Gleizes et Metzinger à la bonne adresse

Le Musée de la Poste (l’Adresse) a eu l’excellente idée de concevoir une exposition autour d’Albert Gleizes (1881/1953) et Jean Metzinger (1883/1956), peintres qui comptent parmi les précurseurs du cubisme. Le premier est autodidacte, le second a fait des études d’art, ils sont tout à la fois proches par l’amitié et le cubisme, genre à propos duquel ils écriront un ouvrage référent, quelque temps avant celui de Guillaume Apollinaire.

Réinventer les règles de l’expression graphique notamment par la mise à l’écart des règles classiques sur la perspective est une des bases cubisme mais déjà une méthode dont s’affranchiront plus tard des artistes comme Mondrian. Le cubisme était un état d’esprit, une volonté respiratoire de modernité que l’on trouvera aussi dans la poésie ou la musique. L’expression artistique au sens large voyait ses possibilités artistiques démultipliées et cette démultiplication se ressent encore aujourd’hui dans les œuvres contemporaines. En cela, il n’est pas inconvenant de parler d’univers en expansion et d’évoquer un deuxième big bang si l’on veut bien considérer l’art pariétal comme le premier.

Jean Metzinger, Femme en bleu, huile sur toile, 1919, 92 x 65 cm. Collection privée © photo Jean Bernard

Cette exposition qui s’intitule en l’occurrence  «Du cubisme et après» a le gros mérite de s’écarter des sentiers battus et de s’intéresser à une époque merveilleuse de créativité où l’on pouvait croiser en outre des gens aussi essentiels que Braque, Picasso, Juan Gris, Marius de Zayas (1), Picabia, Delaunay et beaucoup, beaucoup d’autres. Guillaume Apollinaire fait partie de ces personnages heureusement cités par l’exposition. C’était une évidence tant l’écrivain et poète a été l’un des protagonistes de ce mouvement majeur qu’est le cubisme. A ce titre la revue Les Soirées de Paris dont il était le co-fondateur a été intégrée à la scénographie.

De cette méthode cubiste qui consiste à varier les plans et désaxer les perspectives, Albert Gleizes et Jean Metzinger en ont usé et abusé. Dès lors que l’on tenait la méthode, on pouvait en tirer un portrait, un paysage, un instrument de musique et désarticuler ainsi différents sujets dans un univers cubiste reconnaissable à vingt pas. Identifiables également, sont les traces de l’influence de Cézanne dans certaines œuvres exposées, Cézanne apprécié d’Apollinaire et ordinairement reconnu pour avoir posé les premiers jalons dans ce domaine.

Albert Gleizes, Femmes assises devant une fenêtre, 1914, huile sur carton, 70 x 104.5 cm. Collection privée Solange Landau/New York © photo maison de vente Aguttes

Les acteurs de cette époque ont disparu en même temps que les derniers poilus dont ils étaient peu ou prou les contemporains. L’exposition qui vient de démarrer, a ce grand mérite de nous transporter dans cette époque. Chaque toile, dessin ou relique nous irradie encore, la magie fonctionne toujours et c’est bien ainsi qu’il faut vivre cette exposition. Comme le parcours est une boucle et que la sortie rejoint l’entrée (trop tôt) la légère perturbation que l’on ressent alors démontre que les deux peintres, de part et d’autre, vous ont jeté un charme.

(1)  Formidable artiste publié en son temps par Les Soirées de Paris et dont on souhaite avec ardeur une exposition monographique.

PS: Figure également dans une pièce à part un poème d’Apollinaire paru dans Calligrammes et qui contient cette phrase fétiche « Et je fume le tabac de Zone« .

Les Soirées de Paris à l'honneur. Exposition Gleizes/Metzinger. Photo: PHB

Du Cubisme et après…du 9 mai au 22 septembre 2012.

L’Adresse, 34 bd de Vaugirard Paris 15e

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Apollinaire, Exposition. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Gleizes et Metzinger à la bonne adresse

  1. Bruno Philip dit :

    Marius de Zayas indeed

  2. Ping : Apollinaire dans la lentille d’un microscope | Les Soirées de Paris

  3. Catherine Bouche-Frémiot dit :

    dommage que j’aie loupé cette expo! les 3 repro de l’article donnent envie d’en voir plus… mais il y a peut-être eu un catalogue de cette expo… Je vais enquêter. Merci bcp… Maintenant que je suis une fidèle des Soirées de Paris grâce à mon ami Gérard Goutierre, je ne loupe aucun de vos articles. Quel régal!

  4. Ravary dit :

    Et vlan! Le peintre cubiste Serge Ferat( Jastrebzoff ,) qui sous le pseudonyme jean Cerusse )!c est pourtant lui le propriétaire en 1913 -14 et co-directeur artistique avec Guillaume Apollinaire
    la revue littéraire précédemment devient sur sa volonte d ‘avant -garde et vitrine remarquée du cubisme « les Soirées de Paris  » le rôle majeur de Serge Ferat (en 9 no )dans la reconnaissance du cubisme est encore ignore.
    . Pour ceux qui souhaitent découvrir cet artiste singulier pourtant incontournable laisse pourtant le plus souvent ,injustement a l ‘écart .
    Découvrir son œuvre singuliere et son rôle majeur dans la présentation et la reconnaissance des premieres publications en image des œuvres cubistes
    De ses amis Picasso Braque Léger Archipenko Matisse ,Rousseau ….la liste est longue
    Decouvrir aux Éditions Conti
    « Serge Ferat un cubiste russe à Paris  »
    Par Jeanine Warnod Publié en 2010
    À la lumière des révélations basées sur les archives du « fonds Ferat  »
    On ne peut plus dire « on ne savait pas « ! Sans avoir besoin d ‘un microscope dans les « soirées de Paris  » le portrait double Apollinaire -Ferat apparaît en evidence à partir de 1912 a 1914 et jusqu ‘a la mort du poète
    L ‘enchanteur bien – aime dans la vie bien apres encore dans la mémoire de Serge Ferat beaucoup ignorent encore que
    C est encore a Serge Ferat que l ‘on doit le concept et la réalisation du tombeau en granit (frais compris) ou repose le poète au Cimetiere du Père – Lachaise ou viennent se recueillir chaque année tous les Apollinariens du monde entier chaque 9 nov
    Si lui – même est reste discret et n à jamais souhaite par noblesse de cœur mis en avant ses actions majeures et généreuses, ce n est pas une raison pour faire semblant de l ignorer ou ne pas lui en avoir de la reconnaissance .
    Madelir

Les commentaires sont fermés.