Alicante, située sur la Costa Blanca au sud-est de l’Espagne, a tout pour faire rêver. Du soleil en XXL, un quartier historique plein de charme, des rues animées, de bons restaurants de poisson et bars à tapas… et des plages en plein centre-ville. De grandes plages de sable blond qui attirent de nombreux touristes. Devant tant d’attraits, on a tendance à oublier que la ville est aussi un lieu de mémoire. Et non des moindres. Alicante a été l’un des derniers bastions républicains de la Guerre civile espagnole. Et ses plages ont été, il y a 85 ans, un lieu d’espoir. C’est là que des milliers de réfugiés fuyant l’arrivée des troupes franquistes attendaient les bateaux français et britanniques qui devaient leur permettre de fuir. Sitôt le pied posé à Alicante, le visiteur a droit à un accueil maritime et ensoleillé charmant. En moins de 20 minutes, le bus-navette de l’aéroport dépose ses passagers sur l’emblématique place d’Espagne, une magnifique promenade ombragée par d’immenses palmiers et pavée de plaques de marbre de différentes couleurs. À ses pieds, la mer et les plages que la promenade borde sur des kilomètres.
Dans son dos, le château Santa Barbara, perché à 166 mètres, domine le quartier historique de Santa Cruz. Il est splendide avec ses petites maisons accrochées à la colline, ses marches raides et ses venelles colorées qui débouchent sur de petites places cosy. Encore authentique et peuplé par ses habitants, il est très calme. En hiver, en tout cas. Au vu du nombre de panneaux: «Silence» «Respectez notre sommeil» «Nous on travaille», etc. fixés sur les maisons, on imagine qu’en été le quartier tutoie l’enfer touristique et son bruitage de téléphones portables et autres fêtes nocturnes.
Dans la vieille ville quelques monuments notables retiennent l’attention. Citons, entre autres, les vétéranes cathédrale San Nicolas et église Santa Maria, construites sur les ruines d’anciennes mosquées mauresques. Et dans un autre style, l’Hôtel de ville d’architecture élégante et sobre du XVIIe siècle. La marque sur la marche de son entrée n’est pas là par hasard. Il s’agit de «l’altitude zéro» soit le point de référence depuis lequel est calculé l’altitude (au-dessus de la mer) de tout site en Espagne. Et justement, pour prendre de l’altitude et rejoindre le château Santa Barbara, il faudra acérer ses mollets. Cette forteresse médiévale, l’une des plus importantes d’Espagne dont l’origine mauresque remonte au IXe siècle, vaut vraiment la montée très raide. Depuis ses murailles de quatre époques différentes la vue à 360° sur la ville, sur le port et sur la mer est exaltante.
Le 30 mars 1939, eux aussi regardaient tous la mer. «Eux» ce sont les 16.000 réfugiés massés sur la plage d’Alicante qui cherchent à échapper aux troupes franquistes alors que l’Espagne est perdue pour la République. Ils attendent les bateaux britanniques et français qui doivent venir les évacuer. Ces derniers ne viendront jamais. Le 28 mars 1939, quatre jours avant la fin de la guerre, le Stanbrook, un navire de marchandises commandé par le capitaine britannique Dickson est le dernier à quitter le port d’Alicante. Sensible au sort des réfugiés, le capitaine décide d’en embarquer, laissant à quai les marchandises qu’il devait charger. Le navire manœuvre dangereusement chargé à ras bord de 2638 réfugiés. Malgré tout, ils débarquent le lendemain, sains et saufs, à Mers el Kébir.
Le 1er avril 1939, Franco émet un communiqué dans lequel il déclare que «la guerre est finie» après trois années de guerre civile. Des centaines de milliers de républicains sont arrêtés et internés dans des camps de concentration. Les réfugiés républicains d’Alicante restés en rade sur la plage sont confinés dans les stades, arènes, casernes, et le château de Santa Bárbara. Les hommes sont envoyés dans un camp en plein air, Le Camp des amandiers dont les conditions de détention sont inhumaines. L’écrivain Max Aub (1903-1972), interné là, les relate dans son livre, « Campo de los Almendros ».
Pour honorer la mémoire des républicains d’Alicante, la municipalité a initié un circuit des abris antiaériens. La visite commence au Marché central. Là, des bombardements contre la population civile ont lieu le 25 mai 1938 à 11h45 du matin quand le marché est bondé, faisant des centaines de morts et blessés. On peut voir dans une vitrine à l’intérieur de cette magnifique Halle du début du XXe siècle, l’horloge arrêtée à l’heure du bombardement ainsi que la sirène antiaérienne qui, malheureusement, ne fonctionna pas. Parmi les abris anti-aériens visités, celui de la place Sénéca qui peut accueillir jusqu’à 2500 personnes est sans doute le plus spectaculaire. On peut y «expérimenter» les sensations vécues par les réfugiés grâce à enregistrements reproduisant les bombardements.
Mais quand la douceur de vivre d’Alicante nous saisit, nous oublions vite ces sensations importunes. Et répondons promptement à l’invitation du soleil qui vient éclairer la plage: Vamos à la playa!
Lottie Brickert
Photos: ©Lottie Brickert
Une destination qui, à la lecture de cet article, donne envie de cette échappatoire au trop-plein de grisaille… Merci pour cette évocation ensoleillée
Très beau texte Lottie, merci, ce beau voyage entre douceur marine et épopée historique m’a donné envie de pousser quelques 100 km plus bas que Valence pour découvrir Alicante et pourquoi pas pousser jusqu’à Elche pour contempler la jolie dame dont ma prof d’espagnol nous parlait tout le temps! 🙂
Avec sa palmeraie de 240 000 palmiers (la plus importante d’Europe), ses jardins et son centre ville resserré au style éclectique, Elche a un charme certain.
J’y ai passé une journée et ai apprécié de me retrouver de me retrouver à quelques kilomètres d’Alicante dans un paysage nord-africain développé par les Maures. Il y a aussi quelques très bons restaurants (hélàs fermés lors de ma visite début janvier).
Merci à ma fidèle lectrice pour ses compliments et bon voyage en Espagne !
Merci pour ce bain de soleil hivernal avec ce rythme plaisant d’écriture.
Même si jai été un peu déçu par cette ville où nous nous sommes croisés le temps d’un café, les balades au bord des plages bétonnées restent agréables.
Pour ma part je préfère largement sa voisine Valence.