«ll n’est ni roi, ni duc, ni prince, ni seigneur/Qui ne vive de la peine du pauvre laboureur.» Ces vers signés Émile Guillaumin figurent en bonne place dans la présentation de l’Association des Écrivains et Artistes Paysans (AEAP) qui fête cette année son cinquantième anniversaire. Authentique paysan de l’Allier, Guillaumin (1873-1951) fut sans doute l’un des premiers à concrétiser ses rêves littéraires. L’un de ses ouvrages fut couronné par l’Académie française, et son roman «La vie d’un simple» , qui avait enthousiasmé Octave Mirbeau, obtint plusieurs voix au prix Goncourt de 1904.
Tous les membres de l’association n’ont certes pas connu la même fortune littéraire qu’Emile Guillaumin. Mais chacun, avec sa sensibilité propre, entend témoigner par ses écrits son attachement à la nature, et transmettre au monde citadin les valeurs de la vie terrienne.
La première tentative pour réunir ces paysans amateurs de belles-lettres eut lieu au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avec la création du «Courrier des écrivains paysans», un périodique qui fit long feu. Il fallut attendre 1972 pour que quelques paysans du Sud-Ouest décident de constituer une véritable association. Elle vit le jour en 1972 à Plaisance dans le Gers, à l’initiative notamment du maire de la commune, Jean-Louis Quereillahc lui-même écrivain (il écrivit une douzaine d’ouvrages, dont le dernier fut publié l’âge de 96 ans, un an avant son décès en 2018).
L’association s’est depuis ouverte aux disciplines artistiques et réunit aujourd’hui une centaine d’adhérents, venus des différents territoires français, mais aussi de Suisse et de Belgique. La production littéraire des membres de l’AEAP est le plus souvent en relation directe avec la vie du terroir où ils sont enracinés. Le catalogue des œuvres publiées montre cependant une grande variété à la fois dans les thèmes traités et les formes littéraires. Présidente de l’association depuis 2013, Jacqueline Bellino (photo d’ouverture), oléicultrice à L’Escarène, près de Nice, a ainsi publié à la fois des textes poétiques à la gloire de l’olivier, des romans, et des documents humains comme le récit de son expérience auprès des femmes de Palestine pour lesquelles le travail de la terre et la culture de l’olivier constituaient des actes de résistance (Les Oliviers de Palestine, éditions du Cygne). Doyenne incontestée de l’association, Genevieve Callerot, bientôt 106 ans, n’a jamais quitté le village de Saint-Aulaye (Dordogne) ou elle est arrivée en 1920 à l’âge de 4 ans. C’est à 63 ans que cette ancienne résistante décorée de la Légion d’honneur, s’est lancée dans l’écriture, après avoir travaillé comme agricultrice avec son mari. Sa bibliographie comporte aujourd’hui six ouvrages. Le dernier, paru en 2018, «Deux filles sous la botte, chronique d’une famille pendant l’occupation», fait appel à ses propres souvenirs.
L’une des difficultés de ces écrivains vivant très loin des milieux de l’édition est bien évidemment de se faire connaître. L’association a multiplié ses efforts en ce sens et plusieurs années de suite, a occupé un stand au salon de l’agriculture à Paris où les auteurs pouvaient rencontrer leurs lecteurs ou futurs lecteurs. De même, l’association est régulièrement présente au Festival du Livre de Mouans-Sartoux (Alpes-maritimes).
Il est également important que le public le plus large puisse avoir accès aux plusieurs centaines d’ouvrages publiés par les auteurs de l’AEAP (plus de 500 depuis la création de l’association). Les responsables se félicitent que la bibliothèque de l’ethnopôle Garae à Carcassonne assure aujourd’hui la conservation et la valorisation de ces précieuses archives dont le catalogage et la mise en ligne devraient être réalisés cette année.
L’ethnopôle deviendra ainsi le lieu de mémoire de l’association : la convention entre l’AEAP et la bibliothèque sera officiellement signée le 14 avril prochain. L’année 2022 sera d’ailleurs une année faste pour les paysans écrivains, puisque les adhérents venus de toutes les régions se sont donné rendez-vous la dernière semaine du mois d’août afin de fêter le demi-siècle d’existence de l’association. Ces retrouvailles – et les obligatoires festivités concomitantes – se dérouleront à Plaisance du Gers, le village où tout a commencé en 1972.
Gérard Goutierre
Merci pour ce résumé fidèle du long parcours de l’AEAP. Plus que jamais, alors que l’habitat s’étend hors des villes, il nous parait nécessaire de conforter les liens entre paysans et citadins pour construire ensemble une ruralité harmonieuse. Votre article va dans ce sens.
une ruralité harmonieuse sans OGM et sans pesticides bien sûr
Espérons