Avec son œuvre lumineuse, Chan Yue Hin partage son émerveillement de la nature

L’art souriant du photographe et sculpteur, Chan Yue Hin, raisonne comme une poésie à la musicalité pétillante. Une irrésistible joie de vivre, rafraîchissante et réconfortante, transpire de la plupart de ses œuvres. Sans doute reflètent-elles l’allégresse de l’artiste lorsqu’il est plongé tout entier dans son élément, la nature, sa source d’inspiration première. « J’ai besoin d’espace. Quatre choses sont très importantes pour moi, les beaux-arts, la nature, la verdure et la tranquillité », confie-t-il. Naturellement, au lieu de vivre en ville, Chan Yue Hin a pris ses quartiers dans le village de Lam Tsuen, au cœur de la campagne bucolique de Tai Po (Nouveaux Territoires). C’est ici, loin des gratte-ciels, qu’il s’est installé après avoir vécu vingt ans en France, diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans les années 70. Son atelier se situe dans le parc de sa maison ancestrale, havre de paix fleuri en toute saison, qu’il a lui-même agencé avec une délicate harmonie. Propice à la rêverie créative, ce refuge fait également office de musée intimiste. Chaleureux, l’artiste hongkongais qui parle le Français couramment, est ravi d’introduire à son univers enchanteur les visiteurs en quête de respiration, à l’écart du tumulte urbain.

Rompant avec ses habitudes, Chan Yue Hin s’est toutefois rendu dans le quartier vibrant de Wan Chai au Hong Kong Arts Centre en novembre (2024), à l’occasion de sa première exposition auprès du public du Port au Parfum, appelée « Flânerie dans la nature » (en Cantonais, « hàahn gūn » signifiant « Voir en flânant »). Offrant un aperçu du travail prolifique de l’artiste durant les trois années de la pandémie de Covid-19, celle-ci a révélé 80 pièces de sa riche collection. Le flâneur citadin a pu y contempler des photographies lumineuses soulignant l’esthétique de la faune et de la flore de l’homme en symbiose avec la nature qui l’entoure, des sculptures en bois expressives aux formes surgissant du vivant, ainsi que des compositions pittoresques conçues à partir de coquillages, de céladons de Longquan, de céramiques antiques.

L’une des photographies maîtresses interpelle, celle d’un mur rugueux longtemps travaillé par l’humidité tropicale, aux reflets argentés et piqué de pigments ambrés. Au premier coup d’œil, le spectateur a l’impression que la petite plante gracieuse, qui jaillit miraculeusement de la roche d’antan, est reliée par un filet d’eau à un galet brillant. Poli par des flots, son cœur est couleur rubis, serti de raies blanches et mordorées. En s’approchant, l’observateur reconnaît une pierre de Nanjing, appelée aussi pierre de fleur de pluie. Lisant l’intitulé de l’épreuve, ‘Les mémoires de la pierre », il comprend que cette mise en scène se réfère au roman de Cao Xueqín du même titre, plutôt connu en France sous le nom du « Rêve dans le pavillon rouge ». « Il s’agit de l’œuvre littéraire chinoise classique la plus remarquable », estime le photographe à l’esprit imaginatif. La pierre fleur de pluie évoque le roc que le héros de la saga, Jia Jade Magique, incarnait dans une vie intérieure avant de le porter à son cou. La jolie plante, quant à elle, représente l’incarnation de l’amour (impossible) de ce dernier, Lin Jade sombre.

Le compositeur s’amuse à tisser des liens entre les éléments qu’il pioche dans la nature et des références culturelles tant chinoises qu’occidentales. Il ne se prive d’ailleurs pas de lancer quelques clins d’œil espiègles à la culture française. Un exemple en est la sculpture du profil, bordé de rouge, d’une tête de coq à l’iris bleu entouré de blanc. D’autres représentations animales captivent, un éléphant au dos d’oiseau, une chouette épousant une silhouette de Philautus (la grenouille de Hong Kong) dès lors qu’elle est regardée de biais. Celles-ci sont en bois de camphre, tandis que le serpent doré du jardin d’Éden, qui apparaît dans plusieurs œuvres, est en bois d’olivier. « J’affectionne ce bois solide, au parfum doux, qui me rappelle la France. Un bel olivier grandissait dans mon jardin. Malheureusement, il a été déraciné par le typhon dévastateur de 2018. Depuis, j’utilise ses branches pour mes créations », explique le Hongkongais attaché à l’Hexagone, où il voyage une à deux fois par an. Un autre élément récurrent de son œuvre est la pomme (en camphre) « symbole de la connaissance », teinte en rouge « pour l’esthétique. J’aime les couleurs du fauvisme, vives, intenses de Matisse », précise-t-il.

Son goût pour l’intensité se retrouve dans le bleu profond appliqué en arrière-plan de ses compositions pour peindre l’immensité de la mer et du ciel. Ce bleu outremer est d’une telle puissance qu’il semble chasser la pluie que l’artiste représente avec des pierres de fleur de pluie, suivant les lignes du caractère chinois 雨 (signifiant pluie). « La pluie, l’eau du ciel, provient des nuages. Cependant, derrière eux, le beau temps demeure »,  constate Chan Yue Hin. Une manière simple et poétique de transmettre un message optimiste.

Edwige Murguet à Hong Kong

Visiter l’atelier de Chan Yue Hin : Contact : +852 9179 8983
Photos: ©Edwige Murguet
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