Ah, le Sud ! Même le soleil a l’accent qui chante. Ca tombe bien, Bonne mère, Philippe Caubère est un astre brillant de la comédie ! En témoigne son nouveau spectacle créé cet été au Théâtre des Carmes à Avignon, «Urgent crier !», et présenté en ce moment à la Maison de la Poésie à Paris. Le Théâtre des Carmes, comme une évidence, le spectacle constituant un vibrant hommage au fondateur des lieux, André Benedetto, disparu en juillet 2009. «Urgent crier !» est un assemblage de textes de ce pionnier du festival off. Philippe Caubère y est assisté par moments d’une guitare et de projections vidéos. Le comédien ne joue pas André Benedetto, il EST André Benedetto ! C’est une leçon de théâtre, dans l’univers singulier de la la bête (de scène).
Avoir le bonheur de voir Philippe Caubère sur scène (je l’avais eu déjà il y a quelques années pour un épisode de son marathon autobiographique «L’homme qui danse»), c’est passer sous hypnose, l’homme est ici possédé par son personnage, se permettant quelques heureuses sorties de route maîtrisées pour interpeller le public ou recevoir l’aide d’une souffleuse. Il est dans toute sa force «l’acteur méditerranéen, debout face au Mistral».
Quel meilleur allié me direz-vous qu’un Marseillais pour porter si haut l’étendard qu’un autre Marseillais ? D’autant que l’auteur et le comédien convoquent sur scène toute une équipe, faites gaffe c’est mieux que l’Olympique de Marseille à Paris ! Qu’on en juge, on croise au gré de ces déclamations militantes les fantômes d’Antonin Artaud ou de Jean Vilar, de Paul Préboist ou de Louis de Funès, de Raimu ou de Gérard Philippe. Tous ont vu le jour en bord de mer, de Cannes à Sète. Sauf un. Qui a certes par la suite remué ciel et terre pour obtenir la naturalisation tropézienne (en tant que gendarme, pour ceux qui ne suivent pas).
En fait de déclamations militantes, le texte nous ramène au fondement du théâtre qu’est le partage, par le biais d’une «poésie révolutionnaire» selon Philippe Caubère dans le document de présentation (où Claude Guerre, le directeur de la Maison de la Poésie, évoque avec beaucoup d’émotion l’auteur et le spectacle). L’art est «un service public, comme l’eau, le gaz et l’électricité» nous (r)assure André Benedetto dans une vidéo projetée en fond de scène. «L’imagination n’a pas pris le pouvoir mais on est contents quand même» soupire encore l’auteur au lendemain des «événements» de mai 68 à Avignon. Philippe Caubère, pour qui la création de ce spectacle s’est imposée à la disparation de son frère d’armes, redonne force à cette imagination sur la scène de la Maison de la Poésie. Quel bel écrin que cette Maison, Passage Molière, pour ce spectacle en effet poétique, d’une poésie décalée, si politique et contemporaine. Philippe Caubère, qui FUT Molière à l’écran pour Ariane Mnouchkine, est ici chez lui.