Voilà un moineau complice d’une grave infraction.
En laissant son repas au grand air, composé d’une miche de pain et d’une boîte de filets de maquereaux, un marchand du marché aux livres d’occasion (situé aux abords du parc Georges Brassens, Paris, XVe arrondissement), enfreint la loi. Car il est interdit de nourrir les oiseaux.
A la vérité, lorsque le regard s’arrête sur le panneau signifiant en trois langues cette interdiction (visible dans d’autres lieux), on se pince pour y croire, tout comme si le rire était à son tour proscrit. Il est vrai que trois décrets réglementaires, dont deux ne datent pas d’hier, stipulent cette interdiction. Même avec le style éco-concerné, qui prévaut de nos jours dans la capitale (si vous aimez les oiseaux ne les nourrissez pas), le message est dur à déglutir. Si l’on pense en effet que, probablement depuis que les hommes et les enfants existent, le nourrissage a toujours été un mode de communication aimable à l’égard de la faune.
Mais le panneau explique qu’il ne faut pas les rendre dépendants, que les nourrir est « néfaste pour leur santé », que cela dégrade l’environnement, que cela encourage le regroupement d’oiseaux pouvant favoriser le développement des maladies. Bref que nous leur donnions du pain rassis depuis des années sans nous douter des ravages de notre désinvolture.
Et puis…
Il ne faut pas nourrir les oiseaux
Il ne faut pas encourager la mendicité
Il ne faut pas fumer
Il ne faut pas manger trop gras, trop sucré, trop salé
Il faut bouger 30 minutes car c’est facile (1)
Il faut faire son bilan carbone (2)
Il ne faut pas réchauffer le climat
Il ne faut pas faire tout ce qui est interdit
Il faut faire tout ce qui obligatoire.
André Breton se souvenait avoir vu un bristol accroché à la porte de l’appartement de Guillaume Apollinaire au 202 boulevard Saint-Germain qui disait :
« On est prié de ne pas emmerder le monde »…
(1) Slogan du ministère de la santé
(2) Slogan du ministère de l’écologie