Avec « Beauté animale », c’est une exposition pour tous âges, tous niveaux de culture et tous centres d’intérêt que propose le Grand Palais jusqu’au 16 juillet. L’animal y est représenté pour lui-même, en dehors de toute présence humaine. Les chefs d’œuvres exposés – plus d’une centaine de dessins, peintures, sculptures de la Renaissance à nos jours – marient avec habileté savoirs encyclopédiques, expressions artistiques et sensibilités.
Hyperréalistes, nombre d’entre eux alimentèrent les cabinets de curiosités. Il en est pourtant qui consacrent l’erreur, tel ce rhinocéros de Dürer gravé sur bois (1515). N’ayant jamais vu l’animal, l’artiste lui dessina une licorne sur le dos…
Passons en revue cette animalerie en commençant… par le commencement. Donc par l’arche de Noé doublement représentée. L’huile sur toile « Noé remerciant Dieu d’avoir sauvé la création » (1620) s’affranchit de la perspective mais fait apparaître (en bas à droite) un dodo, oiseau mauricien aujourd’hui disparu pour avoir été incapable de se reproduire. Que les enfants se rassurent, ils reverront ce sympathique animal en poursuivant l’exposition.
Dû à Jan Brueghel de Velours, le second tableau, « Entrée dans l’arche », illustre l’embarquement des couples d’animaux. A voir certains se disputer, on peut douter qu’ils se reproduisent une fois le déluge terminé…
Tous les animaux ou presque ont leur place dans l’exposition. Il y a toutefois peu de poissons (normal, Noé n’avait pas à s’en préoccuper) excepté une raie séchée assez peu ragoûtante, la truite hameçonnée de Courbet (guère plus appétissante) et deux phoques échoués sur le rivage… au pied d’un clocher d’église. Les observateurs affutés auront trouvé l’erreur : le peintre s’est inspiré de l’étal du poissonnier ! Le bestiaire va de l’animal familier (vache, âne, cheval…) au sauvage (autruche, lion, dromadaire…), en passant par ceux de compagnie (chien, chat), ceux en voie d’extinction (orang-outan, ours). De quoi débattre en famille de l’avenir de la biodiversité.
Mais revenons sur les œuvres qui nous ont particulièrement séduits. D’abord, ces petits bronzes de Degas décomposant l’allure du cheval, (le plus noble des animaux selon Buffon. Des scanners révèleront que l’artiste s’aidait d’un bouchon de liège pour faire tenir la tête du cheval. A voir aussi la très belle gravure qui décompose la locomotion du chat, félin paré de tous les vices (après l’antiquité égyptienne) avant d’être célébré par Baudelaire. Pour en finir avec l’expression du mouvement, admirez l’étonnante sculpture suspendue représentant un vol de goéland : 10 mouvements d’ailes différents !
La fantaisie a aussi sa place dans le bestiaire. On reste en arrêt devant la fine silhouette de la vache de Calder toute en fil de fer, le chat étiré de Giacometti (photo n°10) réduit à sa plus simple expression, le caniche en bois toiletté-barété que Jeff Koons s’est amusé à transformer en précieuse ridicule, la chauve-souris en suspension de César (1954). Faute de moyens financiers, le sculpteur se fournissait chez les ferrailleurs. César et les ferrailleurs… Ce qui nous vaut un mammifère (eh oui !) chichement mais harmonieusement déchiqueté.
Saluons aussi la précision quasi photographique des dessins de moutons (au stylo à bille) d’Henri Moore. Arrêtons-nous devant cette aquarelle de flamand rouge grandeur nature (l’espèce a depuis perdu son écarlate). Ne le dites surtout pas aux enfants, il paraît qu’Audubon observait longuement ces échassiers avant de les tuer et de les transpercer d’un fil de fer pour les reproduire à l’échelle. Science sans conscience… Nul besoin de tels procédés barbares pour réaliser des œuvres d’un hyperréalisme saisissant comme cette huile représentant une tête de bœuf à lunettes (regard pénétrant, dents jaunes et truffe mouillée) ou ce cheval effrayé par l’orage dont on observe outre l’œil affolé l’imperceptible mouvement de recul des membres antérieurs…
Il arrive qu’on ait deux animaux pour le prix d’un. Ainsi ce tigre dévorant un gavial (crocodile), un bronze tiré du plâtre qui rendit Barye célèbre au Salon de 1831. Observez les muscles et les pattes du fauve, notez sur le socle l’ombre projetée des dents acérées du reptile, la puissance de sa queue, le détail de ses écailles. Et aussi ce bronze magnifique du lion écrasant un serpent dû au même sculpteur. Le lion, dit-on, symbolisait Louis Philippe écrasant la révolution populaire (l’image est réversible). Impossible de faire l’impasse sur la girafe ! Offerte en 1826 à Charles X par le sultan d’Egypte et inaccessible aux moyens de transport, elle voyagea depuis Marseille jusqu’à la capitale à pied, la tête couverte quand il pleuvait. La « girafomanie » n’a jamais cessé depuis. Est-il aujourd’hui un nourrisson qui ne se soit pas fait les dents sur « Sophie la girafe » ?
Admirez le génie de Rembrandt Bugatti (frère du constructeur automobile) : son lévrier et sa panthère en plâtre, ses alpagas et son éléphant en bronze, l’effigie miniaturisée du pachyderme servant de bouchon aux radiateurs des modèles royaux de la gamme.
Après ses deux adorables petits bronzes en marbre noir qu’on se retient de caresser, une tête d’orang-outan et un hippopotame, Pompon nous offre en cadeau d’avertissement son ours blanc géant, copie en plâtre de l’original en marbre blanc. Il figure en fin d’exposition aux côtés du magnifique tableau géant de Gilles Aillaud illustrant avec mesure l’enfermement de cette espèce en voie d’extinction pour cause de réchauffement climatique. On vous l’a dit, c’est là une exposition à voir et à discuter en famille pendant les vacances scolaires…
très interessante présentation de l’expo, pour l’avoir vue !
très interessante présentation de l’expo, pour l’avoir vue !