Dès l’entrée il y a une vieille table en bois de bureau d’écolier et l’écriture de Victor Hugo. On y lit le mot « Guernesey », l’île anglo-normande où le grand homme était en exil. L’inscription est datée du 16 août 1859. Et à Marine Terrace, sa belle « cabane » d’exil, on y faisait tourner les tables, justement. Avec notamment l’idée d’entrer en contact avec Léopoldine, la fille du poète, morte quelques années auparavant, noyée dans la Seine à Villequier, avec son mari.
Ainsi commence, dans l’émotion, l’exposition vouée aux médiums, dans la maison de Victor Hugo, place des Vosges. Il y a la robe de mariée de Léopoldine, un peu fantomatique justement, et sa tresse fleurie de jeune épousée. Mais la famille Hugo, Victor et son fils Charles, vont se prendre au jeu qui consiste à entrer en contact avec l’au-delà. Enfin, c’est surtout Charles qui s’en charge. Des procès-verbaux des manifestions seront rédigés et sont visibles place des Vosges.
Pour étayer son introduction, l’exposition évoque, « ce que dit la bouche d’ombre ». C’est le dernier des poèmes des Contemplations (rédigées à Guernesey) qui parle un peu de toutes ces choses littéralement spirituelles avec un texte aux formules invincibles du genre « les bonnes actions sont les gonds invisibles de la porte du ciel ». On préfèrera nettement son œuvre graphique, ses si belles encres et ses beaux lavis, à cette versification dépassée de type emphatique (Dieu, de son regard fixe attirant les ténèbres, Voyant vers lui, du fond des cloaques funèbres…). Mais on aime bien Victor Hugo, il fait définitivement partie de la famille. C’est un grand homme et il en faut.
D’ailleurs, Hugo n’est qu’un point de départ de la scénographie sérieuse élaborée par Adeline Caron. L’exposition voit bien plus large puisqu’elle s’intéresse aussi aux productions historiques du spiritisme, depuis 1853 (à Guernesey donc) jusqu’en 1933, à l’époque où André Breton dans la revue Minotaure publie « le Message automatique », c’est-à-dire la pensée sans freins et l’intérêt qu’il y a à la transposer dans l’art puisque débarrassée de ce qui, en quelque sorte, la fausse. Depuis 1922, il s’intéresse avec André Masson et Robert Desnos au monde des médiums. Avec ces trois-là, influences surréalistes et dadaïstes comprises, l’exposition prend évidemment un tour plus intellectuel, mais pas moins intéressant.A côté des œuvres dessinées ou peintes de Desnos ou Masson, on pourra aussi s’intéresser à des auteurs qui ne sont pas dans nos mémoires. Ainsi de cette Hélène Smith qui transcrivait artistiquement ses voyages célestes avec des souvenirs très domestiques comme sa « plante d’ornement martienne » qui laisserait à penser que les Martiens, finalement, sont assez proches de nous et enclenchent, tous les matins, le levier d’un grille-pain au design approchant des nôtres.
Au propre comme au figuré, l’exposition se termine dans une impasse sinon dans un corner avec des représentations médiumniques extraites de « l’art brut », cette si vilaine appellation désignant, des artistes fous, primaires ou simplets et qui, en raison de ces épithètes, laisserait entendre qu’ils sont des artistes au rabais puisqu’ils ne l’ont pas vraiment fait exprès. Et puis comme la sortie de l’expo se confond avec l’entrée, on peut se réjouir de la voir à rebours et ralentir le pas, à nouveau, devant les belles œuvres graphiques d’Hugo dont la dimension spirite est finalement facultative.