Michel se retint de justesse d’écraser du pied une clé USB qui gisait au pied d’un platane entre deux feuilles mortes. Préparé de longue date à saisir n’importe quel type d’aubaine sous les conjonctures les plus inattendues et susceptible de l’éloigner de sa vie banale -une valise pleine de billets de banque par exemple- il se saisit de l’objet et l’enfouit lestement dans sa poche en se promettant pour plus tard l’examen attentif de ce qu’elle pouvait celer. On ne sait jamais, se disait-il, entre des photos compromettantes de toute nature jusqu’à un plan secret d’état-major pouvant le conduire tout droit dans une aventure riche de mille rebondissements, le spectre des possibles lui semblait des plus larges, du moins tant que le sujet ne serait pas défloré.
Alors que le patron du bistrot lui remplissait son verre de Vouvray sur un zinc fraîchement nettoyé à la serpillière, Michel décréta à voix haute : «la chance n’aime pas la précipitation». Depuis vingt ans qu’il tenait son affaire, le patron avait compris depuis bien longtemps qu’il ne fallait jamais contrarier sa clientèle. Il acquiesça donc avec une formule toute faite qui s’appliquait à tout et retourna à ses mots fléchés car la salle, comme le bar, était déserte.
Très seul dans la vie, Michel tâtait du doigt l’objet en spéculant sans foi sur des hypothèses plus ou moins fantaisistes. Pour tenter une chance qu’il jugeait à son égard contrariante, il se forçait à imaginer un contenu banal allant de photos de vacances jusqu’à des présentations commerciales rébarbatives en format PowerPoint. Et il se disait qu’au pire, il passerait une annonce faisant état de sa découverte. Les clés USB sont comme les parapluies : elles se perdent beaucoup. Sauf à imaginer des parapluies avec embout USB ce qui est quand même assez improbable, il y avait, se disait-il, plus de chances, qu’un certain nombre de gens se précipitassent pour récupérer leurs données stockées que de chercher à retrouver un pébroc à deux sous. Mais, l’idée que sa boîte mails allait être immédiatement encombrée de raseurs auxquels il faudrait répondre, le découragea.
Il aurait aussi bien pu la jeter, cette clé USB. Mais elle représentait le seul accident d’une journée déjà bien entamée et à la morosité adhésive. Aussi, après avoir un peu hésité à s’offrir une deuxième tournée de Vouvray, il annonça au patron son intention de quitter les lieux et fit claquer un peu de monnaie sur le comptoir qui lui renvoya aussitôt un écho plus gai qu’à l’ordinaire.
Une fois grimpé dans sa cambuse dont le décor très simple évoquait une cabine de plaisance, il mit en route son ordinateur, introduisit la broche de la clé dans la prise femelle et attendit que son logiciel anti-virus en inspectât le contenu.
Le bilan de l’analyse s’avéra décevant avec un message lui expliquant que le disque baptisé « No name » était vide de tout fichier. En outre, la capacité interne de ce qui s’appelle intégralement le « Universal Serial Bus » (joli nom pour un vaisseau) pointait à un seul gigaoctet. Le découragement le saisit avec l’idée que s’il s’était agi d’une valise, elle n’aurait pas contenu plus d’une chaussette et que sa vie, décidément, était par des forces invisibles, tenue à l’écart de toute aventure ou mésaventure.
Mais voilà que la nuit venue, endormi sur son siège face à l’écran, le temps s’est arrêté et Michel rêve. Il est assis sur le bord d’un aéronef oblong qui navigue au milieu des étoiles. Il entend comme une sonate de Beethoven sauf que le son du piano s’apparente davantage à celui d’un carillon. Les astres lui font une chorégraphie céleste. Ses deux jambes pendent dans le vide mais il n’est pas plus effrayé que s’il s’était posé sur un banc. Lui est devenu un petit prince stellaire qui fuse comme une comète. Il laisse derrière lui un sillage cosmique fait de mille particules phosphorescentes. Quelle joie.
L’avant de son vaisseau semble doté d’une bouche surmontée de deux yeux luminescents. Cette course paraît sans fin mais c’est un leurre. Une voile blanche faseye devant lui. Il faudrait la ferler sans doute pour qu’elle ne lui bouche plus l’horizon. Quelque chose est à lire soudain, comme un avis ou un avertissement. L’espace disque, format MS-DOS (FAT 32) est annoncé «saturé».
Son choix se résumait désormais à cliquer sur «OK», «ignorer» ou «annuler». En choisissant la première option, Michel constata que derechef, l’espace était vide. Il remit la clé bien au chaud dans la poche de son pantalon et se promit de tenter à nouveau l’expérience en respectant une à une toutes les étapes qui l’avaient conduit à vivre un rêve à la beauté intense. Il sortit donc, traversa la rue, poussa la porte du Mistral et commanda le second Vouvray de la journée.
La suite! polar, autofiction, roman radeau à la Echenoz, on s’en fout, mais la suite svp ! …
Je le dis solennellement , cessons d’ouvrir tous le machins qui traînent. On voit le résultat. François H qui voit son monde s’écrouler, la Corée du Nord qui n’en peut plus, les chinois qui nous en remettent une couche avec leur grippe, le jeu de Ball trap « qui arrivera le premier à dégommer l’euro » qui se poursuit. Mesdames et messieurs saluons Chypre qui a su nous faire progresser vers le chaos, et accueillons la Slovénie . Et dans ce monde où l’on confond un cheval avec une vache, saluons également le bon usage des iles Caïmans qui après 5 ou 6 de crises nous montrent leur vivacité si encourageante à blanchir tout de qui traîne. Vide évidemment qu’elle est vide la clef USB, au fait il n’y a pas écrit quelque part un nom? Pandore? Non ? En grec ancien? Vous ne le lisez pas? Le contraire m’aurait étonné.
J’aime beaucoup…
L’autre clé des songes
Encore, encore !
De Michel ou d’Etienne… A propos, que devient-il ?