Sur la fin du parcours scénographique figure une photo noir et blanc datée de 1941. Salvador Dali et Tamara de Lempicka se font face. Une certaine connivence perce dans le regard de ces deux artistes qui se flairent. Il y a peut-être un peu d’amusement chez elle et un peu de crainte chez lui mais la reconnaissance mutuelle prédomine. Le courant qui passe entre eux nous les font croire vivants. Cela se passe à la Pinacothèque, jusqu’au 8 septembre.
La seule faute de goût de cette exposition remarquable sur la baronne polonaise c’est son titre : « Tamara de Lempicka, la reine de l’art déco ». On dirait une enseigne de brocanteur ou de restauration rapide. Mais ce serait dommage de faire un blocage dessus.
Car pour le reste, rien à dire, c’est bien. Quelques mètres après la photo susmentionnée, est accrochée une peinture représentant une chambre d’hôtel. Elle est datée de 1951. Tamara de Lempicka a alors autour de 60 ans. Cette œuvre est intéressante en plus d’être réussie puisqu’elle est sans femme nue, provocante ou suggestive, pour altérer le jugement. Elle n’exprime que le talent réel de peintre qu’était celui de Tamara de Lempicka.
Pour autant, son fonds de commerce habituel fonctionne et plaît toujours. Comme sculptées dans un cubisme de bon aloi, c’est à dire répondant à un impératif de séduction, de décoration et mâtiné de transgression, les femmes peintes par Tamara de Lempicka captivent. Elles ont le regard lointain ou chargé de dédain. Le contexte est raffiné quoiqu’un peu froid. Elles révèlent également l’homosexualité assumée de l’auteur. D’autre part et quel que soit le sujet, l’artiste manifeste un certain talent pour la restitution de la lumière au point que l’on pourrait croire à un rétro-éclairage, un peu comme des autochromes.
A sa (bonne) technique s’ajoutait une stratégie. Dès le départ elle avait décrété qu’elle ne copierait personne, qu’elle inventerait et cultiverait un style propre. Tout le monde de nos jours reconnaît son style à vingt pas, dont l’un des emblèmes est son autoportrait dans la Bugatti verte, parfait résumé de ce personnage excentrique qui possédait dit-on une Renault jaune.
De même que la peinture qu’elle réalise pour faire la couverture du magazine « Die Dame » et qui illustre bien le chic et l’élégance des vacances à la neige, à Saint-Moritz en l’occurrence. En plus d’imprimer sa marque, le deuxième volet de sa stratégie consistait à viser les portraits de gens connus ou qui comptaient d’une manière ou d’une autre, de façon à faciliter sa carrière. En témoigne notamment la toile représentant Arlette Boucard (des laboratoires), exécutée en 1928.
Deux films (pas plus sauf erreur) nous permettent de la voir pour de vrai et de tâter à distance de son mode vie qui se voulait à la marge (chic) de la bourgeoisie trop sage. On la voit à une terrasse, sans doute de Montparnasse, échanger cigarettes et sourires avec un jeune homme très bien mis. Elle était là dans son élément, au faîte de sa carrière, sans songer encore qu’un jour ses cendres seraient dispersées par sa fille au sommet d’un volcan mexicain, du haut d’un hélicoptère loué pour l’occasion.
PS : Cette exposition est précédée d’une autre, dans le bâtiment de la place de la Madeleine, dévolue à l’art nouveau, celui qui a précédé l’art déco. Ici peu de transgression mais cet art (nouveau donc) qui n’avait d’autres règles que de se libérer de tous les autres, mérite le détour.
L’art nouveau fait dans l’ourlé, le sylvestre, le vaporeux, le sensuel et parfois dans le fripon. Paris en conserve de nombreux vestiges comme certains immeubles ou entrées de métro. On en retrouvera plus tard l’influence dans le style psychédélique. Des artistes appartenant à l’art nouveau comme Daum, Majorelle, Guimard et bien d’autres nous ont laissé des références durables. Cette expo-là s’intitule « La révolution décorative ». C’est bien mieux que Tamara, la reine du tarama.
Et pour les passionnés d’Art Nouveau, après Paris, puisque nous voilà à l’époque des ballades estivales (avec le poncho génial !), vous pouvez faire un tour à Bruxelles, une association organise des visites guidées le samedi je crois, qui nous fait découvrir et visiter les maisons, une fois, Art Nouveau. Ensuite ? Un petit saut à Amsterdam. Un guide francophone passionnant organise des visites d’Amsterdam, à partir du musée de la ville d’Amsterdam (super) quasi bénévolement. Je me rappelle, comme unique contribution, nous l’alimentions régulièrement. Et là, miracle il nous a fait découvrir l’Amsterdam secret de l’Art Nouveau, au hasard par exemple un grand hôtel anciennement Hôtel de ville avec son ancienne salle de mariage aux couleurs pastelles et une ancienne salle de réunion en boiserie sculptée (on est toujours dans le style art nouveau) et dans la ville bien d’autres choses encore. (Pour le trouver ? Ben faut chercher. Allez, je vous aide dans la banlieue se trouve un moulin connu des guides de tourisme, il y opère aussi.)