L’Huîtrière en tronçons gourmands

Elle approche de ses 90 ans et c’est une institution lilloise. Les réguliers du TGV Paris-Lille le devinent, «elle» c’est L’Huîtrière, un restaurant du vieux quartier de la métropole du Nord tellement connu, que nul n’a besoin de GPS pour s’y rendre. La boussole est installée au fond de l’estomac des habitués. Avec ses prix très parisiens, il était bien normal que Les Soirées de Paris s’y déplacent…sans regrets.

L’addition de 136 euros pour deux ne comportant pas le détail de ce que nous avons consommé, c’est bien aimablement, afin qu’on s’en souvienne, que le maître d’hôtel a rédigé à la main les deux étapes commandées de notre déjeuner. Etapes en effet, car les mises en bouche sont arrivées sans préavis comme Mary Poppins en déléguée du Saint-Esprit. C’est toujours agréable lorsque l’on a décidé de se passer d’entrées.

Alors «le tronçon de sole meunière aux asperges et au parmesan» était une réussite à l’œil comme aux papilles. D’autant qu’à 19 ans passés, l’âge de ma convive, on regarde toujours avec méfiance tout ce qui s’écarte de la sandwicherie Macdo ou Subway. L’intégralité de la sole, la totalité des asperges et la croûte de parmesan (parfumée peut-être à l’oseille ou aux épinards) qui barrait l’ensemble comme une épée de légende ont disparu par le pertuis d’un œsophage qui palpitait d’enthousiasme.

Quant à la «nage de noix de Saint-Jacques et coquillages du moment» elle m’a fait songer à une piscine de délices que je me suis surpris à saucer jusqu’aux plus fines limites d’une éducation qui normalement réprouve ce genre de faiblesse. Façon de préciser au passage que le boulanger qui fournit la maison s’applique à ne pas déshonorer la réputation de l’Huîtrière. Traduction : le pain est bon.

Il est loisible d’affirmer par la suite que le «gâteau aux chocolats noir et lait sur un fin sablé breton» est allé sans façons rejoindre le tronçon de sole. Il avait l’air entouré de petits fruits rouges mais nous avons fait une erreur d’appréciation que le serveur s’est empressé de corriger : il s’agissait de grains de tapioca teintés à la grenadine. Nous avons ri de notre méprise, comme deux personnages proustiens, la serviette blanche fichée sur les lèvres pour éviter les débords.

Le deuxième dessert connotait local en s’intitulant «chicorée, genièvre et spéculoos comme un tiramisu». Je me doutais que cela devait être bon et je n’ai pas été déçu. Comblé non, il ne faut rien exagérer, mais son exécution à plusieurs étages adoucissait par effet de diversion la perspective de l’addition.

Avec un seul verre de Pouilly parfaitement à la hauteur, deux demi-bouteilles d’eau et un café, les 136 euros sont passés aussi facilement qu’un nuage innocent dans un ciel très bleu.

Juste un petit bémol peut-être, pour les deux parisiens distingués que nous prétendions être, le «y’a pas d’soucis» lâché par un des serveurs qui s’occupait de nous. On finira par en mourir de cette scie, tronçonnés comme des soles.

Pour le reste, la table comme le service valaient un 18 sur 20. En écrivant18 je pensais 19 mais je pondère à la baisse comme les instituts de sondages. Car un échantillon représentatif de deux gourmets c’est sûrement un peu court pour rendre un avis universel.

Desserts supplémentaires offerts par la maison. Photo: Les Soirées de Paris.

A L’Huitrière, le site web.

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4 réponses à L’Huîtrière en tronçons gourmands

  1. de FOS dit :

    Quel plaisir à lire et imaginer ce réjouissant partage. Il y a tout, couleurs, saveurs et même le bruitage !

  2. Agathe dit :

    La convive habituée des mcdos&subways a très apprécié le repas! Sans oublier le serveur tout rouge qui m’a arraché la bouteille des mains sans raison apparente… Un très bon repas et un très bon accueil quand même!

  3. Marie dit :

    A l’heure d’un moins que McDo avalé devant l’ordi, apparaît l’idée du repas délicieux à lire et dont on se réjouit postérieurement pour les convives. (Mais à quoi bon se chagriner d’un tic de langage ?)

  4. Witt dit :

    En tout cas, ça donne vraiment envie….

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