Couronné par le Grand Prix du Roman de l’Académie Française, « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » de Joël Dicker est un livre attachant et irritant à la fois. Un exquis prurit vous saisit du début jusqu’à la fin de l’ouvrage qui est publié aux Editions de Fallois.
On entre très vite dans le vif de l’intrigue policière. Celle-ci court de la disparition d’une toute jeune fille au nord-est des Etats-Unis à la rédaction d’un best seller sur l’événement, plus de trente ans après. On n’en dira pas davantage pour ménager le suspense. Le roman déborde d’une imagination plus fertile qu’une crue du Nil. L’auteur distille au fil des pages son lot de surprises, de flash-back et de rebondissements, expédiant le lecteur au rythme de son pouls bondissant de New York à Aurora (New Hampshire) et en Alabama. On est séduit par la maîtrise des dialogues dont il fait montre. Ils seraient transposables tels quels dans un script cinématographique.
Dans ce roman, tout tourne autour du livre. Depuis les affres de sa rédaction (l’auteur assimile la panne d’inspiration à la panne de libido) aux angoisses de sa publication. La littérature s’invite jusque dans la construction même de l’ouvrage sous forme de leçons de maître à élève précédant chaque chapitre. L’auteur endosse avec la même aisance l’habit de l’un, puis de l’autre, les petits cours de littérature épousent peu ou prou le contenu de l’épisode qui s’annonce. C’est habile et original. L’enseignement livré omet à nos yeux qu’un seul précepte : écrire un livre suppose du souffle. Pourtant Joël Dicker n’en manque pas, son deuxième ouvrage compte plus de 650 pages !
Le romancier domine les rouages de la justice, de la police et du fonctionnement des institutions américaines. On sourit à l’idée qu’il a, depuis Genève, puisé certaines de ses descriptions dans les images d’une récente affaire de sexe ayant défrayé la chronique de part et d’autre de l’Atlantique… Ce qui ne l’empêche pas de dessiner en filigrane une Amérique puritaine.
C’est le roman de l’excès. Il y a plus d’un livre dans ce livre. L’enquête et son récit cheminent de concert au rythme des retours en arrière, des exigences de l’éditeur, des codes de la presse. L’ouvrage tient de l’inventaire à la Prévert. Les mouettes du New Hampshire ont remplacé les ratons laveurs mais il y a un corbeau (normal, c’est un thriller !) et surtout un geai qui comme il se doit se pare des bonnes feuilles d’un autre plumitif. Littérature, quand tu nous tiens… Supercherie, schizophrénie et boulimie (de suspects) émaillent les investigations menées au pas de charge. L’auteur change de coupable comme on change de chemise. Loin de l’inexorable rigueur de méthode d’une Agatha Christie. Mais peu importe, il nous embarque.
On passe sur quelques invraisemblances et les longueurs du récit, sur les passages inutilement grossiers ou au contraire candidement sentimentaux, sur les allusions pesantes à l’ambition de devenir un écrivain à succès. On excuse, comme l’Académie française l’a elle-même pardonné, les maladresses de style comme ce verbe « disputer » utilisé au transitif à la place de gronder. Le très jeune âge (27 ans) d’un auteur qu’on mise sur la trajectoire de son apogée inspire la mansuétude.
« La vérité sur l’affaire Harry Quebert » offre un dualisme touchant entre maturité et naïveté, entre époustouflante maestria et touchante ingénuité. A travers ce roman couronné 25ème prix Goncourt des Lycéens, l’auteur suisse se met à nu : le héros enquêteur (Marcus Goldman), son mentor objet de poursuites (Harry Quebert) et lui-même pourraient bien ne faire qu’un.
je vais l’acheter ce week end! mais est ce vraiment un commentaire?
Il en est de cette fameuse « affaire » comme du verre à moitié vide ou à moitié plein.
Le mieux est de tâter du breuvage pour s’en faire une opinion : soif épanchée ou soif inassouvie ? J’attends vos avis !