La maison bretonne où Apollinaire a vécu son dernier été n’est pas un mystère. Située à Kervoyal, nano-hameau côtier du Morbihan, elle fait face à la librairie Kervoyelles (1). Celle qui tient cette librairie dont le propos se résume par «Bouquins & sirops» s’appelle Christine Gaudichon. Et pour Guillaume Apollinaire elle sait : «la maison où il a habité avec sa femme, montre-t-elle du doigt, c’est là, la partie gauche de la maison».
Dans un pays qui perd ses librairies et qui rebaptise ses bibliothèques médiathèques, l’entreprise de Christine Gaudichon relève d’une sorte d’héroïsme.Le fait qu’Apollinaire ait vécu là apporte à à la tenancière de Kervoyelles un atout de premier choix. Elle a donc glané quelques informations et documents sur le passage du poète à Kervoyal afin de renseigner le visiteur. Elle produit notamment une lettre de l’infatigable correspondancier qu’était Apollinaire, lequel y révèle l’existence de sa propriétaire, Madame Robert :
«Mon cher ami, je suis parti de façon si inopinée que je n’ai eu le temps ni de vous écrire ni de vous téléphoner. Serge l’a fait pour moi. Depuis je me repose au soleil, j’en suis ivre… Ici nous sommes dans un pays perdu : toujours beau temps, figuiers et temps du Midi, mer et coquillages ! Le revers de la médaille on manque de pain, l’eau est mauvaise et il y en a peu, le ravitaillement est difficile. Pour le reste, le plus jeune habitant du village a 84 ans et il est encore amoureux racontent ceux qui l’envient. Les femmes sont aussi vieilles pour la plupart, mais il y a quelques jeunes femmes. Notre propriétaire Mme Robert a 83 ans. Il y a une femme de 96 ans et une autre de 92. Mais c’est la vie du XVIIIe siècle, le repos absolu. C’est merveilleux».
L’écrivain Jacques Doucet (la suite de son livre Apollinaire à La Baule) s’est lui aussi attaché à décrire le passage du poète à Kervoyal au mois d’août 1918 sans toutefois y avoir fait le déplacement. Apollinaire est venu dans ce hameau proche de Ambon et Damgan pour s’y reposer. En réalité, il semble qu’il y a beaucoup travaillé. Jacques Doucet évoque ses chantiers en cours, un livret d’Opéra intitulé «Casanova» et un drame en vers, «Couleur du temps». Il songe aussi, détaille Jacques Doucet, à proposer aux frères Briffaut, éditeurs, «une série sur les grandes amoureuses de l’histoire, Cléopâtre, Messaline, Ninon de Lenclos…Ouvrages où se mêleraient érotisme et érudition (…) ».
Mais trois mois plus tard à peine, la grippe espagnole achève en quelques jours le poète revenu de la guerre, que sa blessure au Front avait durablement affaibli. Sur la jolie plage de Kervoyal, dans cette anse intime, le vent ne se lasse pas de raconter le séjour estival du poète, à qui veut bien l’écouter.
PHB
(1) Ce n’est plus le cas aujourd’hui
toujours de belles photos et une sorte de romantisme flottant sur la visite poetique mais pas seulement…
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