Un vague char de type néo-romain, une jolie femme dénudée au regard tournée vers l’avenir, voilà comment était représenté sur une médaille, l’Automobile club de France. C’était en 1895, le graveur s’appelait Jean-Baptiste Daniel-Dupuis. A l’époque, il était assez convenu de graver des femmes toutes nues pour illustrer un peu tous les thèmes. C’est ce qui saute notamment aux yeux lorsque l’on se confronte à la tout à fait remarquable quoique discrète exposition sur les médailles à la BnF Richelieu.
Ainsi le même graveur, Jean-Baptiste Daniel-Dupuis donc, avait, pour figurer le Club Alpin Français, dessiné au préalable un tout petit alpiniste arrivé presque au faîte d’une montagne et, qui découvre avec une stupeur assez bien rendue, une superbe nana au sommet, à poil comme de juste et tenant dans ses mains 3 branches de rameau. Avec le décalage, c’est surtout l’effet comique qui subsiste, indépendamment de la finesse du travail.
On peut aussi marquer un temps d’arrêt devant cette médaille (ci-contre) frappée en 1920 pour symboliser l’aviation en marche sinon en vol. La poésie qu’elle dégage ne peut qu’interpeller. Bien sûr nous avons encore affaire à une silhouette féminine dégagée de toute contingence vestimentaire, mais le graveur Paul-Marcel Dammann l’a nimbée d’une grâce ailée et l’a en outre accompagné de ce commentaire : «Je toucherai les étoiles». Nous voilà donc touchés au cœur.
Cette exposition baptisée «Au creux de la main» est un régal. Aux trois heures de queue pour voir Hopper, comptez 3 secondes pour y accéder sans billets car en plus elle est gratuite. Les 120 médailles en vitrine livrent un bon aperçu de deux époques, l’Art nouveau et l’Art déco, à travers un engouement daté mais avéré pour le métal bronzé.
Pour s’y amuser, il faut chercher l’anecdote, telle cette main maléfique sortant des flots afin de saisir une frêle embarcation. La médaille est de 1917. Quant à la main, comprenez qu’il s’agit d’un sous-marin allemand. En 1917 c’était sans doute bien vu, en 2012 la caricature est frappante. Mais, c’est entre autres choses, ce type de décalage qui fait tout l’intérêt de cette manifestation.
Avouons nous être déplacés légèrement à reculons avec l’idée d’aller se barber devant l’équivalent d’une collection de timbres et reconnaissons y avoir pris un vif plaisir au prix d’une simple inclinaison du buste car la petitesse des pièces impose de s’en rapprocher. La parenthèse est plaisante pour qui aurait vingt minutes à dépenser en passant dans le quartier de la Bourse. Et le plus fort c’est qu’on en sortirait presque avec une nostalgie des médailles. Ou du moins avec le désir de se voir figé dans le bronze pour l’éternité en compagnie d’une effigie à la folle beauté.
PHB
Merci pour cet article qui incite à sortir un peu de l’ordinaire pour élargir nos connaissances de l’art sous toutes ses formes… A signaler qu’en collaboration avec la BNF , une exposition sur le même thème est actuellement présentée au palais des Beaux Arts de Lille. Comme Philippe, je pensais qu’il s’agissait d’un art mineur… La visite au musée de Lille m’a convaincu du contraire. Et désarmais, je regarderai de plus près ces petites effigies qui tiennent …. au creux de la main.