Un nom et un prénom, ceux d’un comédien. Ce n’est pas l’essentiel sans doute, mais voilà ce que votre serviteur retiendra égoïstement avant tout de l’impeccable Roméo et Juliette sur lequel le rideau vient de tomber après plus d’un mois de représentation en ouverture de la saison du Théâtre de l’Odéon (avant une longue tournée de novembre à mai).
Matthieu Dessertine, c’est de lui dont il s’agit, est comme possédé par son personnage, celui du Montaigu épris d’une Capulet jusqu’à ne plus pouvoir vivre sans elle, jusqu’à mourir avec elle. Jeunes amants, ils ne sont que les « pauvres sacrifiés sur l’autel de nos guerres” comme le regrette finalement les patriarches.
Roméo et Juliette, couple majeur de l’histoire du théâtre, tragédie véronaise de William Shakespeare dont Olivier Py a repris la traduction. Un apéritif pour le boulimique directeur du Théâtre de l’Odéon, qui s’est aussi attelé à la mise en scène. Il nous offre trois heures de course-poursuite contre la mort, trois heures qui passent si vite (tout est relatif) hors quelques minutes inutilement répétitives de mime sexuel grivois.
Tout est noir, hors la robe blanche de Juliette, il n’y a pas d’issue possible, la nuit règne sans partage. Les décors de palissades ne cessent de glisser sur roulettes d’un bout à l’autre de l’immense plateau.
Acteurs impuissants de ce dramatique conte de fées, tous les comédiens font merveille. Il y a surtout les vieux briscards Mireille Herbstmeyer et Philippe Girard, remaquables, les voir sur scène est toujours comme recevoir une belle leçon. Dans les bras de Roméo (un fougueux poulain déjà dompté par Olivier Py dans les Enfants de Saturne), en Juliette désespérée, Camille Cobbi (qui a elle aussi comme son amant usé les planches du Conservatoire, quelle école !) tient son rang sans crever l’écran comme Monsieur le directeur l’avait promis à l’occasion de la présentation de la saison. Juliette a beau assurer que la perfection de Roméo ne porte pas de nom, signifiant que peu importe que leurs deux familles soient les pires rivales puisque voilà un couple qui s’aime à la folie, cette fois, sur la scène de l’Odéon, la perfection de Roméo porte bien un nom. Et un prénom.
Piège du théâtre. Je pensais que Roméo mourait à la fin de la pièce. Je viens pourtant à l’instant de croiser Matthieu Dessertine dans la rue. A moins que ce ne soit un ange, l’ange de Roméo. Nous avons causé pourtant. La tournée passe par Strasbourg ces jours-ci.