Militante et holistique, telle l’a voulue CCB (Carolyn Christov-Bakargiev), sa directrice artistique et telle est dOCUMENTA (13), l’exposition internationale d’art contemporain qui se tient tous les 5 ans à Kassel en Allemagne, pendant 100 jours. Rafraîchissante aussi car suffisamment éloignée des grands noms de ce marché juteux. Ici, on ne vend rien, on hume les tendances. N’empêche, un roboratif frühstück allemand s’impose pour parcourir ce marathon effréné parmi les oeuvres de plus de 150 participants dispersés sur trente sites.
Après avoir piétiné dans la foule dense qui se presse dans les salles closes, on est tout heureux de se dégourdir les jambes aux pieds de l’Orangerie, dans le somptueux parc de Karlsaue. De nombreux projets y sont exposés dont des créations plus légères qui tutoient la dérision. Ouf ça fait du bien de s’éloigner de l’esprit de guérilla-écolo de certains artistes activistes.
dOCUMENTA (13) doit évoquer notre relation unique aux objets, leur histoire souvent agitée et les connotations sans cesse renouvelées qui de ce fait s’y attachent. Nous avons retenu trois artistes dont les réalisations illustrent ce leitmotiv.
Alighiero Boetti, figure marquante de l’Arte Povera, permet de faire le lien avec Kaboul, à l’honneur à dOCUMENTA (13). Cet artiste, mort prématurément en 1994, que l’on a croisé en son temps à la frontière afghane, était un véritable visionnaire. Dès 1960, il a utilisé des matériaux industriels dans ses oeuvres et par la suite, il a collaboré avec d’autres personnes, artistes ou non, à qui il laissait grande liberté pour apporter leur contribution à son travail. Ainsi ses Mappa ou cartes brodées du monde (ci-contre) réalisées pour la plupart à Kaboul, où il a vécu dans les années 70, par des artisanes afghanes. Elles reflètent les changements politiques globaux.
On connaissait l’homme à la tête de chou, le français, Pierre Huygue, nous ravit quant à lui avec sa femme à la tête de ruche, exposée dans le parc de Karlsaue. En détournant une statue classique, dont la tête est devenue une ruche alvéolée, il nous rappelle que l’art c’est la vie et la vie des animaux aussi.
Toujours dans le grand parc, le monde prend une autre dimension et des sons musicaux s’activent quand les visiteurs s’approchent du projet du japonais Shinro Ohtake, Mon chéri : A Self-Portrait as a Scrapped Shed (ou autoportrait en tant que cabane de récup NDLR).
Sa cabane de récup, érigée avec des objets collectés dans le monde entier nous enchante. Mélange subtil d’objets exotiques, ordinaires et artistique, tel son immense scrapbook, son projet «matérialise l’intense complexité de notre psyché moderne». Il nous transporte avant tout dans le monde des rêves et on aime.
Et pour continuer à vivre des expériences insolites, pourquoi ne pas dormir au Jail Hostel. Frissons et cauchemars garantis dans cette ancienne prison pour femmes, transformée ou plutôt remaquillée en hôtel car tout est resté en l’état : lourde porte cadenassée, cellule étroite et sombre, décorée de graffiti art réalisé par les détenues, dont on a conservé les châlits métalliques (on a vérifié, matelas et draps ont été changés depuis leur départ). En été, le petit déjeuner peut se prendre dans la cour entourée de barbelés. Non, non ce n’est pas une oeuvre dOCUMENTA (13), c’est un vrai hôtel.
dOCUMENTA (13) jusqu’au 16 septembre, 20 E la journée.
Où c’est-y que ça c’passe? Kassel , c’est en Allemagne?
L’imprécision a été corrigée, merci cher ami lecteur. PHB