Au Moyen Age, les terres cultivables étaient couvertes de vignes, certains médecins recommandaient l’ivresse une à deux fois par mois, on donnait à boire aux femmes qui venaient d’accoucher et, plus globalement, dès le matin, on buvait beaucoup. Le vin au Moyen Age s’expose jusqu’en novembre à la Tour Jean Sans Peur, étonnant édifice du 2e arrondissement construit au tout début du XVe siècle et que peu de monde connaît.
En l’occurrence les organisateurs auraient pu la rebaptiser le temps de l’exposition la Tour Boit sans Soif puisqu’il n’y est question que de vin, de vin et de vin. A cette époque les vignerons allaient travailler en banlieue tous les matins et l’on parlait bien de banlieue d’après le latin médiéval «bannileuga» c’est à dire à environ une lieue de la cité.
Les hommes se sont toujours trouvé maints prétextes pour planter de la vigne et boire du vin mais depuis l’époque carolingienne la nécessité de produire du vin de messe constituait un alibi en or et l’exposition nous apprend qu’il pouvait arriver à certains prélats zélés de tituber en célébrant l’Eucharistie.
Dans cette salle étroite de la Tour Jean Sans Peur dont une partie des partie des murs n’est autre qu’un bout restant de la muraille dressée par Philippe Auguste, il y a plus à lire qu’à voir et rien à boire. Mais c’est très bien fait et l’on ressort tout gris d’avoir appris. Ainsi le tonneau où l’on conserve le vin serait une invention des gaulois, de même qu’il fallait boire le bras le long du corps car «lever le coude» était une faute de goût.
S’il on a toujours trouvé de bonnes raisons pour se servir un hanap de vin de Suresnes ou plus tard une coupe de Champagne, les occasions sont rares en revanche d’aller voir cette Tour Jean Sans Peur, miraculeusement épargnée par le Baron Haussmann lors du percement de la rue Etienne Marcel. Elle a été achevée en 1411 et sa construction avait été décidée par Jean Sans Peur, Duc de Bourgogne, afin d’accentuer avec cette extension, la protection de sa résidence parisienne.
Si son fantôme de nos jours arrivait à survivre sur les trottoirs parisiens, au milieu des paysans, hobereaux et autre bourgeois qui « checkent » leurs mails sans regarder devant eux, il trouverait sa tour drôlement intacte avec la satisfaction toujours confirmée d’avoir à l’époque sélectionné les meilleurs artisans. Il pourrait même éprouver une sensation réconfortante en constatant que les latrines déjà modernes, parce que notamment chauffées, sont toujours là. Et il pourrait soupirer d’aise au milieu de la chambre princière, bien reconstituée, au point qu’elle invite à poser les valises sans prévoir de travaux de rafraîchissement immédiats comme l’argumentent de nos jours les agents immobiliers.
Les Parisiens de souche ou de passage ont donc jusqu’au 11 novembre pour puiser à partir des lignes ci-dessus un bon argument de déplacement au 20 rue Etienne Marcel. Si l’heure le permet, ce ne sont pas les bistrots qui manquent alentour pour célébrer cette belle reprise de contact avec de si vieux aïeux.
La Tour Jean Sans Peur est ouverte du mercredi au dimanche de 13h30 à 18h.
Il me revient à l’esprit une terrible guerre qui commença aux vendanges justement et qui fit je crois 14.000 morts. Rabelais nous la conta. Que Philippe me pardonne, je ne peux résister à vous donner le début des guerres picrocholines, vous précipiterez pour en savoir la fin.
Durant la saison des vendanges, au commencement de l’automne, les bergers de la contrée gardaient les vignes et empêchaient les étourneaux de manger les raisins. Dans le même temps, les fouaciers de Lerné passent le grand carrefour, portant dix ou douze charges de fouaces à la ville. Les bergers en question leur demandent poliment de leur en donner pour leur argent, au cours du marché. Car c’est un régal céleste, notez-le, que de manger au déjeuner des raisins avec de la fouace fraîche, surtout des pineaux, des sauvignons, des muscadets, de la bicane ou des foireux pour ceux qui sont constipés, car ils les font aller long comme une pique, et souvent, pensant péter, ils se conchient : on les appelle, pour cette raison, les penseurs des vendanges.
Les fouaciers ne condescendent nullement à satisfaire leur demande et, ce qui est pire, les insultent gravement en les traitant de trop babillards, de brèche-dents, de jolis rouquins, de mauvais plaisants, de chie-en-lit, de croquants,
de faux jetons, de fainéants, de goinfres, de gueulards, de vantards, de vauriens, de rustres, de casse-pieds, de piqueassiette, de matamores, de fines braguettes, de mordants, de tire-flemme, de malotrus, de lourdauds, de nigauds, de marauds, de corniauds, de farceurs, de claque-dents, de bouviers d’étrons, de bergers de merde, et autres épithètes diffamatoires de même farine. Ils ajoutent qu’ils ne sont pas dignes de manger de ces belles fouaces et qu’ils devront se contenter de gros pain bis et de tourte. ( A suivre !)
Quel come back pour une Tour fantôme ! Merci Philippe et merci Bruno pour le gustatif. Pour l’olfactif, on pense à Patrick Suskind…