C’est le genre d’ouvrage pas forcément simple à trouver dans la mesure où il n’a été tiré qu’à 300 exemplaires en 1951. Gageons que quelques unités circulent encore, vu l’épaisseur de la couverture susceptible de protéger un cœur d’une balle perdue. C’est un recueil de poésie titré « Visages de la Seine » et il est signé Louise Faure-Favier, femme écrivain tout autant qu’aviatrice.
Un détail précieux aggrave sa rareté car il est dédicacé. « Au cher poète Anne-Marie Oddo, est-il écrit au stylo à bille, en souvenir des heures si agréables et si amicales à la fenêtre d’Apollinaire, en hommage bien affectueux ». Une adresse est ajoutée : 49 quai de Bourbon Ile Saint-Louis.
Guillaume Apollinaire, avec ses amis, a fréquenté souvent l’appartement de l’auteur et particulièrement une des fenêtres, à la toute pointe de l’île Saint-Louis. C’est là que son ami Max Jacob lui a prédit une vie si courte qu’Apollinaire l’a traité de « con ». C’est là que revenu du Front, il prit quelques nouvelles de Marie Laurencin dont il était séparé, car Louise Faure-Favier était une amie commune. Elle tenta notamment de les rapprocher à Villequier, juste avant la guerre. En vain.
Et justement, pour son recueil de poésie sur la Seine, Louise Faure-Favier a fait appel à son amie Marie Laurencin, artiste exposée en ce moment même au musée Marmottan (1). On devine inévitablement le poète au crâne pointu dans plusieurs illustrations dont celle du Pont Marie. Le recueil ne fait que soixante dix pages mais il est saturé de messages privés.
Le dernier poème sert à remercier Marie Laurencin de sa participation et Louise Faure-Favier d’évoquer ces quais de la Seine : « que nous aimions Paris, dit-elle, aux bras d’Apollinaire, c’était une nuit claire, c’était la Nuit des rois, nous chantions tous les trois ».
Curieuse femme que cette Louise Faure-Favier, réputée pour avoir battu plusieurs records de vitesse en avion, en 1919 entre Paris et Dakar et en 1930 sur un aller-retour Paris Bagdad.
La position de son immeuble, en proue de l’Ile Saint-Louis, sans vis-à-vis gênant, devait favoriser les envies de décollage. Un vrai tarmac. Et c’est aussi pourquoi, sans doute, Guillaume Apollinaire aimait méditer près de cette fenêtre qui surplombe la Seine et permet de surveiller facilement la météo.
(1) L’exposition au musée Marmottan.
Merci Louise! On va aller se pencher … sous, cette fenêtre.