Cette année encore, le Festival d’Avignon nous a offert de grands moments de bonheur. Retour sur quelques coups de cœur du off dont les reprises sont à guetter.
En cette année Pagnol, la compagnie Cartoun Sardines reprend “Angèle”, son adaptation du film de l’auteur de la Trilogie marseillaise. L’alliance théâtre-cinéma-musique, dans laquelle la compagnie marseillaise excelle, fait ici encore merveille. Nous assistons simultanément à l’histoire d’Angèle et au tournage du film. Avec un rail de travelling et un praticable pour tout décor, six interprètes débordants d’énergie se partagent la distribution, jouant tantôt les personnages du film, tantôt l’équipe technique du tournage. Dans un rythme soutenu, apartés et commentaires vont bon train. C’est d’une drôlerie et d’une inventivité folles ! Le spectacle se jouera le 20/09 au Festival Les Provençades (13).
Autre adaptation très réussie, portée par neuf comédiennes et comédiens de talent : “Bel-Ami” de Maupassant. La bourgeoisie parisienne des années 1880 est alors l’élite de la politique et du journalisme. Grâce à son entregent et ses conquêtes féminines, un joli fils de paysans plein d’ambition y fait une ascension fulgurante. Arnaud Gagnoud, interprète du rôle-titre et adaptateur, signe une mise en scène ingénieuse et énergique où un rien (un changement de lumière, une musique, un élément de décor) suffit à suggérer un lieu. Dans un savant jeu de lumières délimitant intelligemment l’espace, les multiples tableaux s’enchaînent promptement. Les comédiens endossent parfois plusieurs rôles, se chargeant aussi de la narration. Une ambiance musicale soignée et de bien jolis costumes complètent le tout. C’est avec délectation que nous suivons l’évolution de Georges Duroy, de son arrivée dans la capitale, jeune homme candide cherchant à s’extraire de la pauvreté, à sa réussite sociale en tant que rédacteur en chef d’un des journaux les plus influents de l’époque. Un beau spectacle de troupe ! Le spectacle se jouera le 16/05/2025 à l’Espace Jean-Marie Poirier de Sucy-en-Brie (94) et d’autres dates verront le jour d’ici là. À surveiller !
À travers le portrait de deux générations de mineurs dans le Nord de la France à la fin des années 50 et l’histoire d’amour d’un jeune couple, dont l’un est issu de l’immigration polonaise, et l’autre, marocaine, la nouvelle création de Jean-Philippe Daguerre, “Du Charbon dans les Veines”, est une ode à la fraternité. Belle reconstitution d’un monde disparu, elle nous offre toute une galerie de personnages attachants, dont les distractions consistent à regarder la Coupe du monde entre amis dans le tout nouveau poste de télé, à jouer de l’accordéon ou encore à élever des pigeons-voyageurs. Bien rythmée, la pièce dose adroitement comédie et émotion, évoquant aussi bien l’amitié, le racisme, que la mort ou la condition féminine. On y retrouve avec bonheur le style de Daguerre mêlé d’humour et de sensibilité. La distribution, au diapason, est parfaite avec un Jean-Jacques Vanier au sommet ! Un hommage bienvenu à la rude condition des travailleurs des mines. La pièce se jouera au Théâtre Saint-Georges à partir du 22/01/2025.
Véritable thriller littéraire, “Gary devant soi” de Vincent Gaillard nous plonge avec délectation dans les coulisses de la plus fascinante imposture littéraire de tous les temps: celle de Romain Gary (1914-1980), prix Goncourt 1956 pour “Les racines du ciel”, puis en 1974 pour “La vie devant soi”, sous l’identité d’Émile Ajar. La pièce se déroule de 1973 à 1980, de la naissance de cette mystification au suicide de l’écrivain. Avec maestria, sans chercher à l’imiter, Xavier Lemaire campe un Gary complexe et retors en diable, exalté, puis dépassé par sa facétie. La gracieuse Laurence Porteil est une Jean Seberg fragile et blessée, et Barthélémy Heran, un petit-cousin admiratif évoluant progressivement en un dangereux et incontrôlable homme de paille. Des dialogues pleins d’esprit pimentent l’intrigue. Saluons la mise en scène enlevée de Xavier Lemaire: avec pour cadre principal le bureau de l’écrivain, les scènes s’enchaînent allègrement au son d’une radio égrenant les tubes des années 70. Truculent! Le spectacle se jouera le 07/10 au Petit Théâtre de Rueil-Malmaison (92), le 06/05/205 au Théâtre Paul Eluard de Bezons (95) et d’autres dates sont à venir. (Voir le site de la compagnie Les Larrons).
“Lumière!” de Stéphane Landowski relate l’invention de la lumière… et de la chaise électrique! Le progrès et son revers noir. Remarquablement construite, très enlevée, bien interprétée, avec des dialogues non dénués d’humour, cette fausse comédie nous embarque avec suspens dans la lutte des couples Edison, Westinghouse et du jeune Nikola Tesla pour l’invention de l’électricité. La fin est une véritable douche froide. Saluons l’élégante mise en scène de Maxence Gaillard et son chatoyant décor aux multiples ampoules. La pièce se jouera au Lucernaire à partir du 6/11/2024.
Pour finir, mentionnons la présence toujours très remarquée, depuis 18 ans, des compagnies taïwanaises dont le pays était invité d’honneur du Festival off. Ces jeunes artistes de danse et de cirque contemporains nous ont, une fois encore, éblouis par leur grâce et leur virtuosité !
La suite demain…
Isabelle Fauvel
Photos:
Ouverture: Angèle ©Isabelle Fauvel
(2): Du Charbon dans les veines © Grégoire Matzneff
(3): Quand Le Corps S’exprime (Chun Dance) © Isabelle Fauvel
Quel plaisir de retrouver la chronique du festival off d’Avignon qui nous fait toujours découvrir d’intéressantes nouvelles pièces de théâtre !
Notons celles qui vont être reprises à Paris ou en région parisienne pour y courir.
Ah merci Isabelle, j’attendais cette chronique avec impatience, moi qui n’ai pas pu me rendre au festival ! Merci de vos coups de cœur qui nous apprennent qu’on peut encore les voir en session de rattrapage… Et vivement la Partie 2 (et plus ?)!