Le Caravage et Georges de La Tour en force à Montpellier

Le conservateur du Musée Fabre de Montpellier peut être fier, d’avoir réuni entre autres œuvres majeures, neuf Caravage et sept Georges de La Tour pour son exposition «Corps et Ombres». Il a en effet fallu à Michel Hilaire sept années de patience pour négocier des prêts de toiles inestimables auprès des plus grands musées du monde, dont la Galerie des Offices de Florence pour le «Sacrifice d’Isaac». Et le résultat fait que le Musée Fabre peut légitimement s’enorgueillir d’abriter l’une des expositions phares de l’été.

La première journée d’ouverture, le samedi 23 juin, était miraculeuse. L’événement largement annoncé avait découragé la foule et, en début d’après-midi, aucune attente aux caisses n’était à déplorer. Nul doute que des files d’attentes importantes vont progressivement se former jusqu’à l’extérieur du musée pour cette scénographie magistrale sur le Caravagisme qui va durer jusqu’au 14 octobre.

«L’extase de Saint-François», arrachée au Musée de Hartford (Etats-Unis), vient captiver le regard des visiteurs dès l’entrée de la première salle. Cette salle en guise de vestibule présente la réunion importante mais fatalement incomplète des œuvres de ce peintre rebelle, jouisseur et scandaleux, tombé dans l’oubli après sa mort brutale en 1610 et redécouvert au 20e siècle. «L’extase de Saint-François» situe d’emblée le niveau de virtuosité de son auteur et le visiteur n’oubliera pas au passage de s’attarder sur l’arrière-plan habité  et particulièrement  ténébreux de cette toile à l’avant-scène pour le moins éclatante. C’est ce qui fait partie de la marque de fabrique de cet homme, autrement appelé Michelangelo Merisi, pour lequel les témoignages directs sur sa vie sont inexistants et qui laissera quelque 80 toiles derrière lui.

La suite de l’exposition est consacrée aux artistes qui peu ou prou se sont inscrits dans le sillage de son inspiration technique avec notamment, une remarquable peinture de Diego Velasquez à ses débuts. Ce spectre d’influence de Caravage sur ses pairs selon les experts, constitue le gros de l’exposition avec des scènes sanglantes de décapitation en série, pour ne pas dire en pagaille, de Goliath à Saint-Jean Baptiste en passant par le corps de Saint-Jérôme (ou Saint-Sébastien) truffé de flèches et attendant Sainte-Irène à la rescousse. On finit par chercher mais en vain l’infirmerie. Tout cela est, quoiqu’il en soit assez fort, pour faire la démonstration de la continuité d’un style dans un genre donné. Le propos de l’exposition est tenu sans être, loin s’en faut, ténu.

Osons dire que le clou de cette manifestation d’envergure se situe à la fin, avec le rassemblement dans une pièce étroite, de sept œuvres de Georges de La Tour (1593-1652). Cette pièce exiguë peut-être considérée comme une chapelle de gloire pour ce parfait génie qu’était de la Tour. Quel enchantement. Quel plaisir de s’y attarder. Qu’il est rare d’être ébloui à ce point. Nous voilà devant cette pièce maîtresse du «Nouveau né», cette «Madeleine à la flamme fumante» cédée au début des années soixante par une française résistante de 85 ans au Musée de Los Angeles ou encore cette célébrissime «tricheuse à l’as de carreau».

Peu importe que le rapport entre le Caravage et de La Tour ne soit pas évident à établir. Les sept toiles présentes sont un événement dans l’événement. Un point commun incontestable pour ces deux artistes, est qu’ils ont été victimes de la même amnésie collective jusqu’au début du 20e siècle. On ne compte que quarante toiles du peintre lorrain toutes aussi extraordinaires les unes que les autres. Elle se trouvent parfois dans les musées prestigieux de grandes métropoles, dans des villes moyennes comme Rennes ou Nantes ou dans des enceintes tout à fait modestes comme les musées municipaux de Bergues (Nord) ou de Meaux (Seine et Marne). Chaque toile de Georges de La Tour est un choc hautement recommandable à éprouver.

Et c’est, répétons-le, au musée Fabre de Montpellier jusqu’au 23 octobre.

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Une réponse à Le Caravage et Georges de La Tour en force à Montpellier

  1. Bruno Sillard dit :

    Querelleur, subversif, provocateur, Le Caravage avait toutes les raisons de mourir, que ce soit à cause de lui ou par sa peinture. Cette dernière aurait gardé la préséance pour le tuer.
    On a retrouvé dans ses os de fortes doses de plomb, le plomb que l’on utilisait dans les composants des peintures. Ce que l’on appelle le saturnisme, Saturne dévorant ses enfants…? Mais ça c’est du Goya.

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