vues de Procoudine-Gorsky, les œuvres des artistes, Russes tous les deux, sont inspirées par leur esprit novateur et leur amour de la nature. Les splendeurs naturelles de l’ancienne Russie sont mises en majesté chez Procoudine-Gorsky notamment par une utilisation subtile de la profondeur de champ. La recherche de communion entre l’homme et le végétal se reflète dans certaines sculptures de Zadkine telle La forêt humaine.

Cette exposition constitue aussi une excellente opportunité de visiter (ou revisiter) le délicieux musée Zadkine. A l’approche de la grille d’entrée, on se croirait dans un dessin de Sempé en contemplant la maison et l’atelier du sculpteur, îlot de verdure d’un autre temps, perdu dans la verticalité des immeubles environnants. C’est ici que Zadkine vécut et travailla de 1928 à 1967, année de sa mort. Hormis la collection élégamment assemblée dans la maison et l’atelier, quelques œuvres  majeures ensoleillent le jardin attenant. Parmi elles, citons tout spécialement pour lessoireesdeparis.com, Le Projet de Monument à Apollinaire, l’un des quatre projets de monuments que Zadkine avait dédié dans les années trente aux poètes qu’il admirait.

 

Vue du Musée Zadkine. Photo: Lottie Brickert

Vue du Musée Zadkine. Photo: Lottie Brickert

« Voyage dans l’ancienne Russie », exposition du 9 octobre 2013 au 13 avril 2014

Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, 75006 Paris

Ouvert tous les jours sauf lundi et jours fériés, de 10h à 18h

 

 

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Exposition. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Voyage dans l’ancienne Russie, un voyage haut en couleurs

  1. Steven dit :

    Les photos de cette exposition valent le détour avec leurs couleurs étonnantes.

  2. Raymond dit :

    Invitation à découvrir une exposition singulière (et, pour ceux qui ne le connaissent pas, un endroit préservé)… Une fois encore, Lottie, une guide à suivre !

Les commentaires sont fermés.