25 ans après la disparition du photographe, le Jeu de Paume expose (jusqu’au 6 février 2011) les œuvres du hongrois André Kertész reconnu tardivement dans le monde entier. L’exposition retrace chronologiquement les différentes tranches de vie de cet artiste : de la Hongrie (1912-1925) à New York (1936-62) en passant par Paris (1925-26) et Ailleurs (1960-1985).
Un parcours riche et foisonnant qui rend toute tentative de cataloguer l’artiste vaine. De sa jeunesse hongroise, il tire des clichés très personnels qui viennent puiser dans ses souvenirs : la campagne, les gens simples, ses amis, sa famille. De la grande guerre, il ne ramène pas d’images morbides mais immortalise ses rencontres avec les soldats, les paysans et les enfants tziganes. Durant l’entre-deux guerres, il vit à Paris au milieu des émigrés, hongrois et artistes pour la plupart. Dans l’atelier d’un sculpteur, il photographie la danseuse Magda Förstner mimant une sculpture de l’artiste : l’image « Satiric Dancer » deviendra célèbre.
La longue série de nus féminins, réalisée en 1933, et baptisée « Distorsions », est sans aucun doute la partie la plus déroutante de son œuvre. En jouant avec deux miroirs déformants, il engendre des figures grotesques – parfois fantastiques- sorties de nulle part. Jambes étirées, poitrines difformes… le corps de ces créatures monstrueuses est complètement désagrégé.
Autre virage en 1928 : André Kertész se révèle dans le photojournalisme. Lucien Vogel, le directeur du magazine d’actualités photographiques Vu lui confie des reportages photographiques. Il en produira 35 en huit ans de collaboration. A New York, il traverse de vrais moments de solitude qu’il exprime dans des œuvres profondes comme l’illustre « Le nuage égaré » de 1937 (un nuage butant contre le Rockefeller Center) ou les images mélancoliques de parcs et de jardins sous la neige.
Enfin, la dernière partie de l’exposition s’achève de manière inattendue sur des images -en couleur- réalisées avec un polaroid. Elles mêlent toutes les influences de l’artiste – l’importance des ombres et des distorsions par exemple – et nous projettent une fois encore dans un univers, intrigant et indéfinissable.