L’Imperial War Museum, illustre musée qui raconte les guerres de l’Empire Britannique, nous révèle l’œuvre du photographe londonien, Don McCullin. Au-delà de ses photos de guerre en noir et blanc qui documentent les conflits les plus terribles de ces 50 dernières années, c’est un homme que cette exposition très justement intitulée « shaped by war” nous fait découvrir. Un homme qui voulait voir la guerre, un homme meurtri par ses horreurs.
C’est chronologiquement que l’exposition dévoile le travail de Don McCullin : ses premières photos, prises dans le quartier populaire de Finsbury Park où il a grandi, racontent son voisinage, sa jeunesse et ses – mauvaises – fréquentations soldées par la publication de son premier reportage dans The Observer sur le gang de jeunes du quartier : The Guv’nors. La porte du photojournalisme lui est grande ouverte. Et il enchaîne les commandes pour The Observer et plus tard The Sunday Times. C’est très vite vers la guerre que ses Nikons et ses picture editors l’entraînent. Des guerres, comme celle du Vietnam, dont il ne reviendra jamais comme avant.
I was slightly insane. “Je sais que je commençais à perdre la raison dans l’hélicoptère qui me ramenait à Da Nang mais j’avais 28 films d’images incroyablement fortes”, peut-on lire au-dessus de ses tirages de la guerre du Vietnam. Et on ne peut que constater : il y a ce soldat américain, centré dans un paysage de cendres et de fumée, il est de dos et lance une grenade dans ce qui ressemble à une riposte. Et Don McCullin ne fuit pas, il est là à moins de deux mètres du soldat, avec pour seules armes, ses 3 Nikon. Il photographie aussi le visage mort d’un combattant vietcong : la seule photo (ci-contre) qu’il avoue avoir mise en scène. Après que les soldats aient dépouillé le cadavre pour s’emparer de souvenirs, Don McCullin a disposé devant le visage mort ce qui restait des possessions de cet homme : des cigarettes, des lettres et de petites photos d’identité.
Plus loin, dans une petite salle obscure, une interview de Don McCullin nous permet de découvrir l’intimité de cet homme aujourd’hui âgé de 76 ans. Dans son intérieur, propre et ordonné, dont les murs sont dénués de toute photo, il raconte comment la guerre à affecté sa santé mentale puis sa vie. L’expression “I was slightly insane” (j’avais un peu perdu la raison) revient constamment dans ses propos. Mais on ne veut pas aller jusqu’au bout de l’interview, pas maintenant, il reste trop d’images à voir : Du Biafra à l’Irlande du Nord en passant par Chypre, Beyrouth et le Salvador, les photos de Don McCullin sont non seulement accompagnées de ses propres citations mais aussi de ses précieuses possessions : ses fameux reflex Nikon, ses passeports, cartes de presse et autres laisser-passer (ci-dessous).
Dans les années 80, ses clashes avec le Sunday Times dont il déplore la nouvelle ligne éditoriale trop commerciale sont aussi documentés. Il se fait licencier du prestigieux magazine, remet en question son travail de photographe et traverse une période sentimentale et familiale perturbée. Puis, dans la dernière salle de l’exposition, l’oeil s’apaise devant des portraits et des paysages. On entre dans une nouvelle phase du travail de Don McCullin. L’homme blessé par la guerre a enfin trouvé la paix et s’est réconcilié avec la photographie en immortalisant des ruines et des paysages anglais.
Don McCullin à l’Imperial War Museum jusqu’au 15/04/2012.