Rome n’est plus dans Rome, elle est là où mes pas me mènent, dans une librairie à feuilleter des bandes dessinées par exemple, à moins que ce ne soit au fond de mes souvenirs. Il me revient souvent en mémoire ces balades qui m’ont porté dans les rues de Pompéi. Je revois les graffitis sur les façades, ces inscriptions que je ne peux traduire. J’imagine ces textes, parfois électoraux, parfois de simples annonces, l’âme perdue de tout un peuple.
J’ai découvert un jour que certains de ces graffitis évoquaient comme une transcription du langage parlé. Les «taggeurs» de l’époque sachant à peine écrire nous ont ainsi légué le «son» de la langue latine … Il ne m’en faut pas beaucoup plus pour imaginer que sous les voûtes précieuses de la Chapelle Sixtine, quand les cardinaux sont réunis pour élire leur Pape, ils le font avec l’accent gouailleur d’un gars des rues de Pompéi.
Thermae Romae. Mari Yamazaki/Tomes I et II/Casterman (rayon Manga)
Rosa, rosa, rosam…Les cancres modernes seraient-ils ravis, si on leurs donnait à potasser l’Empire romain à travers les aventures thermales de Lucius, un citoyen des années 130, dans une bande dessinée japonaise, un Manga fraîchement arrivé dans les gondoles françaises, Thermae Romae ?
Mari Yamazaki, l’auteur, une Japonaise (mariée à un Italien est-il précisé, et vivant à Chicago est-il rajouté) imagine les voyages d’un architecte romain spécialisé dans les thermes. Il lui suffit d’aller faire trempette dans une piscine, pour mettre le pied dans une faille spatio-temporelle. Ciel mes Dieux ! et le voilà qui se retrouve, dans une autre piscine, nipponne cette fois, et moderne en plus, d’où il ramènera une idée, à chaque fois tellement géniale, qu’au fil des épisodes, Lucius deviendra le maître des arts du thermalisme. Il faut dire qu’à chaque fois, il se réveille, réexpédié miraculeusement chez lui, à Rome, entouré de ses potes qui le croient une nouvelle fois noyé. Bref, il devrait se faire interdire de bain, sauf que, dans sa besace, enfin façon de parler vu qu’il se balade plutôt dénudé, il ramène à chaque fois une trace tangible de son voyage comme par exemple une bouteille d’une boisson énergisante.
Dans un autre épisode, il découvre l’idée de transposer les bains avec vue sur le Fuji Yama en thermes de plein air avec vue sur le Vésuve. (Pas forcément idiot, les Romains contrairement aux Grecs anciens ne se préoccupaient guère du cadre dans lequel ils édifiaient leurs monuments). C’est aussi l’idée d’une salle de bain avec baignoire, voir même celle d’un toboggan de piscine… ben voyons !
Avec tout cela, on ne sait pas bien où l’on va, mais on se laisse embarquer, de droite à gauche comme tout Manga qui se respecte. Il reste qu’à la fin de chaque chapitre, une double page d’un texte pédagogique nous éclaire sous l’angle historique de la vie quotidienne des uns et des autres, ce qui surtout nous sauve de pas mal des incohérences de la BD.
Et il faut le dire le dessin est soigné et ça marche, les cinq premiers opus se sont vendus à cinq millions d’exemplaires. A savoir avec quel bonheur, Lucius restera faire trempette chez nous?
Murena/Jean Dufaux et Philippe Delaby/Huit volumes/Dargaud
Quo Vadis ? Pour ne pas rester dans cette Rome qui par la magie de l’espace temps, tiendrait son passé du futur de l’Empire du soleil levant, je vous emmène dans la Rome de Murena, celle aussi de Néron, Claude, Britannicus, Poppée, la Rome sanglante où les familles princières se déchirent, où les cirques rugissent des cris de la foule, les hurlements des gladiateurs ou du râle des fauves, la Rome dévorée par les flammes aussi.
L’auteur, Jean Dufaux se réclame d’Alexandre Dumas, il le peut ; le dessin de Philippe Delaby force l’admiration, on ne lit pas une histoire qui se passe dans Rome, on y est transporté. Huit tomes passionnants et passionnés que l’on suit derrière Lucius Murena dont on se dit qu’il a sûrement du exister lui aussi, huit tomes regroupés en deux cycles, celui de la mère et celui de l’épouse ainsi qu’un hors série publié par la revue Histoire, gage comme s’il en fallait du sérieux de l’entreprise.
Les voyages d’Alix/Jacques Martin/Pompéi (2 tomes), Rome (2 tomes), 31 volumes.
Casterman
Je me souviens des rues de Pompéi. Les échoppes dont je me demandais pourquoi les jarres n’étaient pas remplies d’olives ou pourquoi sur le comptoir ne trouvait-on pas de ce pain en forme de brioche ? Je me souviens de ces maisons dont les pièces étaient peintes de rouge ou de noir, des mosaïques du sol aussi que le touriste piétine sans vergogne. Je me souviens des thermes avec cet extraordinaire double-plancher où circulait la vapeur d’eau. Je pense à cette salle où reposent deux moulages, celui de deux corps dont on distingue encore le drapé de leurs tuniques, ils étouffent, je les entends. Dans mes mains deux livres sur Pompéi, on pourrait croire que ce sont des BD. Il n’en est rien. Leur auteur, aujourd’hui décédé, Jacques Martin, le père des Alix, avait entrepris un vaste travail de reconstitution des grands monuments de l’Antiquité, un moment baptisé les Voyages d’Orion, cette série fut ensuite rebaptisée les Voyages d’Alix.
Ce fut un vrai plaisir d’y retrouver, page après page les rues de la ville redessinées, vivantes. Plus tard Alix me guidera dans le Forum de Rome, pourtant très en ruine. Au-delà même de Rome, de Louxor à Mycènes, de Delphes à Olympie, chaque planche livrait le mystère perdu de tous ces monuments qui défilaient devant moi. Dommage que cette série n’ai été cantonnée qu’au rayon bandes dessinées où malgré ses 31 volumes, elle se fait rare aujourd’hui. D’ailleurs ayant donné tout les Voyages d’Alix au gré des miens, le seul que j’ai trouvé en librairie était sur les Mayas. Mais tous les chemins mènent à Rome…