Histoires concentrées d’animaux, de Rosa Bonheur, et du Portugal

Au château de Fontainebleau s’est déroulé les 3, 4 et 5 juin dernier le 11ème festival de l’histoire de l’art. Paradoxalement et volontairement, ce grand rendez-vous annuel qui réunit des historiens de l’art des philosophes, des anthropologues et autant de spécialistes pointus, se veut avant tout une manifestation destinée au plus grand nombre. Pari réussi grâce à une programmation riche de 200 événements et aussi grâce à la thématique retenue à savoir la place de l’animal dans l’art, ainsi qu’au choix du pays invité : le Portugal. Une occasion pour le grand public de (re)découvrir trois artistes hors pair dont le plus ancien d’entre eux, Jean-Baptiste Oudry (1686-1755). Lequel fut le plus brillant portraitiste animalier du XVIIIe siècle français. Ses remarquables portraits des chiens du roi Louis XV réunis dans l’appartement Mérimée du château (ci-dessus), jouent avec les codes du portrait de cour et témoignent de l’engouement pour l’animal de compagnie de l’époque. «N’a t’on pas eu raison d’appeler Monsieur Oudry un magicien en peinture ?» disait à son propos Baillet de Saint-Julien.

Dans le «fumoir Napoléon III» on apprend que le château de Fontainebleau est aussi devenu le lieu de mémoire de celle qui répondait au doux nom de Rosa Bonheur selon le choix de son amieet légataire universelle Anna Klumpke, suite à plusieurs donations. Elle fut l’artiste féminine la plus décorée et la plus récompensée de son époque et tout simplement la plus célèbre. Celle qui n’avait pas accès à l’école des Beaux-arts parce que interdite aux filles, va étudier directement au musée du Louvre et poursuivre l’observation des animaux au Jardin des Plantes et jusque dans les abattoirs. Comme toutes les femmes de son temps depuis une ordonnance datant de novembre 1800, Rosa Bonheur (1822-1899) devait demander «une permission de travestissement», renouvelable tous les six mois auprès de la préfecture de Paris, pour pouvoir porter des pantalons dans le but, notamment, de fréquenter les foires aux bestiaux, de voyager ou de monter à cheval. «J’avais pour les étables un goût plus irrésistible que jamais courtisan pour les antichambres royales et impériales»: celle qui doit sa célébrité à son amour des bovins ira les étudier sur place en Auvergne, dans le Nivernais et jusque dans les Pyrénées. «Le labourage Nivernais» exposé au salon en 1849 lui ouvre la voie des commandes officielles. Avec en 1853 son «Marché aux chevaux» (des percherons sur 5 mètres de long) qui est exposé pour l’exposition universelle de Paris puis en Angleterre et aux États-Unis, elle accède à une notoriété internationale. En 1860 elle s’installe au château de By à Thomery près de Fontainebleau au cœur de la nature et des animaux qu’elle chérit tant. Elle y accueille toutes sortes d’animaux y compris des fauves qu’elle domestique : les lions Néron et Sultan et la lionne Fathma.

À la suite de la visite impromptue de l’impératrice Eugénie dans son atelier, elle est reçue à déjeuner par le couple impérial. C’est le début d’une amitié sincère et indéfectible entre les deux femmes. C’est aussi le premier voyage à Fontainebleau qui ne sera pas le dernier.
Rosa Bonheur fut également une femme d’affaires accomplie. Ses œuvres sont reproduites en estampes par la maison Goupil qui souhaite mettre l’art à la portée de tous, lui assurant une large diffusion. Elle donne des interviews et multiplie les photographies pour forger une légende autour de son personnage. Elle part en tournée avec son marchand d’art pour trouver son réseau de vente et faire la promotion de ses tableaux. Sur le marché de l’art, elle fut la première artiste dans l’histoire de la peinture dont les tableaux firent l’objet d’une spéculation de son vivant.

Quant aux sculptures d’un des plus importants artistes portugais de la scène contemporaine Miguel Branco, elles sont à voir jusqu’au 18 septembre. À découvrir, les trois versions différentes de son cerf qui prennent toute leur place dans les espaces du château: L’un en bronze doré dans les petits appartements de l’impératrice, le blanc dans la salle des cerfs et la version en bronze patiné dans le jardin de Diane. Miguel Branco avait fait l’objet d’une importante exposition à Paris au Musée de la Chasse et de la Nature en 2017.

Autant d’occasions de fouler les marches de l’escalier en fer à cheval rénové et de voir ou revoir ce château aux portes de Paris dont Napoléon disait qu’il était «la vraie demeure des rois, la maison des siècles».

Marie-Pierre Sensey

« Cave Canem » Jean Baptiste Oudry et les chiens de Louis XV, jusqu’au 30 juin 2022
Nouvelle présentation permanente de Rosa Bonheur à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, fumoir Napoléon III, Château de Fontainebleau/ Toutes les manifestations sur le site du château

Photo du bronze de Miguel Branco: ©MPS
N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Découverte. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.