J’ai besoin d’un remorqueur

Ce n’est certes pas tous les jours, du moins sur la terre, que l’on a besoin d’un remorqueur. En mer c’est souvent urgent. Et justement,  il se trouve un pavillon pour l’exprimer dans le code international des signaux. C’est même le dernier des vingt-six pavillons, lequel arbore quatre couleurs codant pour  le « Z » de « zulu ». Comme il est assez question en ce moment de la dernière lettre de l’alphabet pour désigner par raccourci ou par pudeur un candidat à un grand jeu télévisé parodiant une élection présidentielle, il est amusant de chercher dans une bonne encyclopédie, les bons mots de cette section finale. Notamment et ce n’est peut-être pas un hasard, les termes moqueurs commençant par « Z », servant à désigner un individu. Par exemple lorsque Marcel Proust brocarde gentiment Madame de Réveillon, en disant d’elle qu’elle « est un bon zig et pas duchesse pour deux sous ». Il aurait pu dire cézigue voire bon zèbre, mais de sa part, c’était sans doute et déjà un effort de descendre à l’office chercher un mot dans le langage ordinaire.

Pour une fois, faisons-nous zélateur et même zélote du « Z » en évoquant les zozos, les zigomars, les zinzins ou les zigotos. On comprend bien qu’une personne ou un groupe de personnes ainsi désignés sont à ranger parmi les gens pas sérieux. Les seuls qui préfèrent éviter les mots commençant par « Z » sont ceux qui zézaient, zozotent, zonzonnent ou zinzinulent. Encore que dans ces deux derniers cas, le verbe en question est mieux adapté aux insectes puis aux oiseaux. Reste que pour un humain, l’idée rigolote de zonzonner ou zinzinuler se laisse agréablement caresser.

La dernière partie des dictionnaires invite ainsi à la détente, singulièrement avec les zazous, mot qui venait du jazz (Cab Calloway) ce qui tombait bien puisque les zazous en question en avaient fait leur genre musical de prédilection, en plus de leur élégance vestimentaire forcenée. Boris Vian évoquait d’ailleurs dans « Vercoquin » les « petits zazous et les petites zazoutes ». C’était une sorte de contre-culture avec deux « Z » et Raymond Queneau de son côté, expliqua que le zazisme avait permis à une certaine jeunesse de « prendre conscience d’elle-même ».

Sans compter quelques curiosités dénichées dans un vieux Larousse de 1931 comme l’adjectif zéophage qualifiant un être humain se nourrissant principalement de maïs et surtout le mot « zest » sans « e » à la fin. Il avait deux définitions. D’une part dans l’expression entre le « zist et le zest » qui voulait dire « ni bien ni mal » et d’autre part en tant qu’interjection de dédain. Dans les deux cas, le zest est passé par pertes et profits mais il était opportun (puisque c’est vendredi) de lui offrir une petite résurrection à but récréatif. De nos jours, avec son « e » final,  c’est bien le zeste qui compte.

On ne peut évidemment manquer dans la foulée de se rappeler des « zutistes », club présidé au 19 siècle par Charles Cros. L’idée était, pour certains membres de ce club, comme Rimbaud, Verlaine ou Richepin, de dire via un postulat de rejet global, « zut » à tout. L’encyclopédie qui en l’occurrence, nous sert de référence, nous informe que ce mot de trois lettres provenait du « langage poissard », c’est-à-dire du peuple. Alors que progressivement, son usage (comme « flûte ») permettait d’éviter des termes nettement plus grossiers à même de provoquer la zizanie.

Le dictionnaire culturel de la langue française (le Robert) du moins dans édition de 2005 en quatre volumes, comptait deux mots de la fin. D’abord le Zythium (ou Zython), à l’avant-dernière place donc, vocable qui désignait une sorte de proto-bière dans l’Égypte ancienne, puis « zzz » qui pouvait éventuellement se remplacer par « bzz ». Et de citer Céline dans « Nord » qui écrivait: « les araignées viennent regarder elles se laissent filer du plafond… et zzz!, elles se renroulent. »

Notons pour en revenir au départ, que dans un code maritime (1) dévoyé, trois « Z » vachement tracés sur un pavillon, pouvaient signifier que tel capitaine a besoin de trois remorqueurs, à moins que la capitainerie ne comprenne que l’émetteur fût fin saoul.

Et puis il serait dommage de quitter cette rubrique du zappeur, chroniqueur désespéré du « Z » à la recherche d’une bonne chute, sans nous rappeler au bon souvenir de Don Diego de la Vega (interprété par Guy Williams) qui signait à la pointe de son épée sur le ventre du Sergent Garcia, un fameux « Z » qui voulait dire Zorro (renard en espagnol, ndlr), le cavalier qui aimait dit-on, surgir hors de la nuit, toujours vers l’aventure au galop. Cette série télévisée de 1957 a laissé, à juste titre, moult bons souvenirs aux jeunes spectateurs de cette époque. Rappelons-nous que Zorro est mort en 1989 à Buenos Aires et que, s’il rencontre tout là-haut des aficionados en quête d’autographes, on n’ose imaginer avec quel instrument il les signe et où.

PHB

 

(1) À propos du code maritime

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3 réponses à J’ai besoin d’un remorqueur

  1. Marie-Hélène Fauveau dit :

    Vivent les dictionnaires !
    Merci c’est toujours un régal de vous lire.

  2. Bouiges dit :

    Et n’oublions pas le bon vieux méchant Zorglub de Spirou et Fantasio !

  3. jmc dit :

    A propos de zut, cher Philippe, tu dis que « L’encyclopédie qui en l’occurrence, nous sert de référence, nous informe que ce mot de trois lettres provenait du « langage poissard », c’est-à-dire du peuple. » Certes mais l’étymologie ? Ce qui est amusant c’est qu’on ne sait pas trop, mais que cela pourrait être la résultante d’une crase entre « zeste », évoqué plus haut, et « ut », interjection sans doute utilisée par la confrérie des typographes, pour écourter leur « Ut tibi prosit meri potio » (Que grand bien vous fasse ce bon vin pur). C’est en tout cas l’une des principales hypothèses de la plupart des dicos et encyclopédies.
    Zutiste convaincu, j’engage par ailleurs les Soirées à enquêter plus avant sur le fameux club en question. (Le local qui leur servait de lieu de réunion est situé à l’angle du bld Saint-Michel et de la rue Racine…).

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