La médiathèque qui dissout les livres

C’est triste à dire, mais la nouvelle médiathèque Marguerite Duras, inaugurée en juin dans le vingtième arrondissement, est réussie. En face du cabaret la Flèche d’Or, sise juste à côté du Mama Shelter, l’hôtel à la mode de la rue de Bagnolet, la médiathèque présente bien. Sobre, l’extérieur ne révèle rien de la justesse de sa configuration intérieure.

La diffusion de la lumière sur plusieurs niveaux est un modèle d’équilibre. Aucune ombre oubliée, aucune luminescence mal réglée, ne viennent gêner les yeux. Partout où le regard se pose, il se repose. L’ouvrage frôle le sans faute. Les aires de travail semblent bien conçues jusque dans les moindres détails. La couleur choisie pour les fauteuils, les fauteuils eux-mêmes, tout invite à faire halte dans ce lieu exemplaire. Le personnel est aimable, on envisagerait presque de s’inquiéter d’un peignoir tellement les aîtres se confondent avec un Spa.
Peut-être enfin est-ce dû à la taille généreuse des volumes intérieurs, mais la question qui gêne assez vite, c’est le peu de place accordée aux livres. Les rayonnages sont là bien sûr mais ils semblent faire de la figuration. C’est vrai qu’il s’agit d’une médiathèque (comprendre poussée numérique multiforme) et que le livre entamerait son déclin selon quelques voix autorisées.

La médiathèque vue de l'extérieur, photo: PHB

Fatalité ? Voire. Lorsque l’on pousse les portes de la médiathèque Marguerite Yourcenar, inaugurée deux ans plus tôt dans le quinzième arrondissement avec là encore ce qu’il convient d’appeler un beau travail architectural, l’impression est bien différente. Le bâtiment n’a pas l’air plus petit que son homologue de la rue de Bagnolet mais les livres imposent leur présence sur les nombreux rayonnages. Peut-être est-ce un trompe l’œil, mais la sensation que l’on y lit est plus forte, en dépit d’un univers numérique (WiFi, DVD, ordinateurs etc…) a priori semblable. Bref Marguerite Yourcenar rassérène quand Marguerite Duras inquiète.
Mais au fond, quoi de meilleur pour le bibliophile, compulsif ou amateur, que la bibliothèque, celle qui porte son nom fièrement et qui ne trompe pas plus qu’un sex-shop sur les services offerts. Ainsi, franchir le seuil de la bibliothèque Charlotte Delbo dans le deuxième arrondissement, à côté de la place des Petits-Pères procure l’émotion des retrouvailles avec les livres. D’accord l’immeuble est vieux (18e) et les pièces sont étroites c’est entendu. Mais les livres sont partout et le personnel n’est même pas grincheux. L’endroit se vante d’entretenir un petit rayonnage d’ouvrages érotiques, quelle charmante intention. Les chaises ne sont pas design mais enfin l’on peut s’y asseoir. L’accès Internet est bien là. Nous sommes dans une bibliothèque municipale qui ne se prend pas pour un « hub » aéroportuaire. Et c’est tant mieux.

Médiathèque Marguerite Duras : 115 rue de Bagnolet Paris 20e. Tel : 01 55 25 49 10
Médiathèque Marguerite Yourcenar : 199 rue Carnot Paris 15e. Tél : 03 20 96 12 44
Bibliothèque Charlotte Delbo : 2 passage des Petits-Pères Paris 2e. Tel : 01 53 29 74 30

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