Elles dormaient au fond de la mer Baltique entre le début et le milieu du 19e siècle. Un bateau qui coule et c’est 162 bouteilles de Champagne (datées entre 1841 et 1850) qui gisaient là, à 48 mètres de profondeur, au milieu d’un archipel situé entre la Suède et la Finlande. Une température constante, un jeu de pressions favorable et l’on estime que 79 d’entre elles sont non seulement buvables mais excellentes. Elles seront progressivement dispersées aux enchères par la maison Artcurial Briest-Poulain F.Tajan, et la prochaine vente a lieu le 8 juin à Marieham la capitale des îles Aland.
Voici la note de l’expert relative au lot numéro 10 : «Le bouchon a sauté à l’ouverture de la bouteille. Couleur fantastique. Légère fizzinness. Haute élégance. La bouteille a eu une légère fuite avant d’être rebouchée, mais n’a pas été abîmée». Son estimation, entre 10.000 et 15.000 euros peut nous conduire à sacrifier une partie de l’argent mis de côté pour les études des enfants. Un prix plancher qui peut être facilement dépassé. L’une des deux bouteilles mises en vente l’année dernière a été adjugée 30.000 euros.
L’expert Richard Juhlin a laissé pour l’occasion libre cours à un certain enthousiasme: «Les bouteilles trouvées au fond de la mer dans la Baltique près des îles Åland sont la preuve que le Champagne possède des qualités indéniables pour vieillir en beauté. Aucun autre vin n’aurait pu survivre dans ces conditions et développer de tels arômes. J’ai eu l’occasion de déguster des champagnes plus élégants et plus frais, mais ici la concentration aromatique est très impressionnante, son intensité est la plus puissante que j’ai goûté à ce jour et d’une persistance incroyablement longue.»
L’ambiance Rackham le Rouge fait rêver. C’est durant l’été 2010 qu’un certain Anders Näsman et son équipe de plongeurs ont fait cette découverte sortant de l’ordinaire. Le nom de l’épave et sa destination précise sont à ce jour, toujours inconnus. Anders Näsman raconte sa rencontre avec la goélette commerciale, «avec sa cargaison, une cuisinière en briques intacte». Et de préciser que «c’est seulement à la fin de la plongée que nous avons regardé plus au fond du bateau, à l’emplacement initial de la poupe effondrée». La découverte des fameuses bouteilles, immobilisées sous une pression idéale de 5 bars, se fit alors, pour la grande satisfaction du gouvernement des îles Aland qui en devenait propriétaire. Une aubaine pour la notoriété toute relative des 6.500 îles de l’archipel des Aland, une des six régions de la Finlande.
Pour le débouchage et le rebouchage il a été fait appel à un bouchonnier du Portugal afin de créer des bouchons à la bonne taille. A noter que ce sont les bouchons de Madame Clicquot qui se sont révélés les plus résistants aux années. Bizarre par ailleurs qu’un ayant-droit avec le bon de commande soigneusement conservé de son aïeul n’ait pas encore fait valoir sa priorité. Qu’importe, on adore cette histoire et rêver à la «jolie couleur» du lot A14 (Veuve Clicquot Ponsardin ) au bouquet comportant des traces de citron vert et à l’ensemble comparé à un «Chardonnay riche». A l’abordage mille sabords.
La mémoire du vin… J’ai le souvenir d’un vieux vigneron me racontait l’année 47 de la floraison en juin à la vendange 100 jours après. C’était devant un coteau du Layon qu’il me faisait déguster.
J’ai le souvenir du poème de Trenet que l’on pourrait transposer d’une noix à une bouteille.
Une noix / Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix ? / Qu’est-ce qu’on y voit ? / Quand elle est fermée / On y voit mille soleils / Tous à tes yeux bleus pareils / On y voit briller la mer / Et dans l’espace d’un éclair / Un voilier noir / Qui chavire /On y voit les écoliers / Qui dévorent leurs tabliers (…)
Une noix / Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix ? / Qu’est-ce qu’on y voit ? / Quand elle est ouverte / On n’a pas le temps d’y voir / On la croque et puis bonsoir.
Belle évocation de cette chanson de Charles Trénet dont j’adore la poésie… et la chute !