En offrant le premier étage à l’artiste chinois Ai Weiwei et le rez-de-chaussée à la photographe américaine Berenice Abbott, le Musée du Jeu de Paume n’a pas vraiment rendu service au premier car la comparaison (il s’agit de photographies dans les deux cas) est cruelle. Mais les visiteurs de Weiwei semblent plus nombreux.
Berenice Abbott, comment dire, c’est ce genre d’expositions desquelles on ressort le cœur allégé d’avoir vu du beau travail. Qu’il s’agisse de ses portraits, de ses photos montrant l’évolution de la ville de New York ou encore de ses clichés scientifiques pris dans les années cinquante pour le compte du Massachusetts Institute of Technology, celle qui fut notamment la collaboratrice de Man Ray à Paris, déclenche l’admiration, force le respect. Quant à la perfection des tirages, sa constance fait office de signature. Chacune de ses photographies est une sorte d’accomplissement.
Qu’il soit permis d’avoir une légère préférence pour le travail documentaire qu’elle effectue dans les années trente sur la ville de New York grâce à un soutien fédéral. La vue qu’elle réalise du pont de Triborough est emblématique de son talent particulier. Le cadrage, l’angle, la lumière, servent de façon extraordinaire l’objectif documentaire. Le résultat procure en outre une émotion esthétique que l’on garde encore à l’esprit au sortir du musée. Sa photo de Wall Street ou encore celle de New York la nuit, sont remarquables. En cherchant à capter «la disparition de l’instant», elle restitue finalement la vie.
Bien sûr il y a aussi ses portraits (Marie Laurencin, Cocteau…) et ses photos prises lors de ses pérégrinations dans le sud des Etats-Unis qui sont deux des quatre principaux volets de l’exécution. Son talent dans ce seul domaine la place dans le peloton des meilleurs sans se détacher vraiment.
Mais son traité si particulier, mêlant pureté et esthétique que l’on retrouve encore de façon flagrante dans ses photos relevant de la science et de la physique, la distingue. Sa balle de golf rebondissant, le rendu de ses «interférences», tout en répondant là aussi à l’objectif, débouchent finalement sur de l’art abstrait, tandis que l’ambiance intime de ses photos d’ampoules saisit le regard et le cajole de ses nuances douces et lumineuses.
Née en 1898 aux Etats-Unis, elle est décédée en 1991. Gageons qu’elle aurait pu être tentée, au moyen d’un retardateur, de photographier la disparition de ses derniers instants.
Alors n’est-ce pas, à l’étage du dessus, le plus vaste espace a été réservé à l’artiste Ai Weiwei. Après Berenice Abott, il est possible de ressentir comme un certain dépit esthétique. Bon, il y a ce gimmick qui consiste à saisir des perspectives tout en pointant un doigt d’honneur dans l’axe de l’objectif. Bizarre que l’on ait choisi une photo de la tour Eiffel avec le doigt vers l’horizon pour faire la couverture du prospectus distribué à l’entrée. On dirait une photo postée par un ado sur Facebook.
Toutefois, cet homme un temps emprisonné par les autorités de Pékin est un courageux promoteur de l’individualisme et défenseur de la liberté d’expression dans son pays. Libéré sous caution il est interdit de sortie du territoire. Il n’est pas seulement un photographe ou sculpteur mais aussi un intellectuel émetteur. On le présente en effet comme «activiste», «blogueur», «twitterer», «sismographe des sujets d’actualité et des problèmes de société». Sa démarche accompagne ses réalisations. Elle y est même consubstantielle. En savoir plus avec sa fiche Wikipédia.
Les deux expositions jusqu’au 29 avril au Musée du Jeu de Paume.
Stop, une minute, oui je vous parle.
J’ai une tête à parler à mon ordinateur ?
Ne coupez pas tout de suite, retournez à la photo.
Mais non, pas le Chinois ; on l’aime bien le Chinois, il se bat pour des idées mais il manque d’idées côté Tour Eiffel. Non retournez voir « le pont de Triborough ». Elle est sublime cette photo, genre de l’hyperréalisme américain, genre une photo à partir dedans.
Quoi ?
Non j’y connais rien.
Quoi ?
Je ne dis rien de plus que Philippe ?
Bon, je me tais, je la regarde.
Hum vous pouvez vous pousser… Euh, un peu quoi.
Je suis restée plus d’une heure avec Miss Abbott et 5 mn avec Mister Weiwei..Le documentaire projeté dans l’expo sur B.Abbott est vraiment bien fait! Merci encore aux « Soirées de Paris ».
Dernier jour de l’expo, je suis allée voir Ai Weiwei, par devoir mais sans grande conviction, et le tour fut rapide comme attendu. Et puis je suis descendue voir l’expo de Bénérice Abbott, alors du coup je dis un grand Xiéxié à Ai Weiwei pour m’avoir permis indirectement de ne pas rater ce merveilleux moment.
Si jamais quelqu’un sait me dire où voir la fin du documentaire sur B. Abbott que je n’ai pu voir du fait de la fermeture de l’expo, je suis preneuse.