Partir, marcher, rouler ou ne rien faire ; un rayon de soleil, un paysage, harmonie simple d’une belle journée. Un voyage peut avoir un but mais le but n’est pas forcément l’essentiel du voyage. « Tu te rappelles dans cette nuit grise en Norvège, les sinistres craquements de ce glacier qui formait un mur étrange au bout de la route. On l’aurait dit avalant la vallée verte ».
Je pense à nos vacances. A la radio, une info : le Combi Volkswagen va définitivement rentrer dans l’histoire. Il n’était plus construit depuis 1990 qu’au Brésil. « On a eu le Combi après la Mini. Je ne sais plus où nous l’avions achetée, c’était une Mini break, une pièce de musée plutôt interdite par les mines française pour cause d’être basse de plafond. » « On y a passé de belles nuits d’été. »
« Tu te souviens dans les Grisons en Suisse. Nous étions dans un parking. Immense le parking, désert aussi. En plein milieu du parking, une poubelle. Petite, la poubelle. Elle fut littéralement explosée par une voiture qui arrivait. Tu étais dehors, en soutien-gorge et finissait de t’habiller ». Plus tard, j’abandonnais ma mini break sur une route de campagne, le moteur avait rendu l’âme. Un garagiste me la reprendrait au téléphone plus cher que son prix d’achat…
Outre une voiture avec moteur, nous avions aussi besoin d’un véhicule plus spacieux pour nos balades sauvage: nous avions invité avec bonheur à la table familiale, une petite fille. Les constructeurs automobiles ont tardivement découvert qu’une voiture pouvait être autre chose qu’un truc pour transporter quatre personnes avec un coffre à l’arrière et un allume-cigare à l’avant. Jusque dans les années 80, pour ceux qui cherchaient plus gros, genre se balader en évitant les hôtels, ils ne leur restaient que la catégorie utilitaire. C’était parfait pour les familles nombreuses, avec un porte-voix pour se parler à bord et de bons muscles pour tourner le volant surtout en cas de créneau difficile.
Ou alors il y avait le Combi Volkswagen, il n’était pas plus grand qu’une voiture. Le toit de notre version se rehaussait pour dégager un double couchage. Pour sa première nuit dans le « camion », on l’appelait ainsi, nous avions installé le bébé dans son vrai lit. Mais les bruits nouveaux, les vagues de l’océan à Saint-Jean-de-Luz, les oscillations du véhicule, découvrir ses parents s’envoler au-dessus de son lit, tout était un peu trop pour une gamine de sept ou huit mois. Les nuits blanches s’oublient facilement, reste les belles nuits.
C’étaient l’époque d’avant les gros camping-cars qui n’ont plus rien d’aventureux.
« Tu te rappelles quand en Irlande, nous cherchions où nous installer pour la nuit. Le pré était sympathique avec ses murets en pierre. Les deux roues avant engagées, je compris mon erreur. Elles s’étaient enfoncées à hauteur de pneus dans de la tourbe, certes la propulsion était arrière, mais l’effet de succion était le plus fort. » Le lieu était désert, pas une ferme à l’horizon. Il ne restait plus qu’à descendre les vélos. Je regardais la route sinueuse. Au loin, une silhouette, un homme marchait l’allure tranquille. Il m’évoquait Edouard G. Robinson. Arrivé à ma hauteur, il me salua à peine. Il se dirigea vers l’avant du véhicule, souleva un instant sa casquette, me dit quelques mots auxquels je ne compris rien puis me fit signe de monter au volant et mettre en marche le moteur.
Sans mot dire, il se cala le dos sur l’avant du véhicule, saisit le parechoc. Au cri qu’il poussa, je compris qu’il fallait passer la marche arrière. Je sentis le Combi monter d’un cran, puis les roues-arrières prendre de l’assurance et une minute plus tard il avait retrouvé le bitume de la route. A peine un salut, l’homme repartit toujours dans la même direction comme si il n’était pas venu exprès pour nous. J’ai attrapé une bouteille de vin, courus vers lui, lui baragouina quelques choses, il prit la bouteille, je lui aurais offert de l’eau de javel, il aurait été plus heureux.
« Il y eu aussi, l’Islande et le passage de notre premier gué. Celui-là était large peu profond. A défaut de 4X4, j’avais des cuissardes. Il était urgent de réfléchir. Le lendemain matin nous réfléchissions encore quand un vrai 4X4 arrive. On se précipite dehors, lui fait signe et lui demandons d’attendre le temps de passer le gué. C’est le cœur battant que je le franchissais. Sur de chemin du retour, le niveau d’eau du gué n’avait pas changé, je me lance, dans le rétro, j’eus le temps de voir deux énormes jets de vapeur sortant des prises d’air arrière ». Plus tard on croisera deux cyclistes belges. Ils nous font signe je m’arrête. Ils n’avaient plus rien à manger et je savais la première boutique à près de cent kilomètres. A l’inverse avec une enfant de trois ans, nous ne manquions de rien. Ils sont repartis avec plusieurs jours de provisions, offerts bien entendu.
Une année nous sommes partis cap vers le nord de la Suède début mars. Le hasard et une fin d’hiver clémente nous mena à Mora, la veille du jour où se disputait la plus longue course de ski de fond du monde, la Vasalopett.
Un départ à l’aube où l’on emmène les dizaines de milliers de candidats à 90 kilomètres de là. Puis dans la matinée l’arrivée des athlètes, ensuite les autres arrivées, celles des amateurs rayonnants toujours saluées avec le même enthousiasme que les premiers. La nuit qui tombe et à travers les bois la piste féerique tracés par des bougies allumées pour accompagner les derniers concurrents.
« C’était nos temps scandinaves, avec le fiston, est arrivé un autre véhicule. Tu te souviens de l’âne dans les Pyrénées qui avait rentré sa tête. »
« C’est long 63 ans pour un véhicule, non ? »
« Il était simple, rustre. Pas sûr qu’un véhicule bourré d’électronique aurait résisté à notre passage de gués. »
« Oh là-là, si on avait calé, on aurait fait quoi ? »
Son flat-four résonnera encore longtemps. PHB
Drôle et etonnant ! on en a doublé un cette semaine ! et vert en plus ! époque hippie s’est on dit !
Il est magnifique ton Combi! Une vraie pièce pour un musée de l’aventure…