Contrairement à d’autres photographes dont le matériel, par la taille, s’apparente à une arme de guerre, Anders Petersen déconseille la dépendance au matériel et prône les appareils discrets. D’autant plus que celui qui est encore exposé jusqu’au 2 février à la BnF Richelieu, est plutôt un photographe de l’intime qui travaille dit-il, avec la « touching distance » requise.
A ce point « touching » d’ailleurs que certains clichés peuvent heurter comme l’arrière-train d’un homme en train de copuler et saisi en tellement gros plan que le résultat est pour le moins trivial. Le photographe suédois a beau dire « sans nostalgie pas d’image », cela ne se vérifie pas toujours.
L’un de ses travaux emblématiques est celui effectué en trois ans de 1967 à 1970 dans un café de Hambourg, le café Lehmitz. Cent ans après l’Assommoir de Zola, la condition de l’humanité dans ce qu’elle a de précaire y est également restituée. Petersen photographie le visage de ceux dont le visage est beaucoup marqué par la vie. Sa « touching distance » fait qu’on voit aussi les langues de deux personnes qui s’embrassent, c’est-à-dire une vue sans limites, sans pudeur et sans scrupule.
Il y a une impression de puissance indéniable qui se dégage de son œuvre en noir et blanc quelque que soit le lieu de son travail (prison, hôpital psychiatrique…). Les tirages forcent le contraste au point que l’on pourrait croire que les photos ont été prises dans un garage avec force cambouis sur les murs, la peau, les vêtements. Où que le regard porte, chez Petersen, on ne risque pas de se tromper de misère.
Un lavabo dégueulasse, une femme assise sur les toilettes, de la nudité ou de la semi-nudité aux antipodes de la photo de charme, celui qui au départ pensait faire faire de la peinture, dépeint une société humaine noire et sans espoir, à quelques clichés près. Avec Petersen, l’homme comme la femme vivent et meurent dans une cave à charbon.
Au sein de l’exposition ce jeudi 2 janvier, deux visiteuses chuchotent de façon intelligible. L’une dit à l’autre en pouffant, « tu crois que c’est possible » ? Elles montrent une photo de femme dont l’intérêt semble-t-il, est d’arborer une toison pubienne hypertrophiée. Pourquoi cette femme accepte-t-elle de se faire photographier ainsi ? Pourquoi Petersen juge-t-il nécessaire de le faire ?
Dans sa revue « Chroniques », la BnF qualifie l’oeuvre de Petersen de « magnifique et fulgurante ». Fort oui, intéressant indéniablement, fulgurant pourquoi pas, l’aboutissement d’un long et patient travail c’est sûr, mais « magnifique » n’est pas l’adjectif qui vient spontanément à l’esprit. Dehors, une fois gagné la rue de Richelieu ou celle du Quatre septembre, tout vous paraîtra plus beau et, le temps que l’effet Petersen se dissipe, irréel.
Il semble à cette heure que le lien vidéo avec l’exposition ne fonctionne pas. Patience, merci. PHB
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