“Demain est annulé” affiche, pour sa nouvelle exposition, la Fondation groupe EDF. Les trois mots de cette sentence pour le moins pessimiste, écrits en lettres capitales, sont heureusement barrés en leur partie supérieure. On reconnaît là le style de Rero, le graffeur aux messages énigmatiques. En dessous, trois petits carrés, tels des points de suspension, viennent compléter l’axiome et, plus bas, un sous-titre à l’exposition, plus explicite : “de l’art et des regards sur la sobriété.” Comme à son habitude, l’activiste de rue ambitionne d’affirmer par la négation, de clamer l’inverse de ce qui est écrit. Demain n’est donc pas annulé si nous prenons conscience de la fragilité de notre planète et considérons que l’inaction n’est plus envisageable, tel est le message. Pour ce faire, la Fondation a réuni une vingtaine d’artistes et de scientifiques. Devant l’amer constat d’une planète en décrépitude, ceux-ci nous amènent à explorer quelques-uns des chemins menant vers un monde durablement vivable.
Le travail de Rero, dans lequel le détournement occupe une place centrale, se situe à la croisée du street art et de l’art conceptuel, et ne cesse de questionner notre monde contemporain. Le titre de l’exposition appartient, en réalité, à un triptyque géant qui accueille le visiteur dès la première salle. Sur le panneau de gauche, on peut lire “RÉPARER LE FUTUR…”, au milieu, “RÉSISTE À TA PROPRE RÉSISTANCE…” et, sur celui de droite simplement, “DEMAIN EST ANNULÉ…”. Des lignes verticales bleues, rouges et brunes composent le fond des trois peintures. Il s’agit des “warming stripes” (ndlr, bandes de réchauffement climatiques) crées par le climatologue Ed Hawkins. Plus la bande est foncée, plus l’écart de température est grand, nous explique le cartel. Par cette œuvre coup de poing, l’artiste nous place face aux effets du changement climatique et nous invite à faire un choix: accepter ou ignorer la réalité d’un monde qui s’altère sous nos yeux. Un peu en amont, une œuvre géante de l’artiste zimbabwéen Moffat Takadiwa, “Land of Coca-Cola and Colgate” (2019), composée de tubes de dentifrice, de têtes de brosses à dents et de bouchons de bouteille, nous interpelle, quant à elle, en dénonçant un problème écologique majeur : la pollution des déchets plastiques. Message reçu cinq sur cinq.
Au centre, à même le sol, “Zen Garden” (2022), une vaste installation de Bianca Argimón attise notre curiosité. Dans cette œuvre inspirée des jardins zen japonais, l’artiste franco-espagnole a remplacé les bonsaïs qui ornent habituellement ces espaces par des fragments de corps de travailleurs de la City en costumes, la tête enfouie dans le sable, telles des autruches. La sculptrice dénonce par là une société économico-centrée qui continue de s’enfoncer dans ses propres vicissitudes en fermant sciemment les yeux. Une bande-son composée de bruits de claviers d’ordinateurs et autres objets du quotidien vient renforcer le propos. Là encore, message reçu cinq sur cinq.
Par cette introspection à l’échelle de notre société, se trouve ainsi posée la question des limites planétaires et de notre capacité à utiliser de manière sobre toutes les ressources naturelles, de façon à ne répondre qu’à nos besoins essentiels. Nous sommes invités à penser notre rapport à la sobriété et à imaginer un espace habitable pour tous. Dans un parcours thématique évolutif, menant des “chemins de l’incertitude” à “demain nous appartient”, en passant par “un monde pour tous” et “les chemins du progrès”, les œuvres nous invitent à une déambulation artistique des plus variées (installations, photographies, vidéos, peintures…), avec parfois des réalisations très singulières, telle cette tapisserie de Chloé Bensahel, “Les Plantes vertes” (2023), à la fois tactile, sonore et lumineuse ! Dans cette tapisserie réalisée sur un métier à tisser du 17e siècle, l’artiste a mêlé des fibres naturelles à des fils électroniques afin de rappeler que les outils technologiques ne s’opposent pas frontalement à la nature, mais s’en inspirent.
Discours artistique et paroles d’experts se répondent tout au long du parcours, par vidéos interposées. Et l’heure n’est pas au pessimisme, mais au changement de pensée et de comportement. À la question “Peut-on préserver notre nature tout en maintenant notre bien-être ?”, la géographe Magali Reghezza-Zit répond positivement. Et la chercheuse Yamina Saheb, de préciser “La sobriété ne peut pas être mise en œuvre de la même façon dans les pays riches et dans les pays pauvres.”, ce qui implique d’ériger une solidarité entre les pays les plus avancés et les pays émergents. Le philosophe Dominique Bourg nous invite, quant à lui, à une sobriété riche de sens et de spiritualité, dans un nouveau mode d’accomplissement de soi, en reconnexion avec la nature. Et l’historien François Jarrigue, de rappeler que la technique est le résultat de choix politiques, et que “Si on définit comme horizon collectif une société sobre, nous allons pouvoir réfléchir à quel système technique nous allons mettre en place.” De précieux regards donc, qu’il est urgent de partager !
Isabelle Fauvel
Merci pour ce post, OUI il faut rester optimiste et nous pouvons nous en sortir !
C’est d’ailleurs l’objet du livre » Not the End of the World: How We Can Be the First Generation to Build a Sustainable Planet » de Hannah Ritchie, chercheuse à Oxford.
https://www.sortirdunucleaire.org/EDF-Greenwashing-pour-la-COP-21
https://www.google.com/amp/s/www.greenpeace.fr/espace-presse/taxonomie-greenpeace-saisit-la-justice-contre-la-commission-europeenne-pour-stopper-le-greenwashing-du-gaz-et-du-nucleaire/%3famp=1
Aïe aïe aïe le capitalisme a cette faculté phénicienne de financer l’art (conceptuel) écologiste pour neutraliser son éventuel pouvoir de résistance et justifier son greenwashing pro gaz d’effondrement et nucléaire décomplexé. De même Vuitton se paie Rothko qui a créé une fondation, lui, pour les nécessiteux. Nous voulons croire en ceux qui nous tourbillonnent médiatique-ment le jugement. Merci toutefois, Isabelle Fauvel pour votre foi.
La Fondation EDF -grâce à nos factures d’électricité-propose des expositions gratuites et intéressantes ; j’avais vu il y a longtemps une expo « déchets »…
A condition de réfléchir aussi grâce au post de Tristan Felix
merci
En un temps plus lointain, l’espace d’exposition de la Fondation EDF s’appelait Espace Electra. L’accès y était déjà libre. On a pu y voir de très belles expositions consacrées notamment à Jacques-Henri Lartigue, Georges Méliès ou encore Yann Kersalé.