Un brin de détente

La tension artérielle se mesure. On pourrait même dire qu’a contrario, l’appareil en question évalue aussi la détente, mais pas vraiment. Il faut que la tension ne soit ni trop haute ni trop basse, finement située entre la systole et la diastole, les deux principaux états du cœur en action. Il convient de n’être ni hyper ni hypotendu, ce qui n’est pas évident par les temps qui courent. D’autant que l’actualité n’est pas la seule en cause dans la régulation de notre métabolisme artériel. La tension est un vaste monde, concrétisé par la pression exercée d’un élément sur un autre, matière ou anti-matière, c’est pareil. Dans le vide absolu la situation est désignée comme ultra-calme mais la tension alentour, menaçante, ne peut être ignorée du sage s’y étant réfugié. Au fond, la tension est davantage un bien qu’un mal. Sartre disait en substance qu’elle était la preuve même d’un sentiment. Il suffirait en théorie de se coller deux fils de cuivre dans les narines pour allumer une ampoule, et prouver de la sorte un état de tension. Quant à Albert Camus, au panthéon des grands cerveaux, il considérait qu’être tendu était nécessaire au travail, afin d’éviter la distraction.

C’est ainsi, par distraction justement, que l’on se trouve à pousser les portes du musée de l’Histoire de la médecine à Paris, à la fois pour se distraire et se détendre. Situé rue de l’École de médecine, le lieu est bien calme, il appartient au passé et l’on n’y croise nulle blouse blanche entre deux plateaux techniques, ni des expressions de type « merde il fibrille » de celles qui faisaient la joie des téléspectateurs lors de la diffusion d’une ancienne série télévisée bien connue sous le nom de « Urgences ».

Ce musée invite donc à laisser les petits soucis dehors. Les bustes des grands maîtres de la médecine, un peu sévères sur les bords, sont d’ailleurs là pour nous y inciter. Et avant même de pousser les portes du musée au deuxième étage, une toile de Jules Adler (1865-1952) ne manque pas d’interpeller le visiteur. Bien qu’elle soit fixée trop haut, on arrive quand même à discerner une légende expliquant à quoi un groupe de scientifiques dûment cravatés, s’occupent au chevet d’une jeune femme semblant inconsciente: ils lui transfusent du sang de chèvre. D’ailleurs, on voit l’animal juste derrière, la tension logiquement dans les sabots et le regard vaseux, relié par un tube à la patiente. Au 17e siècle, l’expérience de ce type avait eu lieu avec un agneau en spéculant que le calme de l’animal passerait aussi avec les globules, ce qui était considéré comme un bon risque.

En tout cas les vitrines de cette maison, sont l’occasion de quelques surprises. Comme la trousse ayant servi à autopsier Napoléon et qui nous arrondit la bouche d’étonnement. Mais plus généralement l’Histoire ici présente, nous enseigne que l’internat existait aussi chez les Gaulois. Ils avaient même la réputation de bien s’y connaître sur le terrain oculaire, en témoigne un bel ex voto de l’époque. Les couteaux à amputation du Moyen Âge nous révèlent par ailleurs que durant cette opération redoutée des chochottes, on anesthésiait déjà les malheureux avec de l’opium et de la jusquiame. L’instrument pour extraire les flèches existait bel et bien et voisine sans aucun rapport, avec un verre à mirer l’urine afin de détecter d’éventuels indices gênants. La notice prévient que les spécialistes d’alors, étaient appelés des mireurs et des miresses.

Charmant endroit, c’est une façon de parler bien sûr. Car l’appareil percuteur que l’on enfilait dans l’urètre d’un homme gêné par un calcul rénal, ne donne guère envie de s’y soumettre. Mais il y a ici de toute évidence l’expression d’un génie visant de tout temps, à comprendre et concevoir des systèmes pour soulager les humains de leurs maux. Les spécialistes de la préhistoire savent bien que c’est un des signes qui détermine la différence entre le primate et la branche civilisée dont nous venons: la capacité à fixer un os brisé afin qu’il se ressoude.

On a dit que les ophtalmos pouvaient tout détecter dans le regard d’un patient. La tension bien sûr, mais aussi les états d’âme et jusqu’à l’échéance d’un contrôle fiscal. C’est pourquoi sur ce dernier point, ils n’hésitaient pas à se consulter entre eux. Car prévenir, c’est guérir.

PHB

Musée d’Histoire de la Médecine, 12 rue de l’École de Médecine, 75006 Paris

 

Photo: ©PHB

 

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