Pour ceux qui sont convaincus que les vertus émancipatrices de la culture ne sont pas de vains mots et pour qui l’imaginaire est aussi une ouverture nécessaire sur le monde, ce n’est pas le moment de flancher. En ce printemps du Grand Mécontentement la libre expression des artistes, poètes, humoristes, etc. reste une boussole, un peu dingue parfois, mais toujours propice à la réflexion, loin du repli rance et haineux. Et, enfin une bonne nouvelle, les espaces de liberté et de création se nichent aussi dans des endroits inattendus comme à Maurs, petite cité de caractère au sud du Cantal. Alors Zou ! en route pour L’Épicerie, où une bande d’amis faisant le constat que les galeries d’art ont plus souvent pignon sur rue que le long des ruelles villageoises ont mis leur énergie et leur désir d’art contemporain en commun pour créer l’association Tousarzimut et ouvrir leur galerie, dans une ancienne… épicerie.
Et depuis 2018, tous les étés, ça bouge beaucoup sur le Tour de ville. Commune rurale, Maurs est à environ 30’ des premiers musées de Figeac (46), Aurillac (15) et Decazeville (12). D’où la nécessité, dans un esprit d’éducation populaire cher aux bénévoles qui portent entièrement le projet, de mettre la création artistique à la portée de tous et bien sûr des habitants. Et ça marche, la première année quelque 1800 visiteurs sont venus et revenus encore plus nombreux les années suivantes. Alors, qu’est-ce que l’on y voit?
Les sceptiques sont vites rassurés et même bluffés, pas d’amateurisme ni de joliesse, les artistes recherchés et choisis par le collectif le sont pour leur talent formel mais aussi pour l’exigence de leur travail tant dans leur démarche que dans leurs œuvres. Ambitieuse, la programmation favorise ceux qui nous parlent de leur expérience du monde, de leur rapport à l’espace et la couleur ramenés à la toile, non pas comme ornement mais comme expression de leur univers. Des œuvres fortes, comme celles de Claude Chaigneau qui a ouvert la saison 2023, en forme de déflagration.
Chaque été, l’Épicerie accueille des artistes qui vivent et travaillent dans la région, mais aussi beaucoup plus loin. Les saisons se suivent et ne se ressemblent pas avec la présentation tour à tour de peinture, sculpture, gravure, dessin, photo, graphisme, Land art, machines…. En 2022, Tousatzimut a ouvert les portes de la galerie au sens propre en invitant la plasticienne Pascale Planche à installer son œuvre sur un plan d’eau très fréquenté. Ce qui intéresse l’association c’est aussi de faire dialoguer les artistes, la première saison en accueillait, avec l’enthousiasme des débutants, huit, travaillant dans des registres différents. Malgré le succès, on l’a dit, la voilure a été réduite progressivement à trois expositions qui s’échelonnent entre juin et septembre. Exigence ne rime pas avec élitisme, les bénévoles se relaient pour accueillir les publics et leur présenter les œuvres. La parole est libre et de fait, la galerie se transforme souvent en espace de discussions forcément fécondes.
Pas de stars chics et chères, mais les artistes veulent vendre aussi. La galerie ne prend que 15% sur les ventes et elle se débrouille avec les subventions, des dons, les adhésions, et bien sûr, s’appuie sur le bénévolat. Cette année ne devrait pas démériter avec déjà et jusqu’au 7 juillet, l’exposition « Pêle-mêle » de Nicolas Gey (image d’ouverture), peintre, poète, chanteur et sculpteur, qui présente des œuvres à l’acrylique dans lesquelles son imaginaire apocalyptique dialogue avec des portraits très sensibles. Suivra « évolution dé-évolution » de Jacques Muray qui n’hésite pas entre dessin et photo, mais intrigue sûrement. Et du 8/8 au 1/9, la sculptrice céramiste, Anne Guérin, viendra de l’Hérault accompagner ses pièces de grès blanc qui sont autant de balades entre rêveries et nature.
Le reste de l’année, Tousarzimut n’hiberne pas mais organise des vide atelier(s), des collaborations avec l’Artothéque du département, propose des stages et des formations et pour l’avenir nourrit un projet de résidence d’artiste. Passion, curiosité, vitalité, et peur de rien, autant de qualités qui caractérisent cette bande d’amis qui savent remplir les vides laissés pour la culture en milieu rural. Et finalement ce qui est le plus intéressant, c’est que ça marche. N’en déplaise aux obscurantistes, il y a une réelle appétence pour la création et l’imaginaire en dehors des chemins balisés. Un œil sur le programme « culture » de ceux qui menacent le fragile équilibre du vivre ensemble, donne des raisons supplémentaires de s’intéresser à ce type d’expérience ambitieuse et généreuse. Alors, oui à Maurs et ailleurs, à la liberté d’expression et à ceux qui s’en servent pour le meilleur.
Marie-Françoise Laborde
Merci pour cet article exprimant le positif, l optimisme, on en a besoin!
Merci pour cet article, c’est exactement une manifestation nécessaire, en ce moment et au-delà.
Le we prochain à Gisors : Le Grand BAZ’ART.
Mais les musées nationaux semblent commencer à le comprendre et à sortir de la coquille, le MuMo se déplace, je l’ai vu aux Andelys et je compte y retourner quand il passera à Chaumont en Vexin. Les écoliers, collégiens, centres d’animation ont des créneaux réservés.
C’est une expérience magnifique.
Dans un autre registre, il ne s’agit pas d’art contemporain mais d’un art aussi méconnu, incompris. Le musée du Louvre a organisé dans 18 villes de France, durant l’hiver 2021/22, l’exposition « Les Arts de l’Islam ». J’en ai vu 2, à Mantes-la-Jolie, et à Saint Denis. Des expositions légères (pas le gavage RMN) néanmoins excellentes, y compris l’art vidéo. Et chaque fois regretté le peu de fréquentation, en particulier des jeunes.
Ma soeur, institutrice retraitée m’a fait remarqué que le sujet est trop polémique, les enseignants -si quelques uns y ont pensé- n’ont pas pris de risques.