« L’une est beige rosé, blême et faussement terne /L’autre illumine d’un coup le spectre du tableau/De la troisième on fait d’écarlates lanternes/La suave tubercule concilie le trio ».
Elles sont trois cucurbitacées dans le légumier. Trois rouquines de la même lignée et pourtant si différentes, de goût comme d’aspect. Le spectre chromatique de leur peau plus ou moins dure va du beige le plus minimaliste au rouge vermillon le plus flamboyant. Admirable composition dont Charles Sterling eût salué la poétique émotion ! Et si, comme fait le peintre, vous clignez plusieurs fois des yeux devant ces quatre mortes qu’offre la Nature, c’est une mer orangée qui vient inonder la rétine.
Fendez à cœur les cucurbitacées et vous vous tombez en extase devant leurs larmes. Des pépins ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait autres. Clairs, luisants, translucides et parfois traversés de filaments carminés tels une chevelure pourpre emmêlée. Le regard peine à se détacher des entrailles de ces primeurs. Inépuisable source d’inspiration comme la fameuse noix du Fou chantant (avant qu’il ne la croque bien sûr !).
Mais passons aux choses sérieuses : un enchantement des prunelles est souvent annonciateur de régal pour les papilles gustatives…
Pour cette recette, il vous faut une courge dite « Butternut » (Douxbeurre), un potimarron de taille moyenne et un quart de potiron. De forme oblongue, à la peau beige et dure, la Butternut à une chair au goût légèrement âcre et une texture qui, mixée, se prête au velouté. Le potimarron a la forme d’une petite poire, la peau comestible et l’arrière goût de la châtaigne. Le potiron a la chair aussi sucrée qu’il a la peau dure, c’est une jolie vache déguisée en fleur. Quant à la patate douce, à la forme torturée et la peau tavelée, sa disgrâce sert de faire-valoir aux trois courges. Un ciment vieux rose riche en vitamines A et C.
Fendez la Butternut en deux et retirez les pépins avec une cuillère à pamplemousse si vous en disposez. Coupez-la en gros morceaux après en avoir retiré la peau à l’aide d’un économe. Faites de même avec le potiron. Fendez le potimarron en deux, puis en quatre et ne retirez que les seuls pépins. Epluchez la patate douce à l’économe et coupez-la en morceaux.
Remplissez d’eau un grand fait-tout, ajoutez y une poignée de gros sel et portez à ébullition. Quand l’eau bout, jetez-y tous les morceaux de légumes.
Les légumes sont cuits quand le couteau transperce leur chair. Sachant qu’il est des qualificatifs usurpés, la patate dite douce et la Douxbeurre sont les végétaux les plus coriaces…
Mixez-les morceaux de légumes avec ce qu’il faut de liquide de cuisson, un peu de noix de muscade (ou de curry) et du lait de coco pour obtenir un velouté de belle couleur. Forcez sur le coco lacté si vous avez besoin de douceur, passez muscade dans le cas contraire !
Mais alors comment les sert-on. Oui je me doute de la réponse, la fourchette me retournera, pointe sèche, mais en compagnie de qui vous inviterez !
Le couteau rajoutera, de toute mon âme j’en dégagerai le cœur de ces six beaux légumes.
Jje me disais que peut-être un bar ou une dorade grillée se partageraient bien le gite et le couvert ? Où bien que des noix de Saint-Jacques, avec un beurre citronné seraient de plaisants invités.
Non ? mm ?
Belles suggestions !
Tout est possible, ou presque. Les trois courges sont accomodantes et la patate douce(ment vérolée) n’a pas allure moins repoussante qu’une gueule de raie…
De qui est le savoureux pastiche des Cent mille milliards de poèmes? Merci pour la réponse… et bravo. C.D.
D’un cerveau tourmenté fait d’un milliard de neurones en forme de pépins reliés entre eux par des filandreux synapses… Suis-je claire ?
Et merci pour le commentaire !