Arthur Rimbaud n’habite plus à l’adresse indiquée

À Charleville, il n’est plus possible de déposer un courrier à l’attention d’Arthur Rimbaud dans la boîte aux lettres spécialement installée à l’entrée du cimetière où repose le poète. En 2023, une tempête a eu raison de ce précieux équipement qui, depuis 2005, recueillait les nombreuses missives envoyées par ses admirateurs: aveux intimes, confidences, témoignages de gratitude, petits poèmes… On s’adresse à Rimbaud comme à un frère. À l’entrée de ce cimetière de l’avenue Charles Boutet, un panneau informe les « pèlerins »: « Dans l’attente d’une nouvelle création, nous invitons les visiteurs à laisser leur courrier à Arthur dans la boîte aux lettres du gardien où il sera précieusement gardé ».
L’installation d’une nouvelle boîte est prévue. Le nouvel équipement, pour lequel la municipalité a lancé un appel à projet, devra être une création originale tout en respectant les normes fixées par La Poste, notamment pour ses dimensions.  On pourra donc toujours écrire au plus révolté des poètes, mais en se conformant à la réglementation.

En attendant, tous les moyens sont bons aux admirateurs pour témoigner leur attachement au poète ardennais sur le lieu même où il repose. C’est à Marseille, le 10 novembre 1891 que Jean-Arthur Rimbaud, 37 ans,  parvint à « la fin de son aventure terrestre », comme l‘indique une plaque à l’hôpital marseillais de La Conception. La dépouille fut transférée à Charleville (qui n’était pas encore Charleville-Mézières) quelques jours plus tard, pour être inhumée dans la tombe familiale à côté de sa sœur Vitalie, décédée de tuberculose seize ans plus tôt, à l’âge de 17 ans. Aujourd’hui, on trouve sur la tombe familiale bouquets de fleurs fraîches ou sauvages, fragments d’ardoises ou de pierres, petits mots, poèmes et autres documents témoignant de l’extraordinaire actualité de l’œuvre de l’écrivain.

Comme le musée Rimbaud, installé dans un ancien moulin le long de la Meuse, le cimetière fait obligatoirement partie du voyage de mémoire. Le circuit devra impérativement se poursuivre par le hameau de Roche, à une quarantaine de kilomètres, où se trouvait la ferme familiale de Mme Rimbaud mère. Cette belle campagne un peu isolée fut une lieu important d’inspiration pour l’adolescent qui y conçut « Une Saison en enfer », seul recueil qu’il fit imprimer, à ses frais, à Bruxelles. De la ferme originelle, dynamitée par les Allemands en 1918, il ne reste qu’un pan de mur, mais la nouvelle construction est encore dans l’esprit de la fin du XIXe siècle. C’est aujourd’hui la propriété de la rockeuse américaine Patti Smith dont on connaît la passion inconditionnelle pour l’écrivain. Un monument et une plaque rappellent les séjours d’Arthur: « Sur ce lieu, Rimbaud a espéré, désespéré et souffert », peut-on lire sur la plaque.

À quelques kilomètres, la gare de Voncq est un lieu particulièrement chargé d’émotion, tant le thème du départ est primordial chez Rimbaud. Si la ligne et la gare ne sont plus aujourd’hui en service, il reste les rails envahis d’herbes folles, et il ne faut pas se forcer outre mesure pour y imaginer la silhouette de Rimbaud toujours en quête d’aubes nouvelles. C’est notamment de cette gare qu’il partit rejoindre Verlaine en 1873, c’est de là aussi qu’en 1891, amputé et malade, accompagné de sa sœur Isabelle, il s’embarqua à nouveau pour Marseille, pour ce qui devait être son dernier voyage.

Nombreux sont aujourd’hui les amateurs qui font le détour par Charleville-Mézières, uniquement pour tenter de percer les secrets d’une existence et d’une œuvre qui continuent de fasciner. Les écrivains ne sont pas en reste. Dans une liste pléthorique, on s’intéressera à un autre Ardennais très proche de Rimbaud, puisque natif d’Attigny à quelques kilomètres du hameau de Roche: André Dhôtel (1900-1991),  auteur de plus 70 ouvrages dont « Le pays ou l’on n’arrive jamais », prix Femina en 1955. Depuis plusieurs années, une vaillante association (1) œuvre pour une meilleure connaissance  de cet écrivain important admiré de personnalités littéraires telles que Jerôme Garcin, Philippe Delerm ou Christian Bobin.

André Dhôtel vouait lui-même une grand passion pour Arthur Rimbaud sur lequel il publia plusieurs ouvrages dont une excellente biographie.

Gérard Goutierre

(1) La Route Inconnue, association des amis d’André Dhôtel
Photos: ©Gérard Goutierre
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5 réponses à Arthur Rimbaud n’habite plus à l’adresse indiquée

  1. Annie T dit :

    André Dhotel a écrit « Le Pays où l’on n’arrive jamais ».
    L’erreur n’est-elle pas intentionnelle ? Une petite dose de malice dans la vénération rimbaldienne ?

    • Gérard H. Goutierre dit :

      Correction faite. Merci de cette remarque très justifiée, qui prouve au moins qu’André Dhôtel a toujours ses lecteurs !

  2. Witt dit :

    Magnifique…

  3. Garet dit :

    Merci pour cette ballade ardennaise très instructive!!!

  4. Jacques Ibanès dit :

    Très belle évocation de ces hauts lieux où j’espère pouvoir présenter un jour mon récital « Rimbaud, danser la vie » (si quelqu’un connaît un organisateur intéressé…)

    Côté boîte aux lettres, celle d’Antonio Machado à Collioure tient encore debout et reçoit elle aussi beaucoup de courrier.

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